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Roland Michel Tremblay          La Révolution           www.lemarginal.com

 

 

LA RÉVOLUTION

 

 

Roland Michel Tremblay

44E The Grove, Isleworth, Middlesex, Londres, TW7 4JF, UK

Tél.: +44 (0) 20 8847 5586 Mobile: +44 (0) 794 127 1010

rm@themarginal.com     www.lemarginal.com

 

RÉSUMÉ

À 17 ans Roland Michel s'est lancé dans un essai sur la question de la philosophie dans le monde: La Révolution. Bien que l'auteur croit sincèrement que personne n'a eu le courage de lire cette oeuvre au-delà des cinq premières pages, et donc jamais compris l'ampleur et la profondeur de la question existentielle posée, il considère ce livre comme sa meilleure oeuvre. La Révolution a été écrit en un temps où l'auteur se cherchait, et s'est trouvé un style littéraire plutôt hors du commun. Avec le temps il a compris que peut-être cela ne l'aiderait pas à être publié. «Qu'à cela ne tienne!», s'est-il dit, «je vais terminer ce livre et je saurai moi apprécier cette poésie en prose».

La Révolution, par sa prose poétique, montre le cheminement de René dans sa réussite sociale et amoureuse qui l'emmènera à une finalité plus grande, soit la découverte de la fin de l'océan. Il abandonne donc les siens pour s'embarquer sur l'océan à la découverte de sa finalité. Il émet des hypothèses sur l'Univers, mais ignore jusqu'à la rotondité de la Terre. Pourtant il découvrira effectivement la fin de l'océan par l'aliénation. Il est alors en mesure de se créer son propre univers, faire la révolution, devenir Dieu et établir sa nouvelle humanité.

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PRÉFACE

La Révolution, ce livre inclassable, indéfinissable selon ceux qui m'entourent. La Révolution, une perte terrible de temps, trop de sacrifices inutiles pour une oeuvre qui ne saurait prétendre en être une. La Révolution, une pseudo-œuvre vouée aux feux de l'enfer, que seul le diable comprendra peut-être.

La Révolution est un livre qui m'a pris cinq ans à écrire. Deux années de gestation et trois ans d'accouchement. De tout le temps que j'ai pu y mettre, jamais je n'ai rencontré une seule personne de mon entourage qui ait été capable d'en lire plus de cinq pages. C'est un sujet complexe, un texte dense, je l'admets. On ne peut le lire qu'en s'arrêtant à chaque ligne, comme s'il s'agissait de la poésie en prose.

Face à ce dilemme, à savoir s'il ne me restait plus qu'à jeter à la poubelle tant de labeur ou tenter de l'imposer à mon entourage, j'opte plutôt pour une troisième option. C'est-à-dire l'offrir au monde inconnu dans l'espoir que quelques personnes, ou même une seule personne, puissent voir ou vivre ce que moi je vois et vis lorsque j'entre dans l'univers de La Révolution.

J'opte donc pour la défense du seul livre que je pourrais relire plus d'une centaine de fois et dont il est venu un temps où je pouvais le réciter par cœur. Ainsi je rapporterai les paroles de Jean-Pierre Ryngaert dans son livre Qu'est-ce que le théâtre contemporain ? à la première partie qui s'intitule Les obscures clartés et les incompréhensibles lumières :

S'il fallait donner la définition la plus large du texte de théâtre moderne et contemporain, peut-être pourrait-on reprendre la belle formule d'Umberto Eco qui qualifie les textes de « machines paresseuses » dans Lector in fabula, et considérer que notre corpus regroupe les plus paresseux de tous. Pas forcément les plus abstraits

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ou les plus énigmatiques comme on l'entend dire parfois, mais plutôt ceux qui ne se livrent pas facilement dans l'acte de lecture, qui résistent au résumé rapide pour les lignes-programmes des magazines et qui réclament du lecteur une vraie coopération pour qu'émerge du sens.

C'est presque un programme de lecture, une quête pour un parcours. Nous en sommes au moment où les avant-gardes sont mortes et où on les redécouvre. À un moment où il ne fait pas bon, pour un auteur, faire preuve de trop d'invention formelle sous peine d'être rejeté comme « illisible » et suspecté d'un retour de terrorisme intellectuel. Où il vaut mieux qu'un texte ne perturbe pas trop la langue académique et manifeste de la bonne volonté pour communiquer. Où, peut-être, la pensée est suspecte sinon « dépassée » si elle ne se présente pas de manière propre et anodine.

Nous voilà d'emblée soumis au paradoxe théâtral, écartelés entre le désir de comprendre et d'expliquer les textes, et amoureux de ceux qui résistent, qui ne se donnent pas d'emblée comme faciles en livrant clefs en mains un univers lisse ou insignifiant. Le texte de théâtre ne mime pas la réalité, il en propose une construction, une réplique verbale prête à se déployer sur scène. Parmi les textes auxquels nous avons à faire, certains semblent obscurs et ne s'ouvrent pas à la lecture. Mauvais texte, textes ratés ou mauvais lecteurs, lecteurs insuffisants devant des formes pas encore tombées dans le domaine public ?

Le théâtre repose depuis toujours sur les jeux de ce qui est caché et de ce qui est montré, sur le risque de l'obscurité qui tout à coup fait sens. La représentation, dérisoire dans son projet même, s'essouffle à faire paraître le monde sur scène avec les moyens rudimentaires de l'artisanat forain et par le langage. C'est vrai depuis les Mystères du Moyen Âge dont les représentations du Christ ou des diables de l'Enfer ravissaient, nous dit-on, les spectateurs. C'est toujours vrai, et ça ne l'est plus tout à fait aujourd'hui, puisqu'il existe bien d'autres moyens de représentation que le théâtre, bien plus « vraies », notamment les images filmées, et bien plus

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« fausses », ce sont juste des images, et pas toujours des images justes, dirait Jean-Luc Godard. 

De là, sans doute, un premier malentendu entre ceux qui écrivent le théâtre d'aujourd'hui et qui le font représenter, et ceux qui y assistent. Il existe un grand décalage entre le théâtre tel qu'il se pratique et tel qu'il est perçu ou, en tout cas, selon l'idée qu'on s'en fait.

Il existe donc, chez les auteurs d'aujourd'hui, une envie de rompre avec une certaine rigidité de la représentation traditionnelle. Cette mise en crise, quand elle commence par l'écriture, opère un dérèglement dans les conventions de la représentation. Elle fait le vide en s'attaquant au savoir-faire dramatique et inévitablement à la fable. 

Voilà tout ce que j'ai pu trouver pour défendre La Révolution. Ce genre d'essai-roman qui observe différents types de mentalités selon le statut social et les intérêts d'un personnage. Mais il s'agit aussi d'un voyage initiatique où, après avoir tout remis en question, l'homme embarque sur l'océan pour aller bâtir sa ville de sagesse, une nouvelle humanité en l'occurrence.

Ainsi René cherche d'abord le bonheur dans la réussite sociale et amoureuse, ce qui s'avérera un véritable échec. Incapable de trouver son compte dans l'organisation sociale, René questionne les valeurs établies et s'enferme dans sa chambre. Il abandonne les siens et part à la recherche d'un nouvel univers, en idée. C'est la rupture.

Il pose alors comme finalité l'atteinte de la fin de l'océan où, croit-il, il découvrira l'univers de Dieu. Il est cependant imprégné des croyances des siens, ainsi il voit la Terre tel un disque plat et est incapable de concevoir ce que sont le Soleil et la Lune. René symbolise ici l'être humain qui essaie de se bâtir une

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philosophie à même les enseignements reçus, qui éprouve des difficultés d'adaptation à ses propres idées et se retrouve dans l'impossibilité de comprendre son identité et sa situation. Dès lors, il se construit son propre univers, et l'interprétation de son récit commence lorsqu'il découvre vraiment la fin de l'océan.

Après la nouvelle rupture, René reçoit l'illumination. Il est celui qui interprète la légende d'origine de sa collectivité au mieux de ses ambitions: devenir le dieu d'une nouvelle humanité. Pour ce faire, il entraînera son peuple à faire la révolution, une révolution spirituelle, qui implique la destruction de l'humanité. Il traversera le cycle de son existence, ensuite la constitution de la Terre, puis deviendra le Verbe organisateur d'un nouvel univers.

En quête de vérité et de connaissance, la voie que suit René lui permet, en quelque sorte, de conquérir l'humanité et de bâtir une nouvelle génération. Sa mission est d'y instaurer un nouvel État de droit en s'inspirant de l'héritage de l'ancienne humanité, c'est-à-dire la bible chrétienne qui sert ici de légende basale.

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LA RÉUSSITE

René le Bon Gars

I

La Descente aux enfers

Les pleurs, les murs suintant les pleurs. Quelles questions répondre sur ces faits que rien n'augure mieux que ces distinctions contre actions. Quelle liberté de dire que ce qui est nécessaire, entraver la justice que l'on s'est donnée. Rien ne bouge sinon que l'on mange du pain et du dessert aujourd'hui.

Argumenter, retourner ses idées. Cette aventure nous tuera tous, mais il faut s'y abandonner. Entendre une cloche au loin et se croire tout permis. C'est la joie de ces histoires qui s'éteindront avant de passer la barrière.

Oui, on le sait, vous aviez des idées révolutionnaires et vous êtes restés à pourrir dans votre salon. Et puis après? La vie vaut-elle que nous soyons révolutionnaires? Et puis après? On naît, la révolution se fait, on mange, on devient gros, on meurt.

C'est cette idée d'être ce qui ne fait aucun sens. C'est être au contact de ces gens que le quotidien avale sans raison. Les concepts, les notions, les éléments, les détritus, les camions de vidanges, les premiers ministres, le pape et Dieu.

J'arrive à peine, je débarque dans ce salon qui ne contient que ces bizarres inconnus dont je me fous. Un à travers des milliers. S'enfoncer profondément sur un banc, regarder une rivière, un pont, un arbre. La descente aux enfers commence.

Mais je vous voir venir. Pardonnez au récipiendaire, il n'est que récipiendaire justement. Il ne gagne rien à vous en vouloir encore une fois. Si la chance existait, elle ne serait que malchance à tout compter. Et si l'on parle de sang, ce ne sera pas

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s'être trompé de siècle.

II

Plus bas encore

Entendez la lumière venue vous prendre, je ne vois que le fond. Ô toi, m'accrocher pour y voir plus bas, n'est-ce pas ton but? Le mien. Se peut-il? Et pourquoi pas. Si j'aime à m'en remettre à la destinée, en criant jusque dans les profondeurs, une joie que de vous y voir.

Je n'en demande pas tant. Traverser un terrain vague, observer les étoiles, il faut pourtant que je travaille. Quelle vache, paresse, laissez-moi m'étendre au bord de cette rivière, que vous servirait de m'y voir sous l'eau? Qu'exigeriez-vous encore de moi?

Votre toit bien solide en la terre, je n'en veux point. M'interdire jusqu'à l'inaction la plus totale, j'y vois un artifice qui se prend ou non, selon les circonstances. Mais j'attends, un moment propice à quoi que ce soit, quelque chose qui invite à une grandeur aussi bien que la traversée d'un océan. C'est à un corps non contenté que vous avez affaire, pas encore tourmenté toutefois.

III

En attente de découverte

M'étouffer de cette foule perdue qui se lamente en face d'une horloge. Me taxer de ce savoir inventé, j'en inventerais du pire si vous le vouliez! Prendre le mot notion et élaborer, élaborer, élaborer... on en arrive à croire à l'intelligence!

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Du calme, le faire-valoir c'est du passé. Ce qui passe en premier, c'est le jeu. Le jeu qui passionne les grands. Il fallait bien s'en trouver des choses à faire! Mais d'autres passions m'occupent, alors que le jeu effraie à tous les niveaux.

Perdu je vous dis! je n'y serai plus bientôt. Où je serai? je m'en remets au destin. Tels ces nobles qui finissent par crever le long des rues, quel beau destin: une barbe, une bouteille, une main tendue, cette grâce dans les mouvements. Voyez, j'ai un cœur, clobop, clobop, ou si vous préférez, bou-boum, bou-boum... c'est du pareil au même.

J'en ai déjà tant parlé. Je marchais avec une tête folle, lequel de nous deux fut le plus sérieux? Lequel de nous devait commencer à vivre? Sinon moi, là ma motivation, ma démotivation, en attente de découvrir le monde. Le plaisir en est plus grand que de le découvrir, je vous assure. Maintenant, lequel de nous souffre le plus?

À quoi donc pensais-je? Naïf comme il se doit. Les vrais responsables, c'est vous! Pourquoi m'en peindre un tableau si beau? J'avoue que l'autre côté du tableau m'était connu. C'est plutôt la faute à ce désir incontrôlable, celui qui appelle à franchir les terrains vagues. Marcher sur la tête des autres, détruire ce qu'il faut d'un avenir pour enfin se croire libérer. Pour tout vous dire, à recommencer, j'irais plus fort.

IV

Des Rêveries inédites

Ah, si l'on possédait cette grâce de la légende, l'imagination frapperait là où il faut. Des cigarettes, un des premiers vrais référents, l'alcool, puisque les temps en sont là, mes rêves.

Quelle nostalgie... mais quelle nostalgie? Gardez-vous de m'en trop dire, j'en

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deviens fou. Comme elles, par la laideur et la beauté, elles en déblatèrent un océan. Que ce mot est lourd. Lourd de mes rêves, qui se résument à un champ. Eh bien, pourquoi ne pas y aller? C'est que les champs ne contentent qu'en rêve. Trop innocent pour comprendre qu'il s'agit là d'un symbole, j'en fais mon obsession. Paix ultime, bien être à la mort, cela m'offre l'archétype. Et qui les atteint, ces archétypes?

Mes rêveries se transposeraient-elles? J'en serais le premier surpris, ravi à la limite, mais encore, ce ne suffirait point à nourrir l'existence. Entendez, respirez, le plaisir se partage, mais il existe autre chose. C'est l'existence, et je n'en parle point.

V

La Culpabilité généralisée

Mal de vivre, obligations, envie de vomir. Cracher ce sentiment inutile, le lancer sur le premier venu. Si jamais je rencontre ce quelqu'un qui se sentirait plus mal, je l'embrasserais là, le plaindrais peu, et lui dirais bienvenue au paradis. Car, ce me semble, l'expression le dit, ici c'est le paradis terrestre.

Qui d'autre s'arrête une nuit durant à questionner les conséquences? Moi je les affronte, c'est ma joie. Plus particulièrement à les entendre radoter leurs reproches, inquiétudes, se sentent-ils coupables au moins? Et moi? N'en suis-je pas le moteur? Kaboum! Le moteur est sauté.

Cynisme, ce mot me restera à jamais. Ne suffit-il pas de regretter son nom? Que faire lorsque l'on possède le nom le plus laid? Celui qui fait fuir le gazouillis des z'oizeaux. Tchip, tchip, qu'ils n'auraient pas de noms eux, cela ne me surprendrait

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point. Des sottises, on en a créé un dictionnaire complet de ces noms, et l'on m'en a donné le plus laid. René. René le Bon Gars. Ce n'est pas mon nom.

VI

L'Idéal d'autrui

Vainement, j'écoute. Je reçois le vent, les bourrasques, la tempête, les fléaux, leurs dires. C'est bien peu de chose. N'avez-vous pas entendu les gens qui font la file? Ceux qui n'attendent que votre premier échec pour vous convertir aux astres? Enfants de malheur! On m'a sacré le coup de pied là où vous savez, dans le derrière, en ajoutant le désagréable qu'il faut pour comprendre votre vrai idéal!

Le chemin, je le vois là tout tracé. Il me suffit de le suivre, il m'offrira la gloire dont j'ai besoin. Ce sera là ma vie, mon idéal. J'oublie mes conseils, je ne suis pas plus fou qu'un autre. Il est facile de rejeter des sentiments lorsque l'on y a goûté. Mais avant ce temps, ce dernier ronge nos sentiments.

Je partage cependant votre peine. La bataille n'en finira que très tard, à votre désarroi. Que de négatif, suis-je né pour cela? Prophète de malheur pour cause de votre insouciance? Horribles pensées, je les garde pour moi, vous m'enfermeriez. Encore que, qu'est-ce à dire qu'il me faut violer cette femme? La prendre dans un coin noir, la déshabiller, trois ou quatre bonnes claques... quel est votre idéal de vie?

VII

Le Geste irréparable

Suffit-il d'une parole, d'une action, me voilà détruit. Bonne conscience collective. Agissons dans le noir, c'est plus prudent. Crions très fort, c'est plus

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prudent.

Quelle crédibilité? En ai-je déjà possédé une? Je la perds aujourd'hui, sans jamais en avoir entendu parler. Il fallait le prouver! Prouver que c'est moi qui ait le plus de crédibilité. Mais j'ai autre chose à faire.

Comment revenir en arrière? Mais est-ce que je veux vraiment reprendre mes actions? Il est toujours trop tard pour les regrets, ne les laissons pas devenir remords. Il faut bien continuer à suivre le chemin tracé. Voilà cependant mon plus grand obstacle, la rigueur oubliée.

Je ne suis pourtant point seul en mes choix. Quelle joie que de respirer lorsque rien ne nous accable. Mais comment se rendre compte de cet état, puisqu'à ce moment, rien ne nous accable?

VIII

La Liberté retrouvée

Le temps passe, on fait de nouvelles rencontres, on oublie. Quelques détails refont surface - un rat s'esquivant que l'on pointe du doigt - un peu de souffrance, on continue.

Même à recouvrer certains plaisirs, à en découvrir d'autres en fait. Je n'ai pas tué que je sache, pas encore du moins. Comment la vie a pu m'être si terrible? Ne me croyez pas sauvé pour autant.

Faire ce que l'on veut c'est déjà bien. Réussir c'est pénible. Et désirer, c'est la pire des choses. Ces événements, ces gens qui vous narguent de leur pseudo-vie, eh bien, leur manège fonctionne. Est-ce là la liberté? La liberté de se poignarder je dirais. De se poignarder là où l'on n'en mourra pas j'ajouterais. Le jour J n'en sera que plus effrayant.

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IX

L'Indécence en personne

Tu as deux fois mon âge? aucun problème, j'aime ce qui rappelle l'inceste. Ça m'a toujours semblé doux puisque cela sent l'interdit. On y voit d'ailleurs le plus gros des tabous sociaux. Et c'est pourtant une activité fort répandue. Ces hommes qui manquent d'action, ces femmes qui se contentent de désirer leurs fils, il est dommage que cela dérange tant le cerveau des victimes, mais ça, c'est un traumatisme transmis par la société. Chez les homosexuels c'est encore pire, je ne vois là que des pédophiles. Je ne crois pas me tromper en disant que je traduis là une opinion générale.

Réflexion faite, j'ai droit à ma jeunesse. Les belles jeunes filles seront pour lorsque je serai vieux, comme toi. Il faut parfois se contenter d'un baiser, d'une caresse et d'une bonne masturbation seul dans son lit.

Belle jeune fille qui m'attaque, on dirait que c'est elle qui charge, mais ne désire pas aller jusqu'au bout de ses fantasmes. De toute manière je suis déjà trop vieux. Peut-on faire sa jeunesse à quarante ans? À soixante ans? À cent ans même, puisque les machines nous y garderont éveillés jusque là? Et pourquoi pas. Qui se donne la peine de s'intéresser à moi, ne mérite-t-il pas que je m'y arrête, quelques minutes? Ne sous-estimons pas les vieux, eux aussi ils ont besoin de sexe!

Je crois confondre leurs histoires. Amour et amitié, n'ayant jamais connu ni l'un ni l'autre, il m'est plaisant de m'attarder à leurs propos. Provoquer la souffrance sur une période de cent ans, le temps que cela prend pour perfectionner la sagesse. À les entendre, nos vieux crèvent tous avec la sagesse acquise, dérivée de l'expérience. C'est dire qu'ils ont tout expérimenté, ouh... quelle tristesse de savoir que cela ne sert à rien. Mieux eut valu se tirer à la rivière.

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X

Une Lamentation universelle

Des écureuils, diable d'écureuils! Près de ma rivière, en amour comme il se doit. Et ils sont bien de la famille des rats eux, des rats d'égouts!

Fuir, fuir tout ce qui s'appelle l'amour! Ils sont tous malheureux de toute façon! Un des écureuils finit toujours par se faire écraser ou se faire électrocuter par un fil électrique! Et l'autre attend la mort, seul, c'est ça la vie!

Détruire tout ce qui m'est à la portée de la main, ce qui fera davantage mal après la crise. Montrer tout l'impact du malheur lorsqu'il survient, aucune chance à l'oubli. Le souvenir n'en devient que plus amer. Je m'y complais cependant. Cet état de laisser-aller, étape d'intransigeance complète. Il n'y a que moi pour me comprendre, me plaindre. La tendance est à condamner ces actions, pauvres tendances.

Je vous montre mon acquis, vous en frémissez d'horreur. Quel choc pour mon simple esprit. Cette plainte à mon endroit, moi qui n'ai que mes larmes pour considération. Solitude maudite, alors qu'ils s'arrachent la multiplication des relations. Parlez toujours, je n'entends rien.

La discrétion, un luxe que les autres doivent s'offrir. Vous en entendez davantage que j'en dis, supposez davantage que j'en jouis. Le mépris, c'est là votre sentiment, qu'espérez-vous donc des miens?

Moi aussi je dévisage les damnés qui errent sur les terrains vagues. J'ai cette idée qu'ils aiment souffrir et qu'ils seraient prêts à tout sacrifier pour qu'on les obnubile à leur tour. Et le jour où on leur donnerait la parole, le seul mot qui sortirait, serait celui que vous connaissez. Faites donc semblant de l'entendre pour la première et dernière fois, vous éviterez ainsi une tuerie ultérieure à quelque part.

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Une tuerie comme on en voit dans les porcheries, ça c'est de l'action. Quel beau moyen d'être entendu. Et le meilleur, c'est que cela ne vous concerne pas. En effet, il serait bien surprenant que la victime soit un de vos proches, ou vous-même. Mais sait-on jamais.

XI

La Vie active

Subir, subir les autres. L'artifice de ces inopportuns qui s'en permettent une destruction dans les règles. Ma vie se terminera là où vous ne serez plus. Arriver à voir votre travail m'est déjà difficile, votre savoir vous aveuglerait tout à fait.

N'avez-vous pas mis les piliers en place? Sont-ils bien scellés en la pierre? Vérité de fortune, j'admets votre raison et n'exclus cependant pas la mienne. Me serais-je trompé de chemin? Aurais-je emprunté des embranchements inutiles? La fin m'en dira tant.

Cette ville m'a rendu là où j'en suis. Pardon, je ne suis point responsable de ma situation, les circonstances le sont. En d'autres lieux, en d'autres temps, tout me serait venu à point. Plaît-il de considérer ces choses, il me faut pourtant accuser quelque chose, mieux que quelqu'un, les circonstances ne peuvent se défendre et contredire.

Tous ces gens qui forment l'atmosphère, travaillent ardemment à créer ce qui fait le cœur des agglomérations, on les voit courir dans toutes les directions. Formellement habillés, on se demande pour qui et pourquoi. Comment m'y retrouver? Impossible. Chacun est partie du tout, personne n'est le tout. Adieu va, cette vie inaccessible n'en vaut la peine.

Moi je suis plutôt la mortification. Se plaire en la terre. Je survole l'action,

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l'admire, m'écrase au bout. Noblesse d'idées non consumées. Je termine là où rien ne se termine. Et ça fonctionne, je m'en sors. Mais de là à me voir participer à la vie active...

Branle-bas de combat, lâchez les amarres, à l'attaque! Abordez, sabordez, il faut prendre le contrôle de ce tout! Le premier qui faillit, prend le bord. Celui qui refuse, ne refusera plus. Ingrat univers, perfection qui existe en théorie. Tout va couler un jour ou l'autre, que ce soit là au moins le fruit de mon inaction!

XII

La Folie intrinsèque

Frapper le mur de ce crâne, ah! Un jour je ne résisterai plus, je me laisserai aller à cette violence que vous croyez gratuite. Frapper le mur... autant pour cette femme qui s'imagine en danger. Je vous le montre le danger? Allons donc, vous n'avez plus confiance? Pitié, votre folie m'emportera je ne sais où.

La chair, j'en mange, j'en savoure jusqu'à la moelle. Qui donc peut se vanter de jouir autant en ses fantasmes? Auriez-vous oublié la joie d'imaginer l'inimaginable? La douce routine d'une relation qui finit par frapper les nerfs, rebondir sur les enfants, provoquer deux générations et plus de désordre mental? Pour en saisir l'expérience, j'ai encore mon mot à dire.

Vous croyez que je déteste les femmes parce que je souhaite en tuer une. Je vous fournis même les preuves. Mais que valent vos preuves lorsque, pour une femme que je veux tuer, il existe deux hommes que je tue? Vous seriez mieux de dire que je déteste les hommes, c'est plus général, véridique et protocolaire.

Quand bien même vous répéteriez vos histoires vingt-cinq fois, que voulez-

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vous que j'y fasse? Je suis violent, intolérant, égocentrique, prétentieux, homophobe, misogyne... mais c'est héréditaire, héritage de vos religions. Et encore, me faudrait-il les connaître. Je n'en entends que les ravages, assez impressionnant. Mieux vaut ne plus en parler, j'en vois déjà plus d'une moitié d'entre vous qui se lève pour crier à la répugnance. Vous savez je vous aime?

XIII

L'Assimilation de l'Univers

La moindre de vos paroles vaut-elle que je m'y arrête trois jours durant? Des mois durant? Des années à m'écorcher je ne sais quels os sur trois planches? L'assimilation de vos histoires me conduit directement à la faillite. Ah, je le paye cher mon vouloir à vivre. Et ce n'est pas là la soif du savoir.

L'ignorance. Le concept de ce mot séduit les masses. Il me séduit moi en tout cas. Si chacun de vous symbolisait l'ignorance — et chacun de vous symbolise l'ignorance — quel avancement ce serait pour l'art de la non-assimilation.

Cette question aussi, suis-je bien René le Bon Gars? S'agit-il pour vous de me reconnaître pour tel, association faite en rapport à de quelconques faits ou endroits que je crois habiter? Et plus, s'agit-il de me reconnaître en vos constructions, considérer votre façon de vous scandaliser pour mienne? En fait, vos arguments pour me prouver que j'existe ne me convainquent nullement. En fait, je vais vous dire ce qu'il en est: vous me confondez avec les bancs du parc alors que je m'identifie au pont.

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XIV

La vraie réussite

Quelle réussite que je cherche? L'humain est incapable de passer à travers une existence infernale et en ressortir satisfait à l'autre bout. Il sera malade avant la fin, s'il ne se découvre pas un cancer.

Les bonnes organisations ont toujours pour bases de bonnes intentions. J'exclus les mauvaises organisations, bien qu'elles soient majoritaires, j'aime croire qu'elles se détruisent d'elles-mêmes. Enfin, la stabilité de n'importe laquelle des organisations est toujours à remettre en question. Car un jour vient cet être immonde qui veut tout s'approprier, tout changer à son profit. C'est contre lui que je me bats.

Suis-je donc laissé à moi-même alors que je dois sans cesse me battre, sinon avec mes semblables, avec moi-même? Que tous m'apprécient pour ce que je suis ou ne suis pas, voilà une idée que je dois chasser de mon esprit. La solution serait-elle la misanthropie? Je n'hésite pas à le croire. Il faudrait s'enfermer chacun chez-soi et ne plus bouger. Sinon m'exiger le respect des autres plutôt que l'obéissance à quelqu'un. Il me faut être celui qui détruit les autres à l'avantage de mon organisation ou à mon avantage. N'est-ce pas là le mot d'ordre implicite à tout organisme?

J'ai tant appris à tout mépriser que d'atteindre mes objectifs n'est qu'étape vers l'atteinte d'un autre objectif, celui de l'isolement justement. Et je comprends que la misère ne provient pas du fait que l'on est rien, mais plutôt de la souffrance qui vient avec. J'apprends aussi que des gens qui souhaitent le bonheur des leurs, famille et enfants, peuvent cracher sur les autres qui ne désirent qu'un peu d'indifférence dans leur relation avec autrui. Pourquoi me veulent-ils tant de mal, alors que moi-même, si je n'y réussis pas du moins, ne cherche que le bien et la justice de toute la collectivité?

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On ne peut avoir confiance en personne, pas même en ceux qui prient Dieu. Semble-t-il, on peut croire au purgatoire et tout faire pour en souffrir une éternité.

S'il appartient à moi seul de bâtir un monde meilleur, je suppose que je peux faire un effort. Mais le courage me manque pour terminer la journée d'aujourd'hui. Si l'énergie dont un humain a besoin pour construire ses projets lui est mangée par d'autres tout aussi vides d'énergie, comment la race arrivera-t-elle à être heureuse, ou même, à s'en sortir? Et sur quelles bases asseoir cette idée de faire le bien si chacun fait le mal, ou même, si un seul fait le mal? La démonstration ou la conscience de ce mal ne se fait même plus. La vengeance est tout ce qu'il me reste.

Des nécessités de la vie vous dites? Sagesse, jugement, justice, valeurs, conscience. Dès lors, quels seront les mérites et les prix à distribuer? Une reconnaissance à recevoir: celle-là est vertueuse, donnons-lui une médaille qu'elle pourra embrasser le soir avant de se coucher. Celui-ci est pourri, attention, ça mord! Ça tombe mal pour vous, je n'aurai jamais de médaille. Je me suis fait à l'idée, j'en n'en veux point. Alors la morale? Niet.

Cette compétition qui ne contente pas les mauvais et détruit les bons par les mauvais. Cette compétition qui ne contente pas les bons et détruit les mauvais par les bons. Du manichéisme machiavélique machiné.

XV

Une vague transition

Je vais devenir bon. M'entraîner à être la perfection. Si j'étais premier ministre, chacun aurait droit à être heureux. C'est-à-dire plus de taxes, d'impôts ou de maison à payer; des foyers pour femmes battues pour toutes les femmes de la planète; des programmes de désintoxication pour tous les capitalistes endurcis. Ah, recréer une misère comme on en a plus vu depuis longtemps.

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Toujours si j'étais premier ministre, je crierais que tout le monde est mon frère et ma sœur, et me débarrasserais de ceux qui diraient qu'ils ne sont ni mon frère ni ma sœur; je grimperais aux arbres, me lancerais de branche en branche, courrais sur les toits de maison, arracherais les fils électriques, les fils de téléphones, les câbles de TV, les tuyaux d'eau et de gaz, et toutes ces cochonneries qui ne servent à rien.

Si j'étais pape, j'obligerais l'avortement, prônerais l'homosexualité, me travestirais en putain de la rue principale.

Et si j'étais René le Bon Gars, je me suiciderais.

XVI

De solides piliers

Le bon sens, c'est vous qui le détenez. Vous en payer chèrement le droit. C'est comme des intérêts des associations, rien à voir avec vous. La vérité n'est pas à remettre en question.

Les bourreaux sont ressuscités et la guillotine ne nous sauvera pas. L'ancre est omniprésente, à moi seul je ne distingue plus l'horizon. Les solutions sont éparses en la nature, et résident davantage en la multitude d'actions qu'en les majeures réformes. La révolution, un vain effort.

Le bon sens, c'est moi qui le détiens. La vérité est de moi, aussi faussée que vous l'entendez. Politique, médiatique, juridique ou biblique, mon rôle est de vous contredire. Je suis l'opprimé de ces lieux, vous ne me ferez pas justice.

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XVII

Les Bas-fonds

Les bas-fonds comme je les aime. Voler une poire alors que l'on est allergique à ce fruit douteux. Je doute même d'un fruit, tout votre savoir-faire réside en mes éternuements.

Je m'en paye une de temps à autre, ça saute les mille dollars vous savez. Vous comprenez la valeur de mes besoins. Le sexe n'a pas de prix. L'argent n'a pas de prix. Le danger est ignoré, subi, oublié. Cela n'a pas de prix.

Le conservatisme tue. Je veux une société embrouillée, sexe et drogues légalisés. Comment voulez-vous contrôler ce qui n'a jamais été de votre contrôle? Voilà la solution à vos dépenses extravagantes et aux problèmes sociaux. Je serai le premier aux lignes à fumer et à jouir de votre industrie.

Encore plus de vol organisé, déclarez faillite, ainsi ceux qui souffriront seront ceux qui survivront de toute manière, ils n'auront qu'à déclarer faillite.

Élaborez les bases de votre nouveau système, l'anarchie est à nos portes. Destin apocalyptique de toute génération, passionnante chose qui demeure. Lisez-vous mon cœur? J'en doute. Voilà pourquoi les bas-fonds sont ma demeure. Ce que je veux? Doit-il y avoir une réponse? Je l'ignore.

XVIII

La non-abstraction de l'espace / temps

Comment exiger des autres ce que je ne peux offrir? Pourquoi, à défaut de m'accorder des choses, dois-je vous en accorder? Serait-ce encore une question de mérite?

Rien n'est plus abstrait que le temps et l'espace. Néanmoins je vais mourir

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sans avoir respiré une seule fois, avec l'espoir déçu de parcourir les vingt-quatre fuseaux horaires de la planète. N'est-ce pas vous dire clairement que je crois que la Terre est sphérique? Cette idée, à elle seule, embarrasse votre semaine de travail. Car, s'il se trouve des choses plus concrètes que votre accomplissement hebdomadaire, vous les oubliez volontiers.

Certains se permettent des remarques sur le temps. Est-ce à dire qu'ils croient le processus inconscient? Réveillez-vous, la critique n'est pas ouverte sur un cheminement pleinement conscient. Je sais que je vais mourir tôt. Je sais l'influence que vous aurez sur cette destinée. Je répète sans cesse les mêmes choses, cette quête du temps et de l'espace. M'accuser de remplir ma tâche incorrectement, c'est abuser la collectivité.

Voyez, la volonté s'envole comme le temps, et la vie ressemble à ce cheminement où, pour franchir un kilomètre, il faut cinq heures. Cela est-il trop abstrait?

XIX

Cette capacité d'invention

Je me surprends de voir certains se surpasser pour découvrir ces choses que je ne comprendrai jamais. Cette façon d'enchaîner les événements, qui un coup assimilée, devient la pensée générale. Faut croire, à force de regarder les étoiles, on finit par apercevoir la vie. Et si la vie elle-même était une invention?

Certains paradigmes sont pourtant fort troublants. L'ingénieur invente le robot, le biologiste invente l'humain. L'auteur de science-fiction règle le sort du robot, le philosophe celui de l'humain. La machine et l'humain sont identiques, sauf que la machine dévie moins facilement de ses objectifs, est plus performante et est pourvue d'une mémoire infaillible. Ironie du sort, celui qui crée le cerveau du robot, c'est ce

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certain qui s'est surpassé. Malheur pour les humains, l'intelligence demeure un mystère. Mais le robot sait-il que son intelligence est le fruit de quelques humains? Et qui me dit que l'intelligence des humains n'est pas le fruit de quelques humains? Un auteur en parlait comme du fruit d'une machine. Ne serions-nous pas en train de signifier quelque chose?

Cette idée porte à réfléchir sur la condition des hommes. Si le programme qui compose notre intelligence peut être changé, j'opte pour une nouvelle version, en espérant qu'elle sera moins défaillante. Certains y ont déjà songé, ils pratiquaient le lavage de cerveau. C'était une idée séduisante, dont le but l'était peut-être un peu moins. Il faut pourtant vous changer en quelque chose de potable. À l'heure actuelle, vous vous croyez intelligent en observant l'évolution des sociétés. Je m'excuse, le produit d'un seul humain ne saurait être considéré tel le produit d'une collectivité. La physique, la chimie, les mathématiques, la philosophie, cela n'a rien à voir avec vous, au contraire, votre semaine de travail vous oblige à considérer des choses bien étroites et bien simples dans leur champ respectif.

Aussi bien dire que l'intelligence est à remettre en question. Plus particulièrement celle de la majorité. Sinon, comment les statistiques, aussi biaisées qu'elles le sont, pourraient être si précises avec la seule opinion d'une infime partie? Lisez votre journal, embarquez dans l'opinion que l'on daignera vous donner, mais ne venez surtout pas me dire ce que je dois faire, et comment je dois le faire.

XX

La Lucidité par l'alcool

J'ai fait souffrir une fille jadis en la laissant s'approcher, tomber en amour, puis en lui avouant que je ne l'aimais pas. Aucune justification possible, le mal est fait, je suis coupable. J'attends le jugement.

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Nous étions donc assis sur un banc près d'une autre rivière que celle dont je vous parle tout le temps. Elle a sorti une bouteille d'alcool de son sac en disant: «au point où j'en suis.» Elle y risquait sa vie d'ailleurs, sa santé ne lui permettait pas une telle boisson.

Depuis, lorsque je souffre, je sors une bouteille. Je bois ce soir car je souffre. J'ai bu jadis car je souffrais. Et demain je boirai encore, malgré vos pleurs. Me saouler, c'est parfois tout ce qu'il me reste. C'est cela que j'entends par une réalité qui devient si futile, qu'elle n'en vaut plus la peine. Lorsque mes mains tremblent, que je deviens incapable de penser à quoi que ce soit d'autre que mes problèmes, chaque aspiration conduit à une forte expiration prête à faire sortir les larmes, tout comme cette fille autrefois. Je la comprends, je l'approuve. Elle rend sa condition à un état autre que celui auquel elle a à faire face. Cela a été dit, les humains sont bien observateurs de par leur expérience si grande. Juger de ses actes maintenant, cela ne se peut faire qu'après.

Je sais quels actes concrets je vais poser pour venger mes inquiétudes. Si l'alcool parvenait à me faire oublier, oublier d'envenimer ma situation, mes regrets lui seraient déjà reconnaissants. Se prendre pour si important, prendre pour si importante n'importe laquelle petite action, que chaque acte que l'on pose doit se payer, punition ou récompense, et toujours en fonction des autres. J'ai tant souffert, ce temps ne finira jamais, et pourquoi devrait-il finir. Ah, si l'alcool pouvait tuer sur le coup...

XXI

Le Silence anarchique

Ouvrir une coquille, y découvrir une bibitte à pattes, le bonheur...

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XXII

La Destruction de la planète

Se peut-il que j'en arrive à souhaiter cette bombe atomique? Qu'elle n'épargne personne, là mon souhait. Pourquoi? Certains y verraient encore un mérite pour certaines couches sociales. La question demeure, où se situe la récompense? À la mort ou à la survie?

Joyeux Noël! Dieu est venu sur la Terre pour vous détruire. C'est là où le message prend tout son sens, là où vos modèles de paix s'estompent sous les accusations humaines. Voyez l'humanité, si vous pouvez l'entrevoir. Une planète de plus ou de moins, ce n'est pas le système solaire qui s'en plaindrait. Plus spécifiquement lorsque cette planète ne fait que se plaindre, comme moi d'ailleurs. Encore que, la vie selon votre définition, n'est-ce pas de faire passer le temps en reculant la mort? Je dis alors, pourquoi ne pas la souhaiter cette mort? Je n'en ai que faire de faire passer le temps.

Fraîche innocence, qui ne s'est jamais levée un matin pour apercevoir le soleil se lever. Et ça crie au désespoir. Il y a de quoi désespérer.

Ceux qui sont heureux aujourd'hui ne pourront comprendre mon état. Je leur dis donc d'attendre d'être à mon niveau. Il serait ridicule de se croire à l'abri de l'échec. Et l'échec ne pardonne pas, il efface toute trace de succès antérieur.

XXIII

L'Insomnie de l'aveugle

Demande-t-on à celui qui vit bien s'il désire changer les choses? Faut-il espérer que ceux qui ne souffrent pas voient la nécessité de changer les choses? Faut-il changer les choses parce qu'une minorité souffre? Maintenant, jusqu'où va cette

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minorité? Mais, doit-on changer les choses parce qu'une majorité souffre?

Les questions ne sont-elles pas des réponses. C'est ce que j'ai appris. Cela m'occupe des nuits entières, ces questions qui se répondent d'elles-mêmes. Le calvaire des damnés.

Il serait intéressant de définir ce qu'est un damné. Celui qui souffre de ne pas avoir sa place, et qui souffre encore lorsqu'il l'obtient. Aucun moyen proprement dit de s'en sortir. N'est-ce pas là l'âme des poètes? Heureusement je ne porte pas ce nom.

Parce que moi je sens la merde! Si je ne me retenais pas, je vous accuserais encore. Vous, je suppose que vous sentez l'absence de senteur. Cette injustice devrait-elle être tolérée? Peut-être sentez-vous les fleurs après tout, ce qui n'est pas pour me contenter. Si je souffre, il faut que l'humanité souffre aussi!

XXIV

Le Sacrifice de la vierge

L'immolation! L'heure du sacrifice! Cause de l'insomnie, ravageant les derniers espoirs d'un homme qui sait crier au suffrage de la masse!

Aucun pardon possible! L'attache, le feu, la mise à mort! C'est ce que l'on cherche, c'est ce que l'on a! Des clans, idée absurde, je suis un contre tous, à supporter mon nom, je tiendrai tête! Aucune pitié!

Que la vierge meure, puisque c'est là son destin! Elle n'apprendra que trop tôt l'horreur de ce monde! À quoi sert de jouir de son malheur? Pas de rédemption pour la race humaine, il lui faut mourir! Ni pour la faveur ou pour le détournement de la colère d'un Dieu, mais pour le besoin même de la race! Qu'elle s'offre en entier, pas à moitié! Comprendrez-vous la nature de ce sacrifice?

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XXV

Le faux summum

C'est bien. Un haut de montagne indique une descente. Mais là, tout se précipite, on arrache une couple de branches au passage, on s'accroche comme on peut aux racines, on lâche un cri et l'on atterrit dans l'eau. Que cette fin est prévisible. Que me donne de vendre le morceau maintenant, vous connaissez ce genre de vie mieux que moi, elle vous entoure partout alors qu'elle m'est inconnue.

En effet, je n'ai jamais atteint ces édifices. De toute manière, ceux qui y parviennent, n'y demeurent jamais longtemps.

Eh bien non, tout va s'étirer au contraire. Je vais l'atteindre ce summum, j'y suis d'ailleurs au summum. Et je vais redescendre lentement, dépendant de votre perception des choses. Mais la fin demeure prévisible, car je ne suis pas moins sérieux qu'avant.

XXVI

L'Équilibre irrationnel

La race survivra peu importe la raison qui l'occupe. Aussi saugrenu que cela puisse paraître, l'avenir passe par la spiritualité poussée à outrance. L'asservissement alors ne sera pas pire que notre dépendance actuelle.

Souffrir du bonheur des autres, se plaindre d'être l'oublié, se réjouir du malheur de notre absence, c'est là l'essence de toute relation. La faute n'incombe à personne pourtant, ou à tous. Le bonheur des uns, détruit les autres. Cette nature est

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difficilement concevable. Apprendre le coût de la dépendance, c'est souhaiter se laisser aller à la dérive et voir l'action nous achever.

Cet achèvement n'est pas si mal, en l'occurrence. Selon vos intérêts, vous apprécierez les conséquences directes de l'asservissement.

XXVII

L'Insécurité idéologique

Un homme par siècle se lève, construit un mythe, se rassoit. De ce siècle, je vois à peine ce que je dis. Mon nom retentira au millénaire prochain. Alors je serai déjà loin sur l'océan.

Il est toujours dangereux de dire ce que l'on pense. Surtout lorsqu'il s'agit de choses que les gens ne s'avouent pas qu'ils pensent. Pourquoi vous indigner sur des choses que vous-mêmes acceptez? Ne me dites pas que le droit de jouir sexuellement vous passe vingt mètres au-dessus de la tête. Ou encore, que vous n'avez pas les fantasmes les plus monstrueux à propos des gens qui vous entourent. Maintenant que Dieu est mort, qu'est-ce qui vous empêche de découcher à tort et à travers? Lorsque l'humain vieillit et meurt, Dieu lui-même sait que c'est le néant qui l'attend.

Est-ce que les parasites ont la prétention de croire qu'il existe une vie après la mort, et qu'ils y seront heureux ou malheureux? Broue inventée par une congrégation en manque d'argent qui souhaitait vendre la morale fort chère en chérissant des rêves de castration universelle.

Le rejet d'un être par la société fait plus mal que la pseudo-décadence en tant que tel de cet être. Et la misère provient davantage de cet excès de vertu et de son pouvoir moralisateur que de la seule compensation à l'existence, c'est-à-dire le sexe.

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XXVIII

Le Rythme de l'âme

Parfois je me sens tel un train qui va dérailler dans le prochain tournant. Ce long vers qui chevauche entre les villages perdus, derniers vestiges d'une civilisation avant l'oubli du nord. Chaque groupement de maisons orne une grande église et une petite station d'une blancheur excessive, témoignage du passé douteux d'un regroupement de cadavres. Un restaurant-bar, signe d'une misère exécrable ou d'une évasion calculée.

Des villages sans nom. Rien pour les distinguer l'un de l'autre. Un semblant d'abandonné, le prix d'une petite industrie tout près. De la beauté de leur cimetière, j'en parle. Ces vivants enfin morts qui en ont terminé avec les souffrances, je souhaiterais les réveiller pour leur faire payer les malheurs qu'ils ont causés. Un homme ne cause que des malheurs, c'est bien connu, les enfants en sont la preuve.

À l'intérieur du train, des enfants incontrôlables, ignorant toute politesse ou droits des autres, courent, crient, pleurent, s'acharnent contre les nerfs des autres passagers. Vous ne sauriez imaginer le bonheur que j'éprouve à cet état de fait. J'admire les enfants à ce seul titre qu'ils vous dérangent et se foutent de vous. Je les encourage à continuer: enfants de l'univers, levez-vous et criez de toutes vos forces! Et l'humanité comprendra enfin le rythme de son âme.

XXIX

La Démythification du mythe

La nature de l'homme est perverse. Vous le savez tous, on a perdu beaucoup de temps à vous conscientiser sur le sujet. Pour vous le prouver davantage, je vais

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vous raconter l'histoire de ma copine.

L'amoureux de sa vie de ma copine était lui-même un pervers. Je ne raconterai pas le pourquoi et le comment, malgré votre amour pour les histoires perverses, car la psychologie perverse de l'amoureux de sa vie de ma copine n'est pas le but de cette histoire perverse. Non. C'est plutôt celle de leur voiture arrêtée en plein milieu de la route, où un autre pervers, avec sa voiture, s'approche lentement.

L'homme a des inhibitions perverses qu'il essaie de contrôler, ce dont il n'est point capable. Il essaie de tout refouler jusqu'au moment ou ça explose et qu'enfin il satisfasse ses désirs de primates (l'homme descend des singes les plus stupides que la planète ait portés).

Juste au moment où l'autre pervers aurait dû s'arrêter, le voilà qui décide d'accélérer, de frapper de plein fouet la voiture de ma copine et de tuer sur le coup le pervers d'amoureux de sa vie de ma copine.

Si vous avez essayé de juger de la perversité des personnages de cette histoire perverse, définitivement inventée par un pervers, vous êtes certainement pervers à votre tour. Puisque premièrement, la nature ne devrait-elle pas s'arranger pour nous débarrasser des pervers, en l'occurrence l'amour de sa vie de ma copine? Ensuite, ma copine qui se réjouit de la mort de son pervers d'amoureux de sa vie, ne devient-elle pas une pervertie à son tour? Et enfin, quant à l'autre pervers, n'ayant répondu qu'à ses inhibitions de primates, et sachant que celles-ci sont incontrôlables, ne saurait être considéré comme responsable de sa perversité et ne saurait par conséquent être considéré tel un pervers.

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XXX

La Crise inconséquente

Révolte! Hargne! Rogne! Écœurement! Horreur! Corruption! Pourriture! Rébellion! Indignation! Injustice! Résistance! Rupture! Transgression! Violation! Viol! Meurtre! Suicide! Choc! Décomposition! Putréfaction! Vice! Souillure! Désintégration! Détérioration! Moisissure! Vomissure! Destruction! Immoralité! Débauche! Dégénérescence! Dépravation! Déformation! Avarie! Poison! Infection! Victime! Crime! Homicide! Assassinat! Exécution! Infanticide! Attentat! Agression! Outrage! Offense! Complot! Trahison! Défection! Lâcheté! Perfidie! Couardise! Poltronnerie! Bassesse! Profiteur! Déloyauté! Traître! Péché! Blasphème! Sacrilège! Profanation! Luxure! Dislocation! Écartèlement! Dégoût! Aversion! Haine! Infamie! Répugnance! Cruauté! Religion! Atrocité! Monstruosité! Sadisme! Hostilité! Barbarie! Calomnie! Malice! Nocivité! Sabotage! Injure! Insinuation! Mensonge! Rancune! Nausée! Excrément! Névrose! Alarme! Effroi! Affolement! Panique! Épouvante! Colère! Violence! Tuerie! Politique! Sournoiserie! Coupable! Courroux! Pendaison! Insolence! Effronterie! Impertinence! Arrogance! Cynisme! Morgue! Orgueil! Prétention! Vanité! Ambition! Vantardise! Riposte! Concupiscence! Bestialité! Indécence! Scandale! Honte! Fureur! Exaspération! Attaque! Insulte! Assaut! Provocation! Affront! Intimidation! Pot de vin! Injustice! Vendus! Ultimatum! Détresse! Malheur! Indigence! Misère! Calamité! Perdition! Bêtise! Naïveté! Innocence! Réveil! Révolte!

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XXXI

La Bassesse de la sémiologie

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XXXII

Le Jugement dernier

Vivant dans la réalité de mon temps, aucunement débranché comme on pourrait le croire, et incarnant la conscience cachée d'un peuple, j'atteste l'incroyable dette que mon pays a contractée tout en étant dans l'incapacité de la payer. Et j'avoue les satisfactions matérielles, pour la plupart inutiles, dans lesquelles j'ai grandi.

Maintenant une petite chose me chicote. Les bonnes choses ayant une fin, en tant que peuple, il vaut mieux faire les bons choix avant que d'autres les fassent à notre place. Va-t-on continuer à profiter de la vie et offrir la facture et conséquences aux générations suivantes? Ou bien abandonner toute sécurité sociale, dinde, bûche de Noël et routes en asphalte?

Personnellement j'opte pour la facture aux générations suivantes, plus particulièrement parce qu'elles ne sont point là pour dire non, ou encore trop niaises pour qu'on les écoute. Profitons-en pendant que c'est le temps, aux dépens des autres, de toute façon, les autres en feraient autant. Quoiqu'une misère noire imminente n'est pas pour me déplaire. Je souffrirais moins de voir le père Noël crucifié.

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XXXIII

Le Recyclage idéel

Personne n'aurait pensé au père Noël crucifié? J'en doute. Pourquoi? Tant de gens souhaitent la fin de cette folie idéelle. Et les enfants? Quel enfant a besoin de cadeaux, d'un père Noël et d'un père tout court? D'où vient cette idée que d'être un bâtard c'est inacceptable et infernal? Et encore, d'où viennent ces idées tout court?

N'en avez pas déjà suffisamment entendu? Les titres des trente-deux chapitres précédents n'ont pas provoqué votre fuite? Vous en demandez encore de ces paroles creuses? Eh bien, où commence donc le recyclage idéel (puisque le sauvetage des arbres (idée complètement absurde (vous en conviendrez (une société de consommation doit consommer pour survivre))) est à la mode)?

Pour un renouvellement des idées, il suffirait de brûler tous les livres venus avant celui-ci, se débarrasser de tous les concepts avancés par ces derniers, réinventer une langue très peu développée, puis élire ces partis bizarres qui ne récoltent ordinairement aucun vote aux élections. Il faudrait également éliminer tous ceux qui entraveront la bonne marche du recyclage idéel (ne me donnez pas crédit pour ces idées, elles ne sont malheureusement pas de moi). Une dernière chose, enfermez-vous, ne pensez plus, ne consommez plus, le reste se fera de lui-même.

XXXIV

Les Arguments implicites

Le système a au moins cela de bon, il me paye pour mille dollars et plus de drogues par mois. Entre autres, des calmants qu'un fou a qualifiés d'éloge de la fuite, celui-là même qui les a inventés. Ces sortes de contradictions significatives...

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point besoin de se justifier, les pilules sont essentielles pour traverser les calvaires de la vie, tout le monde en a besoin. Nous serions caves de nous en priver, ce serait l'effondrement d'une industrie prospère et nécessaire à tous les partis en cause.

XXXV

La Fierté nationale

L'épineuse question des étrangers n'en est pas une. Protégeons nos territoires avant que ceux du tiers monde nous repoussent dans des réserves après nous avoir décapités.

Qu'ont-ils besoin de venir nous ennuyer, ne savent-ils pas que nos problèmes sont aussi grands que les leurs? que nos gouvernements sont aussi pourris que les leurs? À les voir, ils déménageraient tous ici. Mais qu'y a-t-il de plus ici qu'il n'y ait ailleurs? Sinon nos maisons, notre argent, notre économie, nos prêts hypothécaires, notre dette, notre faillite?

Et nos religions, vont-ils les respecter nos religions? Allons donc, la naissance des religions arrivera bientôt à ses fins: la destruction de la planète. Quoique de l'autre côté il y ait la vie éternelle, on en arrive alors à soupçonner leur vrai but: la vie éternelle pour l'humanité entière! Que savons-nous vraiment des intérêts de ces organisations, comme des intérêts de Dieu d'ailleurs, qui somme toute, n'ont rien à voir avec le commun des mortels? Existe-t-il seulement un pape qui ait déjà cru en Dieu? Continuons d'encourager les religieux dans leur lutte contre les démunis et contre l'amour du prochain.

Et ces étrangers, lorsqu'ils commenceront à nous analyser et qu'ils verront combien différents nous sommes d'eux, croyez-vous qu'ils ne voudront pas la guerre? Il faudrait donc multiplier les frontières et augmenter les effectifs de sécurité. Protégeons-nous contre les assaillants, il faut bâtir des châteaux forts et investir

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dans les armes. S'ils ne veulent rien comprendre, envoyons nos enfants se battre, quitte à ce qu'ils en crèvent. De toute manière, les enfants d'aujourd'hui ne sont plus d'aucune utilité pour leurs parents, ils coûtent chers inutilement. Qu'on se le dise, un morceau de planète n'a pas de prix, et notre drapeau exige plus de respect que ces sauvages n'en sont dignes.

XXXVI

L'Appel à une autorité

Je me suis payé trois ou quatre briques sur le sujet de la psychanalyse, repassant les diverses théories, pour n'en retenir qu'une seule. Celle de la schizophrénie, collective. Un psychédélisme dont les hallucinogènes sont les théories de fous que l'on réussit à nous faire avaler.

Je lui ferais l'amour à ma mère, complexe inversé, je ferais l'amour à mon père. Quelle vieille réussit à visualiser ces dires sans devenir folle? La censure implique-t-elle un désir sexuel inavoué? Et dans une société où la relation incestueuse est permise et encouragée, que devient cette théorie?

Parlons en termes plus concrets. La société souffre d'une psychose générale, qui par le raffinement de ses langages, parvient à couper certains liens dans son cerveau, liens qui faisaient le pont entre une aliénation moins avancée et dorénavant plus avancée.

Me demanderez-vous de justifier cette affirmation? Je n'en ai nul besoin, la psychanalyse elle-même la justifie.

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XXXVII

La Connaissance dénaturée

Depuis que l'on compare le cerveau à un circuit intégré d'ordinateur, on comprend bien qu'il n'y a rien d'extraordinaire à la mémoire. Pourtant, des théories effrayantes, plus qu'abstraites, ont ressurgi du fond de cerveaux maintenant connus.

Accumulation d'un savoir, classification de ce savoir, quelques enchaînements d'idées, et voilà un début d'explication au processus de l'acquisition de la connaissance.

D'autres voient la connaissance comme une aura universelle en stagnation autour de nous. Puis, à se creuser la tête, on arrive à acquérir un savoir impressionnant. Ceux-là m'impressionnent. D'autres, se facilitant l'existence, posent Dieu comme source du savoir ou intérim de la source du modèle de perfectivité de la connaissance pure. Bien sûr, on ne peut pas dire qu'ils ont tort, mais ils ne peuvent pas dire qu'ils ont raison. Notez que la connaissance elle-même s'avère insuffisante pour résoudre le problème de la connaissance.

Ce n'est pas inutilement que je m'attaque à la connaissance, il me faut prouver votre tort par tous les moyens. Lequel tort? je n'en sais rien. Voici donc un savoir incomplet, une classification défaillante et des enchaînements d'idées qui semblent justes, juste en apparence. Je vous présente donc une connaissance interprétable, interchangeable, remplaçable, et puis quoi encore? ah oui, plate à mourir!

Celui qui consacre sa vie à une théorie de la connaissance alors qu'un ordinateur nous montre la simplicité du processus et l'impossibilité d'acquérir une quelconque connaissance qui serait en mesure de prétendre être une vérité certaine, est un humain dénaturé qui perd son temps. Et perdre son temps, qu'on le veuille ou non, c'est une perte de temps.

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XXXVIII

L'ultime déchéance

L'absurde d'une vie, c'est l'absurde des échéances. C'est lorsque qu'une vie se base sur un contrôle, une inspection, une folie, un échec, une erreur. C'est dire que la perfection se peut. Prenez donc les moyens de l'atteindre cette perfection, je vous observe.

Personne ne déduit vos idées, peu de choses motivent correctement. L'échéance ne se respecte en aucune façon pour celui qui cherche à respirer une ou deux fois à l'occasion. Ces gens pour qui l'échéance n'est point la motivation, mais l'obligation.

Être obligé de faire ce qui ne rapporte rien à soi ou à un proche, c'est sombrer dans l'inutilité, la misère, la petite vie. La vie n'est qu'une échéance qui oblige à restructurer sans cesse le temps, qui fait souffrir par la rétrospective de l'acquis, et qui pousse à dire, échéance passée: enfin, c'est fini.

XXXIX

Le Savoir global

Le corps n'est rien. Pas même le soutient d'un moi intérieur. Il est à abandonner au fond d'une crevasse aussitôt certains objectifs atteints. Le corps est un boulet que l'on n'use point, puisqu'il est notre moi. Le corps n'est qu'un véhicule jetable après usage avant d'en prendre un autre, car je ne puis dire que ce laid visage puisse être le mien.

L'âme, si elle existe, ignore son existence. L'âme n'existe pas puisque j'ignore son existence. Mon corps n'existe pas, ce n'est qu'une obnubilation de l'esprit, interprétée par le corps. L'esprit est une sorte d'âme qui n'existe qu'en esprit.

L'immortalité ne peut donc être discutée, car la conscience collective déforme

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tout à son avantage. La vraie immortalité de l'âme, un sujet indiscutable, n'a rien à voir avec la conscience collective. Le destin est bien méchant de par sa nature injuste, et la belle immortalité est immorale.

XL

Le Processus de réduction

Se sentir attaquer est un sentiment. Être attaqué est un geste. Se défendre est juste. Et ne pouvoir se défendre est le début de l'attaque. C'est du moins ce que le romancier dit.

Le début de l'attaque est injuste puisqu'il ne fait que pallier à la défense de l'attaque. Le geste, qui ne peut être compris telle une attaque, est l'acte vicieux par lequel on emplit notre vie.

Sentir la vie est souffrant, c'est un sentiment constant de défense à l'attaque. Suivez ma logique, je me défends contre l'attaque, cela est juste.

Ce qui est juste est difficilement concevable. De même pour le sentiment et le geste. La négation complique le processus de la vérité. Néanmoins, l'observation du geste fait comprendre le processus. La vérité est une défense contre l'attaque. La vérité est un début d'attaque. Une fin d'attaque est pénible. Et ce qui est pénible est souffrant. La vie est donc pénible.

N'en plaise à l'essayiste, la réduction de l'univers n'est pas un choix, mais une obligation. Désormais je me défendrai par la réduction. L'univers est un non-référent, un non-temps, un non-lieu.

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XLI

La Philosophie de vie

Je n'ai que des objectifs à atteindre, qui, une fois atteints, ne m'offrent que d'autres objectifs à atteindre. Ainsi je terminerai tout au bout sans trop comprendre où j'en suis.

Voyez, mes idées se buttent à la base même de leur existence. Le chemin là tracé, n'est qu'une fumisterie de votre part et ne rend personne heureux. Il me faut toujours plus, sinon rien du tout. Mieux vaut mourir que faillir.

La finalité est mon but suprême. Le chemin, je l'ai déjà dit, n'est qu'une fumisterie. Je ne suis pas René le Bon Gars, je suis l'aventure sur l'océan. Mon seul objectif dépasse le plus grand des vôtres, car je l'ignore et je le définis ainsi. Je vais à moi seul construire un nouvel édifice. Perdre mon temps n'entre pas en contradiction avec ma construction. Je vous le dis, vous êtes loin d'imaginer la nature de mon édifice.

Comment partir sur l'océan, ignorant que je suis. Suivre d'abord le chemin tracé, partir ensuite. L'édifice se construira mieux, les piliers y seront solides. Il est maintenant temps d'entrer dans le vif du sujet.

XLII

L'Amour sempiternel

Solides ces édifices. Ils reposent sur quatre piliers, les piliers du savoir. À cette vérité je n'en questionne pas moins les composantes.

J'observe alors les étoiles et cette lune. Ne m'apportent-ils pas la lumière nécessaire à la formation de mes idées? Mais je préfère sonder mes espérances. C'est bien dans l'intimité de cette noirceur qu'une passante pourra surgir et apporter

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les réponses à mes questions.

Alors apparaissent deux écureuils, dignes de cette rivière dans laquelle je n'oserais poser un orteil. Leur venue démontre ce que la nature exige. Ô toi nature! Si tes lois se chargent de nous faire découvrir la vie à deux, pourquoi suis-je si ignorant des sentiments qui en découlent? Si tes lois permettent la digression, que me faut-il en déduire?

Aurais-je un pouvoir sur la nature? Il me semble qu'il serait simple de tenter d'inviter une passante à s'asseoir. En voilà justement une traversant le pont. Pourrait-elle refuser cette place sur mon banc? Peut-être n'espère-t-elle que mon invitation? Avez-vous vu la lune?

Vite comme l'éclair elle se met à courir et à crier au viol. Maintenant j'en suis certain, si mon pouvoir sur la nature est grand, mon calvaire l'est aussi.

XLIII

Les Problèmes sociaux

Je célèbre ma liberté à travers la joie de ces animaux qui s'affairent à leur approvisionnement. Le transport d'une pomme m'enchante, alors que moi-même je ne saurais enchanter ne serait-ce qu'un seul des passants marchant vers l'édifice plus loin.

Ces passants qui jadis grommelaient une admiration et un amusement à ma vue, sans doute aujourd'hui méprisent-ils ma misère. Peut-être même croient-ils que c'est mon choix. Peut-être ont-ils raison.

«C'est sérieux la vie!», m'a dit une passante un jour. C'est sérieux pour les écureuils la vie, ils crèveront de faim s'ils perdent leurs provisions. Moi je crève de faim, je n'ai pas fait de provisions. Je n'en veux pas, ils m'ont convaincu, je mérite de mourir.

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XLIV

L'Ambition démesurée

Je parle de l'amour. Longtemps j'ai noyé mon besoin d'affection à l'intérieur d'une ambition démesurée. Puis, ayant atteint les objectifs que je me proposais d'atteindre, ma grande surprise fut de constater que l'on ne m'a pas reconnu les mérites escomptés. Ainsi j'eus compris la stupidité de mes attentes et il ne me resta plus qu'à viser un objectif plus élevé: rien de moins que la construction d'un nouvel édifice, sur la Lune.

XLV

La Naissance de l'humanité

Regardez-moi, fier et heureux sur mon banc! D'une admiration effrayante, j'observe ce que la nature a voulu m'offrir. La contemplation, voilà un sens!

La recherche de mes émotions se reflète sur la rivière et fera fuir la nature, ainsi la passante qui daignera me parler pourra s'enlaidir à ma vue.

Vous les passants, vos désirs n'observent le ciel et votre vue se limite à voir en la nature votre ignorance. Moi mes désirs observent le ciel et je connais tout. Je vais déterminer les sentiments de ces passants, je les comprends mieux que tous. Incrédules, ne doutez pas ma raison, redoutez votre sort. Je puis vous détruire.

Ma prétention provient du calvaire que je me suis construit à partir de vos édifices. Une nécessité qui me retient de m'enlever la vie, car il ne faut pas se le cacher, je suis le pire ver de terre qui puisse exister. Et comment vivre avec ce

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sentiment? J'ai tort et je m'en contrefous. Tout y passera, j'y comprendrai une chose, je dois suivre le cours de la rivière.

Je retourne de vieilles idées alors que je voudrais rebâtir. N'est-ce pas aussi noble que de vouloir ériger un édifice sur la Lune? J'en retire qu'il me faudrait définir en entier l'univers. Ainsi donc, si je veux un contrôle, c'est ma décision, il me faudra tout redéfinir.

Allons-y. Commençons par supprimer la distance à franchir entre la Terre et la Lune, et remettre en question la rotondité de la Terre. Cela mène à considérer le genre d'édifice à construire. Voilà l'idée majeure. Ensuite, réfléchissons aux connaissances à acquérir afin de réaliser le projet. Enfin, découvrons les moyens qui permettront l'acquisition de ces connaissances. Les données du problème se posent-elles autrement?

XLVI

Le But de l'existence

Alors la rivière inonde la berge. Le ciel se couvre d'une noirceur, la pluie arrache la terre. Si bien, que le seul endroit où je puis trouver refuge est l'intérieur de ma chambre au quatrième.

Mais on a enchaîné la porte d'entrée de l'édifice. Ma clé demeure introuvable, et lorsque je la trouve, elle n'ouvre pas la porte.

Ils me regardent de leurs fenêtres. Plusieurs rient, d'autres jouissent. Quelques-uns ont pitié, mais ne m'aident pas.

Je regarde les écureuils, la seule pitié que j'éprouve se tourne vers eux. Je les prends sur moi et jette suffisamment de larmes pour inonder ma chambre entière.

Alors je cours marcher à l'extérieur sur le terrain vague. Mais diable! quels sont les objectifs que je poursuis?

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XLVII

La Complexité des systèmes

Alors la rivière devient océan, pour inonder ainsi les édifices et entraîner dans la mort les passants enfermés.

Mon banc flotte, je puis donc observer avec joie leurs cris, leurs larmes qui alimentent l'océan destructeur.

Soudain la pitié me prend à considérer les écureuils. Je ne puis les aider. Puis la pitié me prend à considérer les passants. Je dois les aider. Mon incapacité est si grande, j'en pleure. Si bien, que je pourrais inonder ma chambre entière.

Mais ma chambre est inondée par la rivière devenue océan. C'est le tombeau qu'ils m'ont construit, quatre solides murs de béton.

Je cours donc à l'extérieur sur le terrain vague. Comment détruire ces édifices? Je délire, je suis incapable de les détruire. Je dis, on peut les construire, on peut les détruire. Mais je pose la question, comment est-on arrivé à les construire?

XLVIII

L'Impuissance dégénérative

Avec la perte de ma fenêtre au seizième, nécessaire à l'élaboration de mes plans par sa vue d'ensemble sur l'univers, j'apprends qu'il me faudra travailler davantage avec certaines compensations en moins.

On m'informe aussi qu'une grande clôture sera construite afin de barricader les édifices sur la Terre. L'administration juge qu'il est dangereux d'approcher la rivière.

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Ainsi il me sera impossible d'atteindre le banc au bord de la rivière. Ainsi ils restreignent les conditions nécessaires à la naissance de mes idées.

La Lune et la Terre présentent maintenant une distance infranchissable, et espérer la franchir, c'est espérer être celui qui prend les décisions en cet univers.

Je suis donc projeté au dernier étage. Mon nom résonne maintenant tel celui de Dieu, les décisions s'enchaînent: les clôtures rejoignent le fond de la rivière, le béton des édifices se transforme en deux immenses amoncellements de verre, le pont disparaît, la distance entre les édifices n'existe plus.

Ce n'est pas suffisant. Les piliers s'écroulent donc. La nature reprend le dessus et les bancs se multiplient autour de la rivière. Non, cela ne fonctionne pas.

On construit une nef gigantesque, tous y prennent place, la rivière s'agrandit, le départ pour l'océan est annoncé. Bref, il faudrait plutôt travailler à la possibilité de construire cet édifice sur la Lune.

XLIX

L'Appel de l'aventure

Moi je suis pur, pur comme la rivière qui conduit à l'océan. Et ma vie s'organise autour d'éléments étrangers à mes désirs les plus forts.

On m'appelle au loin. Une plainte s'élève au-dessus des édifices. Mes impressions racontent qu'au-delà la rivière, une joie entend ravir à mes idées ces espérances qui montrent la mort.

Certaines choses me retiennent, je suis cependant incapable de les définir. Une passante s'arrête sur mon banc aujourd'hui, je l'invite à partir.

On m'offre un travail compensatoire à l'édifice plus loin. Enlevons le prestige, l'admiration, on me laissera élaborer un nouvel édifice.

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L'océan m'appelle et ce n'est pas un sentiment de honte qui me pousse à prendre le large. C'est un besoin de paix et de fuite. La mort traduit bien ces sentiments.

L

La Rupture

Mais. René et c'est le retour au calme. Je me sais seul dans la chambre, je dors mon lit et, bien alerte au moindre bruit. Je n'appartiens plus et le silence du fond la chambre inquiète et apporte ce que je ne souhaite. «Toc!» C'est le bruit distinct clair net d'un objet. René et c'est le retour à l'horreur je me sais seul dans l'appartement je tente l'effort irréalisable de barrer la porte mais c'est dans le tard tout tourne déjà la tête de René et la chambre cette chambre il pleure pleure et pleure les larmes sur mes joues je soupçonne chaque objet désirant ma destruction je sens présence une chose contre laquelle il ne peut lutter il entend bouger en arrière la porte on tente avec terrible fracas d'enfoncer ô Seigneur il est temps venu la prière Dieu sauvera peut-être de l'horreur d'être si loin le réel mais c'est pire et pire encore plus près une lumière clignote ses yeux sans l'arrêt la porte va s'ouvrir je pleure il pleure Dieu mourir Dieu pitié que ça finisse j'ai mal mal et mal mon ventre mon cœur si loin ramenez-lui la tranquillité apportez-moi la simplicité une fleur oubliez le temps la seconde près et je retrouverai le chemin et la porte finit par s'ouvrir et derrière ce n'est pas l'inconnu qui se présente mais bien Dieu en chair et en os

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LA FINALITÉ

René l'Aventure

Je m'étonne qu'il existe une terre où la motivation rende aveugle. Je m'étonne qu'il existe une terre où vivre rende misérable. Car, projetant mes regards vers l'horizon, je vois un bateau qui se dirige sans rame ni gouvernail.

Or, toute ma joie me fut ravie, jusqu'au jour où me débattre ne s'entendit plus telle une obligation, mais un choix. Dès lors je fixai un terme avec Dieu: je m'embarquai seul pour cent années, avec la force de l'amour et de la hardiesse, en travers l'infinie découverte de l'horizon.

Ne sais-je donc pas déjà ce qui là-bas m'attend? L'expérience racontée des gens de la nef mère, les gens d'où je viens, n'est pas à être entendue par un René l'Aventure.

Au jour marqué par mon départ il n'existe que ce seul mot: la confrontation. Où les grandes hontes ainsi que les échecs établissent toute l'aventure.

I

La Finalité

Moi, René l'Aventure, j'ai mes moments de vérité pour l'heure. Tout origine de ce Dieu, lui seul pouvant changer les cœurs de pierre en cœurs de chair.

Un chemin essentiellement fait de droiture, de vérité, de justice et de paix diton. Eh bien, c'est sur ce chemin que je pars ce matin. Je vais voguer vers le lointain, la fin de l'océan.

C'est à travers les ans que plusieurs sont partis, je les vois d'ici. À moi seul j'ai établi certaines possibilités, à la découverte de mon univers, ce n'est pas d'hier.

Voici la mer, elle est plate diton. C'est bien vrai. À la fin c'est le vide diton.

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Et c'est pour ce vide, ces chutes peut-être, que je vogue depuis. Je ne vaux ni de par Dieu ni de par la nef mère, aussi, je plonge vers la découverte de notre monde. Quelques aventuriers n'en sont revenus et je ne les plains, on en a voulu ainsi.

Il y a les monstres à la fin des eaux diton, moi je dis qu'ils se tiennent avant, puisqu'il faut garder l'endroit vers où l'on s'engouffre. Découvrir autre chose serait grande joie, mais pour Dieu ce pourrait se nommer honte et crime.

Ma mort semble prochaine, je prierai Dieu qu'il ait merci de moi qui l'offenserai. Il faudra bien que je me remette entre ses mains, mais pas avant la découverte de mon univers, celui qui n'est même aux Jean Sans Terre, ces gens que j'ai quittés.

Je pense parfois rebrousser chemin alors que mon bateau vogue sur les vagues. C'est alors que j'imagine cette fin d'océan. Et si les monstres n'y existaient pas? Folie n'est pas prouesse, c'est à grand deuil que je m'y destine. Et si par ma folie je jetais malédiction sur la nef, alors malédiction sur elle. Ô maître, je suis conscient, mais...

Beau Sire, toi l'inconnu, tu veux me jeter en ce néant. C'est bonne justice pour un déviant tel que moi. Que je m'ouvre les yeux afin de découvrir mon univers, justice pour moi aussi! Pire châtiment serait d'attendre malheureux toute ma vie, alors que je pourrais rejoindre l'irréel que je me suis construit à travers les âges.

Or, ne m'as-tu pas énoncé des énigmes aussi impressionnantes que celle du cercle éclairant la mer de jour et celle du cercle éclairant la mer de nuit? Dès lors, ne mériteraient-elles pas que je tente de les résoudre?

Et si tu n'existais pas ainsi que cette fin d'océan. Mon univers est grand et je jure par les Saints que je m'y retrouverai. Au gré des décennies, j'atteindrai la fin. Tant de marins morts, je pense y retrouver le monde des morts.

Il fait beau voir l'océan. Un ciel d'un bleu, presque effrayant. Avant de voir s'affaisser la tempête. Sur ce, par pitié Sire, éclaire-moi plutôt, guide-moi. Hardi René l'Aventure! Ton univers semble si simple pourtant. Vois, il y a là cent

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compagnons, d'un univers réel commun, d'un univers irréel commun. Non. Mon univers est certainement différent des Jean Sans Terre autour. Dieu ne s'y ferait pas maître, je ne puis le croire.

Me guidera-t-il à travers le royaume des morts? Et s'il n'existait pas. Seigneur, pardonne-moi d'en douter. Mais que sait-il de ce que je pense, et que sait-il de mon véritable but? Et je souffrirai davantage. Autant de belles vérités, autant de beaux messages, une telle complexité, alors que le temps avance, les distances se franchissent.

Or, le vent se lève, la tempête sur mon bateau, Dieu se déchaîne. Peut-être ne faut-il pas que j'atteigne la fin? Peut-être y découvrirais-je un paradis? Eh bien si je dois mourir, que mon peuple meure en moi, et ainsi j'atteindrai la fin de l'océan.

II

L'Expérience

Mais c'est en vain pour aujourd'hui ces attentes. La description des lieux est fort simple, mais d'une beauté inquiétante. Ai-je besoin de vous l'en redire? Eh bien, de l'eau à perte de vue, un ciel d'un bleu incroyable, d'un noir effroyable. C'est la mer de jour et celle de nuit que l'on entend ici, et croire que mieux je pourrais trouver, c'est parler folie.

Je vois dans la clarté du jour des plumes volantes. Sur la nef mère elles se nommaient oiseaux. Parfois j'aime leur rendre service. Je ne demande rien en retour et je trouve charmante cette générosité.

J'entendis les paroles des anciens à propos de la terre, je fus le seul à ne pas ridiculiser ces dires. Hier en observant mes amis à plumes, j'en déduisis leur connaissance sur la fin de l'océan. Pour ma quête on me mène donc dans cette direction. Comment douter que la fin de l'océan représente le but de leur vol?

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Mais que de fortes appréhensions. Voilà à nouveau l'assaillante vision des falaises. Mes oiseaux-amis n'y sont plus pour méditer et moi seul dois maintenant affronter mes peurs.

Je vois ce ravin qui défile jusqu'à l'étroit chemin terminé par une grande roue. Le torrent formé alors c'est la grande épreuve, et ma confiance est mon alliée la plus sûre. Je m'en convaincs davantage lorsque ma confiance à son plus haut niveau fait disparaître ma vision et que ma liberté m'est retrouvée. Mais ma peur eut tôt fait réapparaître ma folie.

Voilà mon bateau qui se déchaîne sur les falaises, et la maîtrise de mes émotions qui s'envole. Ma trop grande confiance, synonyme d'aveuglement?

Quelles sont les idées premières, quels sont les désirs premiers? Une raison qui résiste lorsque seul René l'Aventure prend les décisions, à bon profit. Les bonnes denrées de la vie, loin des regards et des jugements, mais la roue demeure. L'approche s'en fait plus grande et elle m'emportera loin des idées messagères des beaux jours d'aujourd'hui.

Le temps porte les idées à changer mes sentiments et mes besoins. Cent années toutes pleines et rien n'est acquis. Mais de quoi sert cette sagesse devant une roue qui m'emportera comme une belle proie? Jeune de cette inexpérience, j'y vois les avantages et j'ai confiance.

Ma vision disparaît encore et me revoilà seul à voguer sur l'océan. Je remercie cette mer et n'espère plus son soulèvement furieux traçant ses peurs sur mon visage. Enveloppant ma barque et mes idées aussi loin les étoiles que je ne puisse m'y reconnaître.

Mais voilà à nouveau ma vision dernière, ces falaises et cette roue. J'aime les épreuves, et ma confiance s'est tue. Mes idées évanouies, les bras implorant la connaissance, c'est terrible et la roue m'emporte loin sur les flots là-bas. Mais depuis ce jour, en mon cœur, ma vision porte raison.

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III

La Sagesse

Une épreuve n'en attend pas une autre, et déjà là-bas sur les flots, le cercle de nuit éclaire la tendresse du doux fantôme de la prière.

De mes forces je crie donc: enfant errant, tu me dois enseignement et conseil! Lève-toi et parle!

Mais qui porte le nom de fantôme, peut-il rendre les droits?

C'est connu, et chaque René l'Aventure le sait, la mer porte à regret les amants fantômes. Dès lors, l'atteinte de la fin reste vaine, et dans toute sa profondeur l'amour ne peut s'accomplir.

Remplir les plus chers désirs, à peine découverts, joie et existence. Je me permets l'écoute des grandes inspirations, l'histoire ouverte des jours nouveaux, précurseurs de la tempête et on me ramassera. La conquête ne prévoit-elle pas l'échec? Qu'elle saurait même inopportunément m'en convaincre.

Moi le foi tenant, me voici dans une nouvelle atmosphère. Chaque jour, et me voilà dans une nouvelle ère. Je parle, je chante, ce que j'espère découvrir, sachant que les plus grands sentiments me restent à conquérir. Hardi René l'Aventure! C'est maintenant et pour chaque réveil la liberté!

Le ciel raconte aujourd'hui. Il me dit regarde demain tout ouvert là en avant, et je prédis les pires choses. Mais je vois clair suffisamment, et vois la fin de toute chose. Le jour approche et la nuit s'en va, et là où René l'Aventure sait, je dis, qui pourra consentir les pires choses? C'est voir le début d'un nouveau jour à ces jours nouveaux.

Tout va bien, oh oui. Le calme, parfois un petit vent, les quelques vagues qui portent un bateau sans voile, j'avance plus rapidement que je ne l'aurais cru. Trop

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rapidement peut-être, j'aurai tôt découvert en espérances les illusions les plus fortes.

Changer de cap? Mais je ne peux. Mes sentiments seraient grands si j'osais m'envoler dans le vent avec les lumineux points qui couvrent le ciel. Pourtant, exploiter chaque idée est l'entreprise que je me suis promis. Cette fin qui sera début de tout... j'ai longtemps entendu les histoires apocalyptiques, mais pour néant elles me conseillent. Aucun prétexte à dire crédule, aucun prétexte à dire borné, mais je dis, c'est ma destinée, et voilà une obstination loin de ma loyauté.

Les oiseaux me voient les matins de bonne heure, un ciel qui m'aide à ressentir les grands sentiments, le bonheur de cet air. Je ne suis plus seul.

Je recherche et pour cause, quel deuil en mon âme. Grande est mon ignorance, elle m'entraîne vers la fin et j'ai tant d'espérances. Comment pourrais-je ne pas trouver?

Pauvre René, quelles sont ces espérances? Ne vois-tu pas ici tout ce dont tu as besoin? Tant de questions dont les réponses demeurent vagues... là où il n'y a pas de question, les réponses fusent.

Voilà à nouveau l'espoir, les questionnements, à me rendre fou, et revoilà le doux fantôme. Et je parle de sagesse!

Moi, René l'Aventure, j'affirme alors ma connaissance juste des choses. Je brûle brièvement en ce brasier toutes les connaissances acquises et transmises par la nef mère à son fils. Ce grand feu aura vite détruit le juste qui prend place en mon cœur. Et ce grand vent aura vite dispersé les cendres de ce qui limite mon amour. Dès lors, il faut m'octroyer la chance de prouver toute la sagesse qui se dégage de mon être!

Ainsi, pour imposer justice à mes dires, Dieu qui incarne la sagesse et moi qui en suis partie intégrante, dit: «Je t'offre aujourd'hui ce choix: pire châtiment ne serait-il pas d'accepter d'être limité et de voir que ce qui est sage est moins sage

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que telle décision en telle circonstance?»

Je réponds donc: une épreuve n'en attend pas une autre, et déjà là-bas sur les flots, le cercle de nuit éclaire la tendresse du doux fantôme de la prière.

IV

Le Discernement

Mais puisse Dieu être contenté? Il monte sur ses nuages et s'éloigne navré et morne. Je le sais, car pour me corriger, il porte loin sa pensée.

Par là j'entends la neige. La nef mère parle de ces flocons et ce ne serait point dangereux. Erreur, digne des malentendus les plus vils, cette neige brouille une défensive inexpliquée, mais ô combien justifiable. Je prévois la bataille, et c'est la raison ou la passion qui sera maître.

La légende parle d'une baleine venimeuse pour tout Jean Sans Terre qui la regarde, et de loin. Je ne suis pas expert à qualifier de tels atours, mais la légende raconte: «Qui se complaît dans la misère, qu'il y reste».

Dieu hait toute démesure et venge la légende de ses ennemis. Mais d'où vient cette légende? Que je me garde de la transgresser! Est-ce la raison ou la passion qui me pousse à agir?

Bien fou celui qui oserait parler à la baleine, pourtant chacun sait qu'elle n'est pas venimeuse. On la ridiculise, mais elle fait peur. C'est par les remords qu'elle obtient vengeance, et Dieu en est témoin.

Je requiers donc mainte courtoisie à la baleine et m'y aventure. Mais écoutez donc ce que cette nature a à dire: «Ah! Maudit sois-tu toi et les autres, que de me tourmenter alors que je me console à vous observer. Regarde maintenant où tu me conduis à me maltraiter ainsi. Pars et ne reviens plus!» Que de belles bontés, et ne méritent que colère!

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Jean Sans Terre, pitié! Vieille et affreuse baleine, que puis-je te répondre maintenant? Je ne vois plus clair, je ne comprends rien. Les remords m'assaillent et la colère dicte. Ainsi me projeter de si fausses intentions et par la même occasion couper toute chance à la justification. Dieu n'en sera même pas témoin tellement les circonstances sont trompeuses.

Par conséquent elle crée les monstres, et c'est Dieu, c'est lui qui s'y complaît. Les baleines adorent retourner leur fausse misère, la légende a raison, et ma raison m'appelle loin de ces endroits maintenant. Et cette neige, responsable de tout...

Oui! ta vengeance sera grande au cours de mon périple! Me voilà à remettre en question ma passion, mais surtout, ma raison. Dois-je encore oser t'accorder l'occasion de t'exprimer si tu aimes nourrir tes idées ainsi? Pour ne laisser aucune chance à cette piètre revalorisation d'aboutir à nouveau. Mais puisque ce sont là les valeurs de la nef et que tous les connaissent, entends ma prière...

Encore, si mes intentions eurent été mauvaises. Mais je ne suis pas parfait! alors maudite sois-tu! Je n'y puis rien, j'ai tenté mes efforts. Que Dieu soit déçu maintenant, je m'en contrefous. Et cela ne ressemble pas aux valeurs d'un René l'Aventure.

Ô grâce, laisse-moi couler ici, je le mérite!

Couler, ce serait bonne justice pour celui qui n'en peut plus supporter. Bonne justice, mais trop brève.

Que votre justice se fasse Seigneur, apportez-moi cette neige pour les cent années prochaines puisque voilà votre vouloir! Mais regardez, je parle fort! Je sais qu'il est bon de souffrir pour savoir apprécier les plaisirs, mais qu'adviendra-t-il si la joie n'a pas la chance de naître en moi? Alors, maintenant ou jamais, qu'elle naisse!

Dieu s'en fait plaisir, maintenant, et pour les quelques vagues qui suivront, ma vie n'en sera que plus amère. La mort me guette, non! Et je n'aurai pas vécu!? Plus grands seront les interdits, plus grandes seront les folies! Plus fort sera mon

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calvaire, plus fort je vivrai!

Plus ardente devint ma vie alors. Au point que l'on ne peut m'en reprocher sans en tomber malade. Que m'importe la mort, on m'appelle, on me veut, je viens. Que m'importe Dieu, on ne m'appelle, on ne me veut, je viens. Pour le temps perdu, maintenant j'agis.

Je suis loin des miens. Fuir à en oublier complètement. Qu'est devenue ma quête loin des gens que j'aime? Et cette neige pour indiquer la route arrière vers la nef. Me faudra-t-il l'entendre?

Je me retourne donc, la tête en arrière, et voilà que la neige se transforme en pluie.

-Que vas-tu encore en déduire, toi, René l'Aventure? Sois donc digne de ton nom!

Ma dignité est depuis longtemps loin en arrière. Peut-être devrais-je la reprendre en considération? Voyez cette température, Dieu en accord avec l'harmonie que je puis construire sur la nef mère.

-René l'Aventure, René l'Aventure!

J'ai cru vraies des choses sur la nef mère. J'ai cru vraies des choses sur l'océan. Tout était faux.

-René, écoute le fond de ton cœur.

Je recherche l'aventure?

-Tu recherches l'amour! L'amour en tout. Ne l'as-tu pas trouvé?

Que vais-je faire de la nef mère. Que vais-je faire de cette neige. Qu'on m'en sache gré, j'aime la pluie, mais j'aimerai davantage un jour.

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V

La Justice

Je regarde maintenant vers le loin de l'océan. Rien ne pourra plus détruire ma motivation et j'attends ce que l'on voudra me faire découvrir. Ah! Et on m'en sait gré, voilà le cercle de jour qui revient éclairer les bonnes décisions. Dieu n'est pas méchant, et le pourrait-il. Mais maintenant je vais me lamenter.

Ô toi le vent, écoute la pitié et ouvre-moi ton cœur. Mon âme en peine n'a cessé de mander la joie et la fin de l'océan. L'amour. Je ne puis plus directement dénoncer au juste endroit et au juste temps l'injustice pesant sur moi son écho destructeur. Que ma vie n'y tienne plus vraiment pour gloire le peu de motivation nécessaire à l'atteinte. Entends, je ne désire plus la vie sauve. Dieu guide, mais là n'est point seulement son vouloir. Il y a plus, il y a tant plus, que je ne puis comprendre.

Que tu ne puisses comprendre ce vent ô René l'Aventure! Regarde, il tourne autour de l'océan tel le vouloir de Dieu. Il n'a pas la chance de penser qu'il pourrait un jour se défaire des fronts chauds et des fronts froids et croire que la fin de l'océan pourrait lui appartenir.

Dès lors, le vent se lève sur mon bateau et l'ouragan ne saurait tarder. Moi, projeté loin vers des directions jamais envisagées, je crie: vent, sache que j'approuve tes lamentations, je n'admets plus les miennes! Mais laisse-moi la vie sauve!

Longtemps je me lamentai avant que le vent ne cesse. Puis soudainement, je me sentis bien près de la fin de l'océan. Si près, que je ne puis comprendre.

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VI

Les Valeurs

Ô toi désespoir, que me veux-tu donc? Je crois être près de la fin, et voilà ton ombre qui me raconte le noir de mes jours.

J'accorde le fait de mes efforts las. J'accorde le fait que le ciel n'indique rien de bien. Quelques folies dignes de ma sauvegarde, et je lâche tout. Me voilà qui m'enfonce loin vers le fond des vagues. Je n'y puis revenir, surface et mort.

Et je n'aurai pas vécu!?

Ah! Je n'y puis voir que le trouble et le mauvais.

Mes amis à plumes n'apprécient plus mon cœur, ils exigent. Désormais la générosité n'y sera plus. Chaque conversation et chaque jour le calvaire. Je n'en puis plus.

Mais se peut-il? Si jeune et prêt à sombrer comme le dernier des damnés!

Pourquoi, pourquoi sans arrêt le noir? Car noire est votre vie, et blanche elle sera. Horreur lorsque je parle ainsi. Car noire est ma vie, et blanche elle sera. C'est ma construction.

Mais ne nous éloignons pas, quelles idées retournais-je? ah oui: ô toi désespoir, que me veux-tu donc? Je coule, pour le mieux, je le crois. Ma construction ne m'apporte la motivation souhaitée, et l'inspiration ne me rend heureux.

Combien de futiles tempêtes je vivrai avant de sombrer, pour ne pas désirer sombrer maintenant? Le résultat n'est-il pas le même?

J'en oublie mon nom. Bien! Au diable la fin de l'océan, je ne suis pas René l'Aventure! Et ô toi désespoir, je m'enfonce à en mourir jeune, et laisse-moi m'éloigner de tout encore et encore. Un jour, sans doute, ils me rappelleront.

Oh! Moi parler ainsi? Moi qui me jure une forte indépendance, et totale.

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Alors que je ne vis que pour moi depuis.

Mais lorsque j'accours, je voudrais accourir seul, et non pas en foule. Et mes rêves, d'où mon désespoir. Je me garde de mander des choses qui en mon cœur sont marquées au fer rouge. Juger et juger, ce n'est plus pour moi.

Une meute de plaintes se fait alors entendre au loin. Elle crie, pleure, dirige mon désespoir près d'elle. Mes intentions ne sachant que trop, je vais couler davantage.

Puis j'écoute. Puis j'entends. Plus loin encore, une seule petite plainte mandant mon désespoir auprès d'elle.

Je m'enfonce davantage.

VII

La Conscience

Je sens que la mort me prend tout, de ma tête elle descend vers mon cœur. Nul effort qui ne vaille un support de mon être; j'observe bien grand les profondeurs de l'océan.

J'irais paître en un champ, si on m'avait donné la chance d'en voir un seul. Si bas, seules les baleines entendront mes plaintes.

Survient alors ma baleine à moi, juste là, si douce, je ne l'eus pas entendue. Elle me mande de futiles choses. Je te connais, je dis. Elle ne répond à mes paroles, et un rien plus loin elle va souriante et hardie afin que je puisse observer sa fierté.

J'y pourrais voir sa victoire forte et haute, et descendre encore. J'y verrai ma victoire forte et haute, et remonterai les vagues. N'est-ce pas que l'on reconnaît enfin la pureté de mon cœur? Mes bonnes intentions récompensées? J'ai bien entendu le pardon.

Le pardon? Dieu ne sait-il pas déjà ce qu'il provoque? Actions et conséquences,

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tout ne dépend que de moi. Tout ne se comprendra que par moi. Et c'est pour ma joie en mon bateau que ma nouvelle amie s'est surprise dans sa passion et sa folie à venir m'en montrer toute la vérité.

Ainsi donc, je mande les forces d'une joie pour me conduire, toujours meilleur, aux différents horizons. On me reconnaît enfin, pour sans attendre, m'arrêter à nouveau dans mon élan. C'est que l'on tente constamment d'éprouver la solidité de mes idées.

Pour voir mes idées solides, j'y vois. Pour les espérer davantage solides, j'y vois. Mais que d'idées nouvelles j'ai à conquérir maintenant. Laissez-moi cet océan, regardez ce ciel. Je veux plus, j'exige plus, j'en ai assez de retourner de vieilles idées.

Les quotidiennes épreuves, c'est intéressant. Ma survie en est suffisante. Les baleines c'est bien. Mais là il faut plus, j'exige plus.

Que l'on termine la naissance de mes infortunes, maintenant j'attaque fort et haut les impossibles situations, et controversées, afin de faire aboutir ma raison vers des directions jamais envisagées. Si la nef mère m'entendait.

Me sentir coupable n'étant plus de mon ressort, je ne jugerai certes pas du caractère noble de mes entreprises. Je vous donne loyal conseil, comme il sied aux Jean Sans Terre, je marcherai sans honte sur de l'aussi noble que votre marche. Vous êtes libre d'y voir vos fantasmes, mais ils seront faux. Peut-être pas, alors ce seront mes fantasmes. Et je le jure sur votre honneur, mon honneur est demeuré au fond de l'océan. Observez bien maintenant.

L'occasion rêvée ne se fait point attendre, nul doute, on veut me voir à l'œuvre. Voici un de ces tourbillons qui parfois arrivent sans que nous n'en comprenions toutes les circonstances. Celui-ci grandit sa force et sa puissance plus il s'approche de moi. Voudrait-il passer à côté de mon bateau, je m'y laisserais engouffrer pour observer les endroits où il m'emporterait. Ce choix m'est permis, il passera plus au

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large, à peine. Sans hésiter je me lance donc en travers les préjugés de la nef mère et les réels intérêts de mon gouffre.

Que n'en déplaise au Sire, je me suis promis de ne plus mourir à l'intérieur de mes vieilles idées. J'affronte une nouvelle réalité. Une réalité qui vue de loin, pourtant, projette mépris en mon âme. Pitié pour les emportés contre leur gré, moi j'affronte de plein fouet et ma clairvoyance ne me quitte plus.

En tant qu'observateur, je laisse sous-entendre que tout est bien. Même à propos des choses les plus méprisées sur la nef mère. Et quand la limite de mon vouloir survient en ce gouffre, je tourne les yeux vers le haut, l'air libre, et trouve les mots pour bien indiquer ma position. C'est dire, celle d'un René l'Aventure. Parfois je me surprends à mentir. S'ouvrent alors deux possibilités. Le gouffre ment et cache ses intérêts. Dès lors, je suis bien aise de mentir. Ou je mens pour le paraître. Tout se doit d'être la perfection, jusqu'au regard. Ce sont alors mes intérêts qui se jouent.

Parfois je me surprends à me mentir. S'ouvrent alors deux possibilités. Tout peut être faux en mes idées, je m'y arrête donc pour me dire: souviens-toi, c'est pour voir plus loin que ta folie prit vie. Dès lors je suis bien aise de me mentir. Ou alors je ne suis pas en accord avec moi, avec mes valeurs. C'est que le gouffre sait se montrer convaincant. Je suis alors bien aise de me mentir.

J'avoue qu'en chacune de mes actions j'ai un intérêt. Depuis l'océan du moins. Je sais même l'identifier et sans crainte.

Or, voici un gouffre digne de mon nom. Il m'offre un choix. S'ouvrent alors deux possibilités. Je rétracte mes dires pour aussitôt revenir en surface et ainsi oublier ma motivation première. Ou bien ce gouffre m'emporte aussi loin les fantaisies et le merveilleux que mes fantasmes ont pu m'en ouvrir les yeux.

Ainsi Dieu se réveille soudainement. C'est ici qu'il jugera. Je le vois presque fixant ma décision pour me foudroyer au besoin. Il faut prendre la bonne décision.

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Je dis, il serait injuste de choisir la première possibilité si je ne choisis pas la deuxième.

VIII

Les Interprétations

Mais que je me garde d'oublier mes fantasmes, et peu m'importe Dieu, il n'y peut rien. Non, à nouveau je me trompe.

Une plage dont l'on me parle. Ô oiseau, le malheur! Ne fus-je pas ce quoi tu regardais au loin, pour m'envoler au-dessus de l'océan vers cet inconnu, cette plage?

Tes yeux voient l'univers, et les hauteurs observent mes désirs. Toi le premier qui me vole cette barque, d'où mes intérêts perdus. La grande douleur n'est pas la perte de mon radeau, c'est voir ma louange entendue aujourd'hui.

Tenir lieu ce bateau criait l'insuffisance. Les moyens envisagés dorénavant ne méritent-ils pas mieux? Voler les vagues à Dieu même, c'est voir instantanément l'enseigne de la fin.

Grand deuil à mon bateau, sous le ciel, je n'ai cure du peu de sa vaillance, je comprends cette nouvelle étape. J'avais peine à l'imaginer, attendant certainement ma douleur.

Certes, que cet oiseau puisse être mon salut, je le veux bien. Me faudrait-il impunément sombrer dans le vide tout au bout? Alors que voler les terrains inexplorés m'est loin l'humiliation d'échouer si près du but.

Je redouble donc mes efforts, offre plus qu'il n'en faut, me complaisant à m'arracher une générosité jamais espérée.

Échangeons notre sang! Subtilement faire comprendre l'univers entier et toute sa largeur en dimension, jusqu'en le plus profond. Arrachons-nous les questions où personne ne saurait s'y retrouver! Subtilement faire comprendre le mépris qui nous

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occupe et nos destinées tellement identiques. Oui! Échangeons notre sang! Pour y voir là les symboles inaliénables qui racontent l'univers.

N'abandonnai-je pas ma vie pour toi? N'avions-nous pas tout compris, et oui j'avais tout compris. Je retrouverai mon bateau. Je le retrouverai à son mieux, mais ce n'est pas vrai.

On n'imagine pas la pureté de ceci. On pourrait y voir large, mais mon innocence frappera fort mon cœur, et ma vie s'y achèvera des dunes plus loin. Les plages ne se découvrent pas les hauteurs, et mes moyens sont suffisants pour découvrir ma finalité. Mais c'est faux.

IX

Les Nécessités

René, ne te rends pas tant malheureux. Oublie ton humiliation et ton échec. Regarde cet océan, ne représente-t-il pas quelque chose de noble?

Eh bien, puisque me voilà seul, je vais vivre à plein ma marginalité. Noble cœur qu'est le mien, nobles horizons qui m'attendent.

À parler ainsi de marginalité et de noblesse, où pourra me conduire mon bateau? Pourrais-je même y voir une nef? Rien n'est trop beau, ma marginalité m'octroie le choix d'y voir plus grand. Eh bien, voyons-y la fin de l'océan! Mais le caractère noble apparaît.

Sur la nef, certains marginaux racontent une marge qu'ils se sont construits. Pour certaines autres routes, il s'agit d'une construction imposée. Comment alors s'y construire un sens?

Mais écoutez ce René l'Aventure, arrêté encore une fois par les définitions. Sur l'océan, ce qui est noble n'est plus défini.

Être marginal signifie-t-il rejeter la nef et ses valeurs? Mais je n'ai rien rejeté,

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on m'oblige, moi je ne veux qu'être.

Mais bon, je suis dans la marge, sacré ainsi par la voix de Dieu et j'en mourrai fier. Ainsi, vous, Jean Sans Terre, entendez mes valeurs autres et méditez bien. Je détiens moi aussi la vérité et je parle fièrement au nom de René l'Aventure. Une autorité demeure nécessaire, et votre échec est si grand, que vous tous êtes perdus sur l'océan.

J'aimerais une vie simple. Que je provoque trop la réflexion, que je ne réfléchisse trop moi-même, j'en aurais regrets.

La simplicité de futiles idées, Dieu y sera massacré. Où restent les choses importantes? Tant de temps perdu pour des futilités. Non, ce ne sont pas des futilités.

M'est-il nécessaire de me croire en marge, de croire mes valeurs différentes afin d'être heureux, afin de découvrir la fin de l'océan? Non.

Je dis, je me perds dans mes définitions et j'aime la simplicité. Je dis, je suis marginal, différent, et heureux.

X

Le Jugement

Ainsi, en tant que marginal qui aime la simplicité, je me permets de juger ceux qui ont raison et ceux qui ont tort. Dieu à ma gauche pour apprécier, j'observe fort aux différentes profondeurs pour savoir juger à tous les niveaux.

Le poisson crapulus j'invente les identités pour m'aider pose une action, l'action première, dont je n'ai cure de savoir. Cela permet une totale objectivité. Le poisson mariti semble tant concerné que son contrôle n'y est plus et désespérément tente la provocation du poisson crapulus qui se tient un niveau plus bas, c'est l'action

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deuxième. Le poisson tricris, presque au centre des deux niveaux précédents, semble importuné par les faits et croit nécessaire d'intervenir en accusant d'irresponsabilité le poisson mariti un demi-niveau plus haut (ceci fait également partie de l'action deuxième). La crise commence ici, à l'action troisième. Le poisson raye, qui se trouve au même niveau que le poisson mariti, se propose une explication claire entre lui et le poisson tricris, qui selon raye, n'a aucune raison d'intervenir dans le conflit. Lorsque le poisson mali, en relation intime avec le mariti poisson, voit où l'irresponsabilité, selon lui, de mariti conduit, il s'en prend sévèrement à mariti le poisson, des reproches dûment mérités prétend-t-il. Le poisson soye, intime avec raye, fait également des reproches. Mais d'une manière si réservée, qu'il les juge justifiés. Les poissons farcico, gigoro et kilo, qui se trouvent au même niveau que mariti, se félicitent de n'être pas intervenus et croient leur sagesse justifiée. L'action quatrième devient intéressante. Mariti le poisson, demeuré sans voix des reproches injustifiés, selon lui, de mali le poisson, se recule pour monter un demi-niveau plus haut. Or, c'est à ce moment précis que tous les poissons auront quelques instants pour retourner les faits et les actions dans leur tête. Ils pourront alors juger qui a tort ou raison, et plus important, si soi-même était justifié ou non dans ses actions. À cette étape du conflit, tous sont mal à l'aise. Tous ont des regrets et se reprochent des choses. Un embarras si soudain s'installe qu'un juge ne pourrait comprendre s'il commençait à entendre l'histoire à ce stade-ci. L'action cinquième commence par tricris qui choisit la fuite tant il ne supporte pas ses propres reproches. Le poisson crapulus tente une fuite différente, l'indifférence, qui n'en est pas une mais qui lui permet toutefois d'occuper son niveau sans trop croire qu'il y aurait raison à le quitter. Ce qui le rend fort c'est son poisson ami crokus au même niveau que lui et que je n'ai pas jugé nécessaire d'identifier. Mais tout nouvel élément pourra conduire à un jugement différent. Il faut voir pourquoi crapulus reste. Cherche-t-il la guerre ou est-il mal à l'aise? Deviendrait-il nécessaire de

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connaître l'élément déclencheur? À la cinquième action, tous les poissons-amis de mariti, afin de cacher leur embarras et leurs reproches personnels, comprenant la futilité des faits, rappellent mariti avec un large sourire. Mariti ne jugera pas suffisante cette hypocrisie, selon lui, et remontera un niveau plus haut. Ici, il ne voit plus ses amis. Après cet échec, les poissons-amis embarqués dans une funeste histoire, presque drôle pour un poisson extérieur au conflit, non, drôle pour un poisson extérieur au conflit, tentent davantage de cacher un embarras à proportions exagérées. Mali le poisson tentera donc d'observer et de détester le poisson crapulus un niveau plus bas. Le poisson raye descendra et remontera pour avoir une meilleure idée des préjugés qu'il porte aux poissons crapulus et crokus, alors même que ceux-ci, sans avoir connaissance de l'intrus, jouissent des profondeurs du paysage et tentent de s'amuser de la situation. Le poisson raye ira également parler avec mariti pour le faire revenir, mais sans succès. Les autres poissons se complaisent dans leur inaction, se la reprochant en tentant de se la justifier. L'action sixième amène le poisson kilo à se sacrifier pour rapporter le poisson mariti sur son niveau d'origine. Or, tous les autres poissons se croyant sortis du mauvais pas, demeurent satisfaits du sacrifice et oublient vite leurs regrets. Mais l'action septième reste la meilleure. Le poisson mariti reprend ses actions dévastatrices contre crapulus qui lui répond quelques mots lancés à la légère. Comment réagissent nos poissons-amis? Tous demeurent à leur place pour ne pas répéter les mêmes erreurs. Bon, il est inutile d'aller plus loin.

Voici mon jugement en accord avec Dieu: le poisson tricris a tort, le poisson mali a tort, le poisson raye a raison, le poisson mariti a raison, le poisson crapulus a tort, le poisson raye a raison, le poisson soye a tort, le poisson kilo a tort, les poissons farcico et gigoro ont tort.

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XI

La Progression

Mais si les Jean Sans Terre n'avaient cette impression d'avancer pour un jour atteindre la fin de l'océan, ils pourraient croire qu'elle n'existe pas. Ainsi moi mes idées sont. Le jugement, si déplacé en son contexte, ouvre les yeux sur un vouloir infini d'en voir davantage ou d'abandonner tout effort.

La panique me prend soudainement. Je construis mon propre univers mais j'en ai assez de l'océan. La légende, cette terre et ces arbres, le temps est venu d'y voir aujourd'hui.

Je vais donc assumer, assumer tout ce que l'on voudra me faire assumer. Eh bien, je vois loin, mais je dois parler.

Je veux fuir et oublier Dieu complètement! Non, je veux le voir apparaître. Je le somme d'apparaître. Dieu, je te somme d'apparaître!

Mais le cercle de jour et celui de nuit reprennent plusieurs fois leurs positions. Ils se relayent suffisamment pour y voir apparaître ma folie; et Dieu qui ne montre toujours pas son enseigne.

Il se manifeste bien quelques bizarres événements pour me convaincre de sa présence, mais si tels sont ses signes, ce n'est pas suffisant. Je le veux là et concrètement. Et sinon, et ensuite, je l'abandonne lui et sa sagesse. Ne plus jamais prononcer son nom, j'en viens même à souhaiter son découragement face à mon appel.

Dieu! Regarde mon cœur, il n'est jamais contenté et tu vas bientôt mourir en mes idées. Mais ne vas-tu pas agir? Mes suppositions sont maintenant trop vaines. Mon caractère forge déjà un nouvel univers. Entends, je serai bientôt seul maître

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de mes émotions et je verrai encore plus large.

Mais comment voir plus large que cet océan à horizon infini? Je regarde donc l'océan dans toute sa largeur et attends toujours son enseigne.

Qu'il ne me fasse pas mourir, mais je remets en question mon expérience. Qu'il me présente au moins cette fin d'océan, et je pourrai faire selon son vouloir. Sa générosité n'est pas si grande s'il espère toujours en retour quelque faveur.

Je me sens prêt à franchir une nouvelle étape, nécessaire à ma survie. Effectivement, le désespoir m'est presque oublié. Non, mes espérances reprennent le dessus.

Or, je regarde l'océan dans toute sa largeur et attends encore son enseigne. Je scrute, et vois. Gloire! Mon attente pourra s'oublier, et mes malheurs. Voici ce que je suppose être une terre. Telle la légende parle, tel je parle. Elle portera pour nom l'île du Silence.

La nouvelle vie commence, la gloire fleurit en moi, mais où réside mon enthousiasme? Le courage et moi, tant et tant pour en arriver ici. Mais ici ou la mort, alors où réside mon enthousiasme?

XII

Les Résultats

Moi, René l'Aventure, j'ai mes moments de déraison pour l'heure. Tout origine de ces rêves, de ces espérances, eux seuls pouvant changer les cœurs de chair en cœurs invitant l'irréel.

Un rêve à moi où Dieu m'a décidé précurseur, pionnier oublié et inspiré par la différence. Une voie ouverte sur un univers d'une dimension considérablement plus large, prête à une communication universelle, toute la joie des folies.

Au diable la fin de l'océan, pour le mieux, voici une île. C'était avant la tempête.

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J'attendais en ces temps une quelconque venue de par les montagnes, une légende peuplée d'incertitudes et d'illusions pour enfin dire que la mort semblait proche.

Mais peut-on se nommer René l'Aventure, si seul sur son île, l'aventure semble trop facile? Certes, on l'a remarqué aussitôt, alors apparut la tempête. C'est dire, un monstre effrayant. C'est le Sire oui, celui dont je crois qu'il réussira, à conduire vers la mort celui qui... et qu'il ait victoire à m'affronter, je n'en saurai lui faire gloire. À être si peu clair, troubler mes idées, il n'a réussi qu'à me faire fuir. Dès lors, qu'il meure lui, Dieu aussi, oh oui.

C'est bien de croire que la mort du Sire remettra un équilibre sur cette île. Aussi bien que de croire que la fin de l'océan sera l'univers de Dieu. Et vous direz que c'est vrai, car où est-elle cette fin d'océan?

Quel étrange sentiment que de voir ce ciel bleu entourer l'île. Et c'est bien par la grâce de Dieu qu'il m'est donné aujourd'hui encore d'observer ces montagnes, ces quelques champs. Une joie chantant que le monstre pourrait m'en empêcher l'accès, cela devient d'un dérisoire assommant. Dieu le dit lui-même non? Mais qu'est-ce que je sais de ce que Dieu dit. Et de ce que je crois comprendre, quelles en sont les influences concrètes sur mes actions?

Il ne reste rien à justifier, je devrais vivre l'entière indépendance, même en idées. Je m'en contrefous. Je vais vivre pour moi et tendre vers les champs. Cela pourra-t-il me conduire à tuer le monstre? À m'en faire un ami peut-être, plutôt.

Les nuages surplombent l'île et je ne sais plus qu'en penser. Je me trompe quelquefois, quelle honte parfois. Mais la question demeure, à savoir, est-ce ma conscience qui définit si je dois avoir honte? Alors je demande à voir d'où ma conscience tire ses sources.

La présence de l'île du Silence devient impressionnante. L'eau, les vagues: l'île s'enfonce. Tous meurent, il n'en reste que le monstre enraciné dans la terre. Et c'est d'une atmosphère, tel un orage qui se prépare, que je me sens prêt à explorer

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un nouveau monde.

XIII

L'Expérience

Jean Sans Terre, vous plaît-il d'entendre un beau conte d'amour et de mort? C'est de René l'Aventure et d'un arbre. Écoutez comment ils s'aimèrent puis en moururent un même jour.

Un chêne. Comment se prendre d'amour pour un chêne. Eh bien, et simplement, la terre belle, et c'est voir une nature impressionnante. Et parmi les champs, un seul arbre se tient avec vue sur l'océan. L'aventure en regard, certaines obligations lui retiennent ses espoirs de René l'Aventure. Mais un jour, un jour, il daignera bien s'envoler.

Lorsque je lui parle, je dis: Sire, tes racines prirent terre ici voilà longtemps. N'est-il pas temps de voir la fin de l'océan? Il dit: «J'ai l'expérience et toi pas, je ne partirai pas.» Je dis: Sire, tu pris racine ici voilà bien longtemps. Que ne vois-tu pas arrivé le temps d'y voir l'océan d'un peu plus près? Il dit: «Il n'y a pas que René l'Aventure qui existe, et moi j'ai l'expérience de voir mes erreurs passées.» Je dis: Sire, je prends racine à mon tour, n'est-il pas temps de retourner sur l'océan?

Mais non sans attendre, je constate en l'agir une chose difficile d'accès. C'est comme une centaine de roues qui actionnent un mécanisme aboutissant à une décision, et qui nécessitent autant les commentaires et l'accord de tous les Jean Sans Terre de l'île.

Je dis donc: où réside le mécanisme? Il est sombré dans l'océan. Regarde, il ne reste plus que nous. Regarde, tu vois l'océan. Regarde mieux, tu y vois tes rêves. Eh bien, ne regarde plus si ton désir demeure vain, car moi je n'y suis plus.

Je te vois méditer là en silence, avec le reste de la nature, et je dis, joie.

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J'accepte maintenant des choses. L'habitude et le temps apportent la résignation. Encore des reproches, se transformant en motivation et en crise. Ma dépendance est maintenant si grande que sans cesse j'y vois les radicales solutions à mon désespoir. N'étais-je pas plus heureux seul sur l'océan?

Calme-toi, me dit mon arbre, on ne se connaît que depuis peu. C'est vrai. Mais regarde la noirceur qui s'en vient. Je voyais plus grand. J'espérais plus grand. L'amour différerait-il de ce que mes idées me laissaient entendre? L'amour serait-il autre chose que ce que René l'Aventure entendait comme motivation première?

Ainsi, ni l'île ni l'océan ne me rendront heureux. Désespoir complet, je saute dans l'océan tête première, me fends le crâne sur une roche gigantesque, observe mon chêne, reviens en surface, lui accorde enfin du temps. L'amour produira ses effets me dis-je. Non. Désespoir complet, je saute à nouveau dans l'océan, me fends le crâne, tente d'observer mon chêne, puis reviens en surface. Désespoir, je saute dans l'océan et n'y reviens plus, surface et mort.

Un seul regret, l'oubli d'une hache sur la nef mère. Dès lors, aurais-je emporté mon arbre de force sur l'océan ou l'aurais-je laissé pourrir sur les champs?

XIV

Les Obstacles

Une stagnation effrayante s'installe alors. Sentir les vagues et les courants me laisser dériver, le fond, j'y observe bien grand les couleurs fades et le reste. Que l'on ne me parle plus, de mon arbre surtout. Que l'on ne me regarde plus, je meurs dans mon inaction. Plus d'énergie, aucune motivation, terminée la passion, disparue la raison.

Ô Amour, est-ce là le fruit de ton œuvre? Me voilà qui pleure les larmes de

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mon corps, n'implorant plus aucune folie, aucun rêve. Ô mon arbre, est-ce là le fruit de tes conseils? Me voilà qui pleure les larmes de mon âme et ma motivation ne m'est plus que souvenir.

Je vois là mon arbre. J'entrevois déjà sa vie passée, ce que les champs lui ont apporté, les actions qu'il s'est permis. J'entrevois son expérience et je dis: je vais l'oublier.

Je vois là mon arbre, s'arrêtant la méditation, il réagit. Naturellement je remets tout en question et reviens sur l'île. Si mon arbre peut réagir, un espoir existe.

«Ne vois-tu pas ici la simplicité et la stupidité de ta crise?» Je dis oui, je le vois. «Alors ne vois-tu pas ici ton inexpérience?» Non.

Que l'on m'insuffle à nouveau ce goût de vivre, ce n'est pas afin de me faire comprendre ces choses! Bon je fus, et pur, mais la roche m'a fendu le crâne. Ne cherchez plus mes efforts et la vie me sera plus saine. Pur et à quoi bon? Mauvais et sans remords, c'est moi!

Je me surprends donc à reprocher et à lancer à qui peut l'entendre: n'étant pas parfait, je vais m'en permettre! Arbre sans vie, regarde ces champs! Ton expérience est grande, elle crie ta joie passée, mais ton passé est mon futur. Savoir profiter des circonstances, ces champs seront miens! J'y ai entrevu des érables et des saules pleureurs, et cela me construit un sens.

«Les érables c'est amer, les saules pleureurs ce n'est pas sérieux, les chênes sont majestueux et beaux.» C'est ça.

Simple vie qu'est la mienne, René l'Aventure. Ne pas voir l'évidence maintenant m'apportera-t-il les regrets? Non. Parce que les chênes sont partie intégrante à l'aventure, et les saules pleureurs représentent toujours un possible.

Vivre dans les possibles, je suis mauvais garçon et c'est noble. Je ne redéfinirai pas la vertu, à chacun son univers.

J'entrevois maintenant l'océan, il me tente grandement. Sous le ciel il n'y a

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mieux. Si passionnante sa conquête, je le vaincrai très bien.

Mais sans cesse je cherche à me valoriser. Ces valeurs me garderont encore cette reconnaissance, pour autant que je n'observe plus les fonds. Nourrir mon esprit autrement serait grande victoire. Le temps d'y voir autrement serait-il passé? Ma bataille est pourtant belle. Mais le contrôle m'en est loin sur l'île, et mon chêne m'en double la détresse.

Hardi René l'Aventure! En mauvais garçon tu peux dire: pourquoi s'empêtrer de ces bouts de bois? Et le feu, destructeur premier de la terre, ne fait-il pas un merveilleux prédateur?

XV

Les Compensations

Dès lors, superficiels et sans intérêt, mes amis seront les vers de terre. J'y vois un embarras amusant qui ne dépassera pas les limites de l'île.

Ramper de long en large depuis si longtemps, nul doute, l'aventure en a perdu sa saveur.

Voyez en moi la beauté réincarnée, je verrai en vous les restes de la nature! Me mentir c'est détruire notre pseudo-amitié. Rien de sérieux ne saurait prendre forme entre vous et moi, vers de terre. Tremblez, parce qu'aujourd'hui j'ai autant d'agressivité qu'il m'en faut pour reconstruire l'univers!

Minables, vous n'avez pas su couler avec les Jean Sans Terre, vous me servirez bien, à ma survie. J'ai tout à attendre de vous, c'est dire, me divertir, me revaloriser.

Il fut un temps où tout mépriser sous prétexte que le plus noble se trouvait ailleurs remplissait mes journées. Maintenant je sais que rien n'est plus noble ailleurs et je vois moins grand.

Regardez comment beau je suis, combien grand. Je suis prétentieux, mais

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c'est justifié. Il ne vous reste plus qu'à admirer.

Eh toi! Tu n'as pas à te sentir obligé de me lancer un sourire chaque fois que l'on se regarde! Et toi, je ne m'amuserai pas de tes paroles si insignifiantes qu'elles feraient sourire un chêne. Et puis toi, sache donc considérer ceux qui en valent la peine. Attention, je ne suis pas n'importe qui et j'exige le respect. Je ne m'impressionne pas devant ta situation, à mes yeux tu es un ver de terre, et misérable.

Ô toi mon chêne, tu n'es pas mort et tes efforts demeurent vains. Tu ne comprendras donc pas, les belles paroles ne contenteront pas un René l'Aventure. Tu regrettes déjà et je suis pourtant dans l'île. J'attends tes efforts. Seraient-ils grands, ce ne serait pas suffisant. Trop souffrir la misère, je vois maintenant en les folies des actes déplacés.

Je sais tout. Je vois tout. Je me contente difficilement. Ah, je pourris sur les champs! Je regarde mon univers, je pense retourner observer les fonds. Je bûcherais tous les arbres de l'île et j'y écraserais tous les vers de terre.

Me serait-il temps de revoir l'océan? J'ai vu ce qui est différent, il m'est difficile à nouveau de prendre des décisions.

Aujourd'hui je suis misérable. Hier je suis misérable. Demain je suis misérable. Ma motivation, il n'y a que ça de vrai. Abreuvons-nous.

René, ton agressivité t'a transformé. Mais la vie m'est tellement plus simple. Par contre, je ne suis plus heureux du tout. Je n'attends plus rien de la vie. C'est ma rébellion.

Je rends grâce aux vers de terre. Je rends grâce au chêne. Et Dieu? Je retourne sur l'océan.

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XVI

La Stagnation

Le temps. La méditation ne se suffit plus. Je regarde le ciel. J'observe et attends. Mon chêne.

Qu'avant de m'enfuir mon arbre arrête sa méditation et me lance de grands discours, me désole et m'incite à partir.

Qu'avant de m'enfuir mon arbre pleure et me supplie, m'enchante, et m'incite à partir, à quelques vagues de la côte.

J'observe l'île et l'océan. La dépendance maintenant en contrôle - je m'en convaincs - et l'attente maintenant éteinte, je me submerge d'idées sur l'océan et ma quête.

Eh mon arbre! Aussi majestueux sois-tu, réussiras-tu à ramener l'amour et la joie à un niveau aussi impressionnant que ma décision en sera reconsidérée? Tu me fais maintenant pitié, mon amour disparu et le tient ressuscité, ne prenant plus pour acquis ma compréhension et concevant enfin ce en quoi consiste mon vouloir. Ainsi mon amour n'a d'autres choix que de se remettre à vivre, et plus fort!

Mais la question demeure la suivante: à me convaincre de retourner sur l'océan, est-ce que je recherche encore ce sentiment amoureux fort et réciproque? Sinon, demeurons sur l'île et sachons y trouver une liberté, une indépendance. Si oui, je crois que ça ne vaut plus la peine de rester, car combien de temps avant le retour à la misère?

Est-ce que je recherche encore ce sentiment amoureux? Sinon, aussi bien partir sur l'océan pour ne plus revenir. Si oui, restons, car, comment saurais-je être plus heureux?

Dès lors, son sentiment serait-il si fort qu'il, mon arbre, accepterait de s'envoler

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sur l'océan avec René l'Aventure? Ou mon sentiment sera si fort que René l'Aventure retournera mourir sur l'île?

Mais je ne vois de régression ni en mon retour sur l'île ni en mon retour sur l'océan. Alors que reste-t-il de ma progression?

Et si le choix n'existait plus? Horreur! Je choisirais l'île, une tempête de l'enfer m'y garderait pour les cent années prochaines et je pleurerais l'océan. Je choisirais l'océan, l'île s'y engouffrerait et je maudirais l'océan.

Et la nef mère? D'où me vient cette soudaine pensée.

C'est ça l'univers de René l'Aventure? Eh bien, j'y perds pied. Ou au contraire, j'y trouve ma voie.

XVII

L'Aliénation

Sans voile ni vague, mon radeau m'emporte loin vers l'infini de l'océan, où à la fin j'y découvrirai ma joie. Le soleil frappe fort sur le pont principal arrière. Je ne suis pas à fond de nef, pourtant une brèche sur l'extérieur m'oblige la progression. J'avance vers la fin, c'est la nuit, j'aime. Mon arbre observe l'horizon, il croit en avoir découvert la fin. Je dis: bien sûr que nous l'avons découverte. La légende raconte que les rames rament dans toutes les directions. Ça n'a aucun sens. Je n'ai encore vu aucune rame. J'observe les Jean Sans Terre manœuvrer, ils manœuvrent bien, moi pas. Détritus de la nef et charge, il me faut mourir. J'ai tous les mérites! Et je ne le mérite pas. Je n'ai aucun mérite, il me faut mourir. Gloire, j'entrevois la fin de l'océan! Et mon arbre là-bas. Un chêne flotte en surface là où l'île s'est engouffrée. Pitié! Je pleure! Qui entendra ma prière? Je vois les saules pleureurs, les érables, les vers de terre, je n'y trouve plus aucun intérêt. Heureusement ils observent les fonds. Ô baleine mon amie! Regarde-moi puisque

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tu es là. Je n'y reviendrai plus et futile notre joie passée. Un amusement plus que banal, j'en ri aujourd'hui. Ce n'est que pour te montrer forte devant la menace que tu as eu l'audace de venir m'affronter. Et moi j'ai été suffisamment innocent pour y découvrir des vérités. Je déteste ce chemin qui conduit à l'édifice plus loin. Hardi René l'Aventure! De quoi vis-tu? D'amour. Non. D'un sentiment rendant stupides même les fantasmes de mon tourbillon qui grandit sa force. Qui rend la sagesse pour âme, et ô bonheur, je n'ai plus faim. C'est de mon demi-compartiment que je m'adresse aux Jean Sans Terre, et mon radeau demeure nécessaire. Cette rime n'est pas voulue, elle est fade, voici une noble rime: lorsque je m'adresse à mon arbre, ma fenêtre est grande et c'est l'ouverture qui offre l'océan. Sur le dessus de la montagne, je vois mon arbre pour la première fois. Eh Jean Sans Terre! Ne voyez-vous pas que je vais bientôt atteindre la fin de l'océan? Vous plaît-il d'y reconnaître votre propre échec? Vous y verrez le mien et c'est votre misère. Je suis là près de vous, je puis vous sentir, vous anéantir. Vous m'enfermeriez et je serais encore aise d'avancer. Je visite les fonds pour ma joie. Je découvre le bien. Mon chêne dit: «Il faut bien se contenter de ce que l'on a.» Et je comprends qu'il se tenait en attente d'une découverte impressionnante, et ma gloire n'est que fumisterie. Les secrets bien gardés pour épargner la douleur, je souffrirai davantage. Non, je serai davantage motivé à y voir la fin. Et j'y suis, j'y suis.

XVIII

La Rupture

Je vole au-dessus des chutes, l'enseigne de la fin. J'y suis et mes idées. J'ai faim, je vis indépendant, je souhaite. Rien, et mes espoirs. Eh René l'Aventure! Vois le ciel, cette grandeur, et marche sur les nuages, ce vent désordonné. Étrange destinée qu'est la mienne, j'observe les fleurs ici. Elles tournent mes idées, oublient

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certaines. Chantent ma joie. Les chutes apaisent, la peur. Le soleil a disparu, la lune n'existe pas. La terre n'est plus un souvenir. Un radeau envolé avec les chutes, qu'elles soient infinies, ce n'est plus ma finalité.

*****

LA RÉVOLUTION

René l'Illuminé

LE CYCLE DE L'EXISTENCE

I

L'Éther

De vers le haut jamais le vide. Je suis hors les bornes, du ciel qui vole sur la surface, de carré en cercle, en lumière, entraperçu, ô moi si cela est, que j'en saisisse le sens. Jouir! Jouir. Des fleurs, il en faut voir la couleur, l'intérieur, la sentir, toucher le cœur, s'y vautrer de ses sens, l'intelligence. Une roche, suggère la vie, moi, la roche. Je suis le ciel en ses vents, à travers mes corps je respire le tour, voyant les champs passer, j'y vois plus que la vie, l'avenir, c'est n'est plus le temps, je traverse les époques, un moi sur la Terre ferme, un ciel fort en son temps. Mes enfants, fasse que les décisions suivent. Si je vous ai mis au monde, pour mourir ensuite et vous voir grandir, c'est que je sais. J'en inspire votre bonheur à outrepasser votre temps, je ne puis rien de votre existence, j'ai ailleurs autres obligations. Celles de secourir celle qui se noie, marier celle qui se lamente, consoler celui qui pleure, pleurer sur Dieu tel qu'exhorté par mes semblables. J'y vois clair, chanter la richesse

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d'une mélodie et la mienne, partager les dividendes avec cet homme, de mon unique vie à travers les autres. C'est moi qui ai franchi les barrières redoutées, non sans aide, c'est moi qui ai révolutionné la vie en instaurant le bonheur! J'ai aidé la femme à ramasser ses choses, quitter les lieux, l'inviter au paradis, l'oublier sur un trottoir, l'aimer à en mourir, nourrir ses enfants qui étaient miens et qui ne sont plus. Je me levais le matin pour descendre à la fontaine, ramener de l'eau pour les vaches, puis j'allais chasser l'ours et le phoque, avant de sombrer sur la plage admirer les formes. J'ai séjourné chez les religieux, je mangeai leurs plantes. J'irais volontiers à nouveau me divertir sur la plage. Qu'il n'eût fallu m'y voir nu, c'est accompli. Je marchai dans le sable, j'y ai fait l'amour. Ma vie semble lourde, étendue loin sur la vertu. J'y suis mort plus d'une fois et cependant loin de ce que l'on pourrait appeler de mort noble ou heureuse. Je préside pourtant à la création du monde, j'actionnerai les êtres, provoquerai les séismes, déchaînerai les volcans, les eaux, les terres d'animaux à ma merci que je mangeais lors de réceptions de perdition. L'amour de la chair, l'aveuglement de la chair, son parfum. Suffisait d'un vêtement pour m'emporter de l'autre côté de la Terre, traversant ses lieux, m'arrêtant là où j'en jugeais la nécessité. Comme en ces murs et ces parois, j'ai possédé l'amère volonté de mes sujets. Mon peuple à l'abri de la grêle, s'en ressent encore après les siècles pourtant, j'étais alors déjà dans le pays voisin, servant des clients à une table, offrant des chambres, m'offrant à mon tour aux désireux qui en demandaient. Je les accompagnais jusqu'au désert, me déshabillais alors et jouissais de mon commerce. Sans compter les rues perdues, les portes qui donnent sur des lits pouilleux et puis ce que la vie en son contexte offre à ses habitants. Il m'a fallu me débarrasser de gens qui gênaient la bonne marche de mes affaires, j'ai usé de choses illégales, j'ai même encouragé ces choses jugées immorales. La tentation est simple à provoquer, il s'agit de se trouver au bon endroit, au bon moment. Sous un sapin, je crachais le feu. J'y suis demeuré une éternité, sous le soleil, sur le ciel, loin dans la

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mer, jusqu'aux côtes. Si le monde y semblait triste, tu le désirais ainsi. Respirer les lointains, si cela est, est plus que lointain. Jeunesse d'antan, glorieuse victoire sur cette vie. Produire du sucre, du blé, des tomates, des oranges, des noisettes, des framboises puisqu'il n'existe que cela, cette richesse perdue, imaginaire royaume de mes sujets, j'y ai vécu quatre générations certaines. Cinq autres ailleurs, que cet ailleurs me manque, et d'autres ailleurs. Je ne dirais pas que c'est là une des raisons qui fait de mes enfants des maltraités, ils n'ont jamais rien compris à ce que représentait mon cheminement. Ce sont là bons souvenirs, qui me coûteront chers. Comme de l'assassinat d'un animal ou de toute racine arrachée, d'une pomme de terre déterrée, rejetée sur le bord, que de souffrances pour l'humanité. Je dis, sa conscience avec son désordre ou son ordre, en les faits, voyez vos sentiments pendant qu'il en est encore temps. Les fruits au soleil sont gorgés de l'âme de Dieu, le fruit est par conséquent ce que Dieu offre aux lendemains de l'humanité. Si la vie n'était pas qu'une salle d'étude pour apprenants à qui l'ont a oublié de dire qu'ils sont là pour apprendre, la conscience collective s'en ressentirait. Mais elle connaît les choses qu'elle oublie. Tel moi qui oublie mes prouesses sur l'océan, mes débats théoriques à propos de vertu, mes naissances sur les nations de l'univers. Il suffit de tendre l'oreille, entendre les astres. Autant de dieux que de soleils, autant d'êtres que de planètes, autant de suite que de satellites, autant de sens que de particules, autant d'intelligence que l'être humain n'en veut pas voir.

II

Premier ciel — Le Purgatoire

Du plus merveilleux des jours, enchanteresse désespérée qui sur mes os se colle, se met à sucer la vie en moi. Ne m'écoute pas en mes dires, j'ai jugé plus qu'à mon tour, j'ai détruit plus qu'à mon tour. Prenant la Terre pour une amie sans

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intelligence, élaborant des concepts anti-Terre bien en deçà de mes connaissances. Mourir par le mal, cet irrespect de l'univers. Mourir par le mal. Je n'ai plus d'os, mais je suis, en cette femme qui m'arrache les yeux, qui me prend en ses bras pour m'offrir au volcan, et n'en plus revenir. Simple justice, que cette nulle visite en la Terre, sans aucune prétention au savoir. Comme elle sait son devoir, claire de sa vie, elle retournera prêcher pour les pauvres que je n'ai point su voir. Un arrêt, où j'aurais dû souffrir, là où l'on se laisse mourir pour le malheur des autres. Ma misère prend enfin son sens, purification. C'est par la souffrance que je découvre Dieu, mais pas dans le sens où il faut l'entendre. C'est l'heure, je ne sauverai que moi, destinée bien assez grande pour ma simplicité. Mon devoir est maintenant de donner raison à qui souhaite s'associer à la puissance. Mon peuple se meurt, je ne puis rien pour lui, ces sujets n'ont été que leurs maîtres propres, ils n'ont aucune pitié pour celui en lequel ils ont cru. Mais c'est là bonne chose, aujourd'hui, que me voilà souffrant pour eux, avec eux, pour moi. Quels sont les bons choix, quelles lois ne valent plus la peine d'être entendues. Le radical est dangereux, je le reconnais, alors faut-il au moins laisser la chance aux choses de changer lentement. Mon histoire recommence, mais c'est faux. De cycles progressifs, de révolutions à l'intérieur de plus grandes, de spirales à l'intérieur d'autres qui toujours avancent et s'élèvent, on en distingue toujours davantage, il n'y a point d'autres choix que l'évolution. L'humanité, n'y voir qu'une seule entité, un monstre à plusieurs têtes qui sans cesse s'enfonce en son gouffre. Mais il est vain de parler de l'humanité ainsi, un jour elle sera grande, puissante, elle présidera à la création d'un monde, elle sera Dieu. Aussi sera-t-elle traînée dans la boue, acculée à une terre qui n'est pas sienne. Et pour dire que cette terre n'est pas mienne, me faut-il la connaître, la démystifier, en rendre compte avant l'ultime finalité. Tourments à nouveau, puérilité satisfaisante, voilà la cause de la douleur, à laquelle on dit de se débrouiller pour découvrir le secret que renferme la Terre, pour ensuite souffrir de sa cécité. Tu

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le regretteras au-dessus de tes mille ans. N'oublie pas que l'on te transmet un savoir à la seule condition que tu le surpasses. Mais se surpasser ne suffit point, il faut s'enfermer dans ses images, y croire fermement, bâtir un courant, immortaliser le désir, autrement l'essence de cette erreur demeure ambiguë. L'égocentrisme en est la source, l'impossibilité de bâtir si l'on ne s'attarde qu'aux autres. Il le faut cependant, et rien qui n'ait rien à dire mérite d'être entendu, ni même ceux qui disent. Comme de ces souvenirs qui aliènent, qui déversent dans le ciel ces cris. Si le désespoir alimente l'humanité, ou le mensonge, que vaut n'importe lequel système dont il n'en faut point connaître les rouages, si l'on désire un quelconque résultat. Me voici à trouver les moyens, l'élaboration d'un nouvel esprit pour les humains. Qui sur chaque océan pourra nourrir l'aventure perdue de celui qui recherche je ne sais quoi qu'il nomme Dieu. De celui perdu qui cherche je ne sais quoi. La plainte c'est de ne rien savoir qui puisse éclairer. Je pleure mes actions, moi qui suis douleur d'un peuple, même que l'on peut savoir si je trahis leurs besoins. S'élever au-dessus de tous, celui qui a compris que l'on se donnait en entier, être heureux en entier, au-delà de tous. Avoir le sentiment qui provoque la congestion, l'éclatement des vaisseaux, transport aux larmes, la pitié d'une terre, la nostalgie, la neige, la pluie, un soleil, une lune. Entendre le jure, jurer à son tour, demander le pardon, puis s'élever.

III

Deuxième ciel

Je m'entoure de ce bon sentiment qu'est la reconnaissance, cette joie de l'aide, et j'atteins cet état de grâce. Je rassemble ici mes morceaux: un cœur, un foie, un cerveau. C'est mon nouveau milieu. Que je vis, moi, pour remercier que l'on m'ait ouvert les yeux, jamais je n'aurais cru recouvrer la vue. Viens que je te prenne,

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t'embrasse, te mange par amour! Je recouvre la vue! et l'immensité du mouvement. Je le savais! ou plutôt je le souhaitais. Tant de joie en moi, que je te prenne! J'ai tant fait le bien, tant perdu la science pour cette voie, écouté longuement le fil de ces images, ressenti la volupté. Tant de joie en moi, que je te prenne, ô toi, qui es la dégénérescence et la pureté à la fois. Je t'ouvre ma demeure, communique enfin mes états. Ta vitalité me nourrit, me ronge aussi. Je suis là pour recréer la famille, ces liens sans valeur, au diable les conventions, les traditions, tu parles ma langue, c'est pour le bien de mes semblables. Je parle ta langue pour tes semblables. S'unir en un Dieu, en un espoir, en une tête. Par toi je touche l'ensemble, la planète entière, la certitude. Et parcourir l'espace bientôt, je te le dis. Le rire, cette passion, le rire qui conduit à l'absurde, chez nos ancêtres. J'y penserais bien un nid, mais je me demande ce que nous y pondrions. Et moi qui ne suis plus rien, qui suis l'égal de mes semblables, le misérable chez les misérables, le bon chez les bons. Voir ce qu'il fallait voir, sans voir la vérité, sans l'avouer, sans la souhaiter. Je suis loin, loin de la foule, de ses passions, son hypocrisie, sa soif du mensonge, du silence et de la cause perdue. L'anarchie, ce fut mon nom, c'est le leur. Je la leur offre, je suis malade. Je suis encore au dehors, l'entrée m'y est interdite, on m'y tuerait, quelle ironie. C'est récurant mais c'est ce coin de pays qui m'attire. Ô Dieu, que je ne puisse l'éviter, je n'y suis point chez moi, je veux tant m'en nourrir, en être la caractéristique, le représenter à sa valeur. Je m'avance pour dire un nom... non, chacun est le tout. À la volonté d'agir, dépeçage de mes actions, je te suis reconnaissante. Concevoir qu'elle m'a aidée, m'a aimée, moi qui jadis sommeillais sur l'océan à la recherche de ma semblable peut-être, j'aurai le temps de l'aider à comprendre avant de mourir en ma jeunesse. Mais je pense concrètement, je vois en la mémoire de l'humanité que je suis loin, si loin de ma finalité. Je sais cependant où je vais, c'est là une différence. Cela commence par cette femme hors de la trappe, me remerciant alors que c'est moi qui l'y ai mise. J'ai honte, et la honte paie à long

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terme, je recommencerai. Je projette une belle maison, un foyer, un sofa. J'imagine une autre maison, un lit, des coussins, trois enfants et puis rien. Je vois un ciel, une montagne, un arbre, une maison. Si vite, instable, elle ne pourra venir. Je n'y suis pas encore. Ce temps va-t-il finir? Mais j'y suis. La journée est si belle. Une journée belle... si la conscience de ma mémoire m'était entièrement acquise. Si je savais ce que je fais. Comment puis-je y projeter une maison, et pour quel dessein. Comment, les enfants y seraient heureux? Plus que moi qui y souffre le bonheur? Une joie qui me coûte, le fruit du savoir ou de l'ignorance, pardon, je ne parle pas de l'abstrait, s'il me faut tout deviner, j'en inventerai pour sûr, et que vaudrait d'être un dieu inventé, qui invente à son tour? Transmettre un savoir, oublier le doute en surplus. Je m'adresse aux dieux, au mien s'il faut, je la traverserai la constitution de la Terre, et j'apprendrai plus que l'humanité n'en a su en deux mille ans. Le cycle de mon existence achève, ou plutôt, l'homme et son évolution vont à nouveau s'accomplir.

IV

Troisième ciel

L'abstrait, où l'on voudrait me faire oublier. J'avance encore, que cette musique est douce, la musique. Je n'y retournerai pas! De trop l'expérience, il me faut sauter les étapes. S'il me fallait attendre après l'humanité, je n'y arriverai que le vent en les vagues, les arbres dans la nuit, les cascades aux ruisseaux. Ces images trop belles, je traîne le bagage de mes désirs et de mes émotions, travail accompli sur plusieurs espaces. Je serai plus que bon, je suis le bien réincarné. Je calme mon tempérament, je vois, discerne, me souviens, voici mon idéal, je me concentre, prie. Oubliez la musique et les couleurs! Que faites-vous, laissez-moi à ma solitude! Je vais y aller. Je vois là leurs propos peut-être, descendre, que celui-ci soit mon

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frère et lui mon père. Qu'il se lève, ouvre une fenêtre, regarde l'horizon. Ma mère, que Dieu la garde, je la connaîtrai un jour, reconnaîtrai un jour, puis l'oublierai. Les bêtes pour la circonstance, je ne veux rien apprendre d'elles. Ce voudrait dire que le milieu aurait failli à mon enseignement, encore qu'il faillirait de toute manière et que j'apprendrai sans savoir. J'accepte ma famille, je travaillerai à rencontrer les gens, entendre ce qu'ils auront à dire, m'exprimer, partager, développer, raffiner, construire, mourir. Quelle destinée, prédéterminée à nourrir mes inhibitions, provoquer l'intérêt, lutter de l'inférieur au supérieur, du bas-fond au divin. Si l'expérience est mon but suprême, le chagrin et la douleur sont mes alliés; et si c'est malentendu que le but de la vie n'est pas le bonheur, j'accepte de le croire, mais suis fort déçu d'avoir en moi ce désir telle une motivation à souffrir. J'ai manqué à la volonté, me suis pris à subir l'épreuve plutôt que de la voir chez autrui. Je récolte les remords. Les coups de massue, c'est pour les grandes lignes de mon existence. Et puisque l'expérience consiste en la connaissance des effets qui suivent les actes, et la volonté la force au moyen de laquelle je mets en œuvre les résultats de cette expérience, il me faut donc sympathiser avec moi-même, le sacrifice. Je vais apprendre à analyser et méditer les actes d'autrui si c'est là la chose qu'il me faut connaître en cette vie. Mais apprendre par soi-même n'est-il pas plus séduisant que d'apprendre par les autres? De plus, ce que les autres vivent, a-t-il autant d'impact sur ma personne que si je le vivais? Laissons donc les édifices nous tomber dessus, c'est concret.

V

Le Désir de retour

Tout ce marasme qui vient dans le tard, toutes ces interactions multipliées qui frappent l'esprit, je veux m'y abandonner. Lui sombrer dans les bras et dans ses

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bras et dans ces bras et atteindre l'ensemble. Être bien au centre, ne plus attendre de salut extérieur. Sombrer dans le vin, cet esprit engourdissant, me voilà prêt à conquérir le monde à sa plus basse consistance. Moi, dans les sphères supérieures, qui souhaite m'allier à la décadence, voici que je vais croître comme un arbre. Les dernières clôtures se sont enfin écroulées, je m'en vais m'abandonner au monde. Discuter d'identité avec celle qui a trente-cinq ans et qui cherche le moyen le plus rapide pour atteindre la fin de l'océan. Elle le trouvera son ravin. Parler avec cette terre, ce printemps, communiquer un quelconque espoir hypothétique et cependant suffisant. Ah que la vie est belle lorsque l'on comprend pourquoi. Et retrouver les humains, leurs idées, leurs débats, leurs guerres, il n'y a pas à hésiter, la compétition emplit un vide. Les inégalités sociales, rien de mieux comme base en société. Me complaire à brûler les échelons, redescendre, comprendre la futilité des vicissitudes, ou au contraire, m'y atterrer. Comme la misère devient poétique, aussi belle que la musique du ciel. Je peux tuer, j'en retirerai la plus grande des expériences, la souffrance la plus pure qui se puisse donner. Bien plus que de perdre trente-cinq années sur des millions à se chercher au fond d'une garde-robe. Que ces institutions sont attirantes, par leur laideur, on en a des choses à voir. M'occuper, militer pour une guerre en particulier, c'est bien choisir sa voie. Je n'aurais rien à apprendre dans un univers de beauté et de bien. Je veux emplir le vide, me battre et me débattre, échanger en un dialogue de sourds, en des monologues de fous, vingt ans, trois cents ans, deux mille ans d'histoire! Je veux comprendre tous les partis en cause, leur donner raison et tort, mourir fusil en main. Puis je veux m'isoler loin dans les montagnes, réfléchir sur ces actions, me replier sur l'humanité. Je veux perdre mon temps, voir que rien ne se perd. Je veux me réincarner en cette femme de trente-cinq ans, avoir deux enfants, un de dix l'autre de treize. Être divorcée, coucher avec celui qui passe, me reculer lorsqu'il veut entreprendre sa vie à ma place. J'ai trente-cinq ans, j'ai deux enfants, un de dix l'autre de treize. Je couche

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avec celui qui passe, je me cherche. Je n'ai plus de temps à perdre, je vais faire ce que dois, attendre la liberté qui viendra dans une dizaine d'années, alors je voyagerai dans le monde, étudierai ici, parcourrai cela, reviendrai voir ceux-là puisque je leur appartiens en partie, ainsi je me trouverai. En communication totale avec l'existence, communion avec la Terre, en oubliant son produit de fermentation et de désintégration. Je trouverai ma voie, la voix de la vérité. Je serai encore enceinte, pour comprendre que ma liberté je la possédais. Ô enfants, si je vous ai mis au monde, c'est pour vous offrir les remords de ne pas me soutenir dans ma détresse. Je vous mettrai à la porte à tour de rôle, vous comprendrez votre détresse, les joies de votre misère. Vous serez loin de la Terre, près du béton. Vous mangerez de l'animal et des racines. Vous avez mon sang et votre individualité. Ne remerciez pas le ciel, l'inconscient ne souffre pas, et vous souffrirez. Je ne vous connais plus.

VI

Un Nouvel intellect, de nouveaux corps

Je suis à l'ère du renouveau. La pureté concrète, plus près d'un monde par le désir que j'y serais matériellement. Au centre des courants idéologiques, du désir de la liberté, signe d'appartenance à un groupe qui ne se fera pas marcher dessus. Je l'aurai donc entre mes bras ce coin de pays de toujours, je serai le tout, la vie active, la réussite au sens figuré. Porte-parole de personne, abandonnant les oubliés, oubliant mon passé. Vérité et mensonge, cela n'a plus d'importance. M'ouvrir un univers, m'offrir la plénitude, la faculté de réfléchir par moi-même, la possibilité de faire des liens entre les événements, la chance de désirer le désirable et l'indésirable, et la lumière. La lumière pour voir et entendre partout à la fois. Voir l'histoire se construire sous mes yeux, prendre part à l'histoire, moi qui y ai déjà pris part. Superposer nos histoires pour n'en faire qu'une seule et grande. J'effleure la vie, à

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la frontière de la vie, je suis encore loin de l'actualité, mais bientôt l'explosion, l'éclatement de mes sens. J'ai tant à attendre de cette vie, juste pour la mener à terme, pour rassembler les matériaux nécessaires, créer les sentiments qui motivent un peuple, bien analyser ses erreurs ensuite. Car il y a bel et bien quelque chose qui change dans les corps subtils, c'est la connaissance, la vigilance, le message, l'agir, les conditions de vie, la technologie, les guerres, l'éthique, les religions. Il n'y a pas à dire, elle est pleine cette nation, pleine de signes interprétables, on s'en délecte, on en jouit, on en meurt, mais ça passe le temps, un temps si peu précieux, je vous le dis que ce sont les effets qui comptent, les résultats. Savoir où l'on va, où l'on veut aller, prendre les moyens pour s'y rendre, mais calculer qu'il sera impossible de s'y rendre, et donc, de ne pas trop insister. Se nourrir de paradoxes et de contradictions, il n'y a rien de plus vrai et de plus sain, c'est voir là l'évolution, l'émergence d'une idéologie, sans s'y enfermer peut-être, et s'ouvrir à la différence. L'homme est un être de contradictions, ne pas espérer de lui qu'il brille de cohérence, car alors il mentirait. Plutôt chercher ses motivations, ses intérêts, ils diffèrent selon les circonstances. Un sentiment apporte des choses, un autre apporte le contraire. Je suis à l'ère du renouveau, je vais détruire les plus grands courants, bâtir les plus grands courants, cracher sur celui qui me contredira. Le tuer s'il faut, il servira d'exemple. Si la démocratie ne tient qu'à une seule vie, c'est cette vie qu'il me faut prendre. Le sacrifice de moi-même, pour aider une minorité, une majorité, une humanité. L'individualité n'existe plus! Nous sommes un, cela fait peur. Ô mon peuple! Réveillez-vous! Nous allons prendre le pouvoir! Détruire les frontières, nous débarrasser au moins de la moitié de la planète! La Terre n'agit pas, il nous faut agir. Ces incompris ne se comprennent pas eux-mêmes, espèrent-ils que nous les comprendrons? Les détruire! Il faut les anéantir avant qu'il soit trop tard et qu'ils nous anéantissent! Les temps en sont là! L'heure de la vérité! C'est moi ou toi! C'est vous ou nous, ou c'est nous tous! J'en appelle

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à votre raison, aucune pitié, ils n'en ont pas. Réfléchissez! Ils en veulent à votre vie, ils vous détruiraient là sans complexe, au nom de leur mythologie, et vous chercheriez à les sensibiliser? À leur crier injustice? Essayez donc des faire pleurer, ils pleureront et vous n'ébranlerez aucune corde de leurs principes. Ils attendent le bon moment, le moment où ils n'auront pas à chercher le moyen d'agir à l'insu de tous. L'opinion de la masse compte encore, plus pour longtemps. Mes amis, le pouvoir ne se gagne pas avec la sensibilisation. Une génération, deux générations, trois générations plus tard, et les carottes se feront rares. Retour à l'intolérance, les médias n'ont plus aucun pouvoir, les lois ne sont plus que pour les exégètes. La masse, on s'en fout, il faut tirer dans le tas, en tuer tant, sans peur, qu'ils fuiront. C'est la guerre, tout est permis! Tous les sacrifices nécessaires! Et me voici prêt à renaître.

VII

La Renaissance

La naissance d'un sauveur et les conditions dans lesquelles je vais naître est tout ce qui importe. Que l'on m'annonce, ainsi on me reconnaîtra. Du premier coup d'œil, on saura. Je n'agirai pas dans l'ombre, tout sera là aux yeux de celui qui voudra voir. Où sont mes disciples? Vous serez bien rétribués, récompensés, mais cela ne sert, nous combattrons pour les mêmes idéaux, vous avez tout à attendre de ces actions. Nous traverserons la Terre, parcourrons l'espace, créerons notre propre système solaire. Je serai la lumière sur les ténèbres. Nous sommes la Terre, positif et négatif, les pôles magnétiques assurent l'équilibre. Comme c'est de l'humanité. Il faut distinguer l'ivraie, s'en débarrasser avant que l'équilibre ne soit rompu et que la Terre ne réagisse. Ne cherchez pas vainement les justifications, à la limite, tout justifie une action. Seul l'esprit de groupe compte, rien ne doit entraver notre

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idéologie. Les contradictions sont permises et encouragées, ainsi on sauve du temps. Aucune discussion nécessaire, il ne faut voir que l'objectif final. Ô mon peuple, je vais vous conduire à une période de paix si longue, que mon nom retentira dans les millénaires prochains. Ô mon peuple, nous allons construire l'histoire, s'ouvrir à l'univers, arriver au monde sans avoir pris l'air, puis l'aspirer jusqu'au plus profond de notre être. Entendre l'autorité, la dénigrer, agir dans le noir puis au grand jour. C'est à la lumière que l'on doit notre existence, agir dans le noir, c'est agir contre la volonté de Dieu. Reprenons la légende, Adam et Ève, faux symbole de pureté sexuelle, se sont jetés en dehors du paradis terrestre à leur liberté. Le rejet de toutes contraintes, et voici comment on justifie la liberté d'agir dans tous les sens! Adam et Ève comme seule entité, bisexuée, séparée en deux par Dieu. Ève le deuxième côté d'Adam, Adam le deuxième côté d'Ève. Nous les recollerons pour les mythes futurs, après la période terrestre, puisqu'à l'image de Dieu, il faut être bisexuel pour recréer l'univers. C'est la liberté qui s'accomplit! Mais pour la guerre il faut refouler un des côtés, après la guerre nous l'adulerons, le fêterons dans l'union de la chair. Reléguons donc les femmes à l'arrière-plan, tuons les hommes efféminés et travaillons à construire les générations futures. Il faut que la femme ait peur d'accoucher l'enfant prêt à mordre à la naissance, signe d'une rage essentielle au lavage collectif. La suprématie nécessaire à la révolution emprunte le chemin de l'autorité et de l'exploitation. C'est la loi du plus fort, les lois naturelles léguées par Dieu. Il n'existe aucun paradoxe ici, la paix ne se gagne qu'à la bataille, l'ivraie tue, aussi il faut la manger avant qu'elle n'étouffe le bon grain. Se défendre contre l'ennemi qui nous enlacera de misères et de mauvaise doctrine, c'est ce que souhaite Dieu. Il veut la paix, il veut son message répandu chez l'ivraie, il veut l'amour. À nous de prendre les moyens pour arriver à ces fins. Le ton est lancé, le mouvement suivra ou périra.

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LA CONSTITUTION DE LA TERRE

VIII

La Couche minérale

Libre de planer dans les hauteurs, là où il ne vaut de respirer, prendre l'air, je fais le vide. À peine si j'aperçois les infinis, mais je distingue la Terre. Me juge prétentieux et immoral, prétentieux et amoral. Je ne ferai pas long feu. Ma destinée, marquée au fer rouge, je trompe et suis trompé, pour me permettre de voir plus loin. La liberté des airs, de ne rencontrer nul obstacle, se croire tout permis. Eh bien je frappe de plein fouet, l'orage, après m'en être trop permis. Je suis la cause des troubles, j'en arrache à distinguer les choses, je multiplie les comparaisons, que la lumière est fade. Lorsque autrui vient jusqu'à moi me détruire. Mais de quels droits exigeraient-ils le respect? L'amour, la paix, la sérénité? Quelle autorité parle, lorsque le peuple se pense bien représenté; voyez la pierre, elle frappe plus fort que le tyran! Moi qui se croyais ainsi, autrui est bien pire! Autrui se cache en dessous de la pierre pour agir, à l'encontre de ce qu'il promulgue. Eh bien j'y vais dans la pierre, c'est la première étape de la révolution. Traverser la couche minérale encrassée et pourtant en mouvement. Si l'homme se construit, il se détruit tout aussi bien. Et encore, la Terre n'agit que trop sur lui. Ce temps, sa patience, ses différentes révolutions, cette force qui attire chaque chose vers le centre, qui provoque la lourdeur de l'homme, l'humeur du temps, la dépression du moment, la paix à la mort, mais aussi, l'infini savoir du bien et du mal. La voici donc cette pierre qui fait l'humanité, qui façonne sa surface à l'image du sentiment général. J'oublie les soleils, leurs interactions avec la race, le règne animal et végétal. J'en

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vois toute la vérité, qu'elle coûte chère. Elle remet tout en question, elle brouille les cartes, redessine les plans, entraîne au-delà la surface, comme si l'évidence ne crevait en rien les yeux. À supposer, on finit par avoir raison. À déduire, on délie les liens, enchaîne les faits, prépare l'avenir. Ô misère, voilà les compromis, l'involution, la peur du devenir, la descension.

IX

La Couche fluide

Ma personnalité à l'image des continents à l'image du façonnement collectif. La force qui empêche le tout d'éclater dans l'atmosphère. La matière visqueuse, forte densité, il l'a touchée. Le rayonnement alors se réfléchissait dans mes pensées, mes idéaux, mon agir. Cette envie de vivre qui se communique selon la saison, la température, mais selon plus, l'énergie de l'univers. Ma mémoire aux yeux de tous, c'est le ridicule qui tue. Cela en dit plus que n'importe lequel courant humanitaire. La franchise de quelques pensées, la douceur d'un événement, la violence de l'ensemble. Je perçois les réactions futures, l'erreur des générations, les motivations qui justifient l'injustifiable. J'aveugle pour montrer la voie. J'assourdis pour enfin entendre la musique. Vous étouffer, expérimentation de la mort, vous transpercer! soulagement absolu du corps, vous empoisonner, l'ultime purification, nager, assimilation de la vie pour ensuite l'éliminer avec force et douleur. Grâce, j'ai compris votre calvaire! Je sais le mal que je cause, je vois le mal, j'en appelle à aucune pitié, la dérision d'accepter ces conditions, selon la seule volonté de Dieu? Entrevoir sa parure, la mécanique de sa pensée, son organisation biologique. Disséquez-moi ses défauts, ils ne m'exciteront que davantage. Bien au chaud, éjaculer sur les formes, s'étendre en long et en large sur les formes, jusqu'à l'informe matière, le fluide intérieur, un futur ingénieur, une imagination, une nouvelle arme,

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une nouvelle guerre, la dernière, la seule qui vaut la peine d'être bien accomplie. Le reste, les guerres d'avant, ce n'est que pacotille. Voyez-vous la portée de ces paroles? Elles se perdent dans l'infinie fluidité, toujours prête à sauter.

X

La Couche de vapeur

Puis je forme à nouveau, dans cette vapeur, l'idée de l'amour à la révolution. Le message et mes convictions, dont plus rien n'ébranlera, moi qui s'offre à tous. Que chacun embarque et puisse adorer, aduler au juste titre. Ne pas avoir peur d'en manger, d'en mourir à la joie, d'aider les siens dans la mesure où cela aide la révolution. Puis on entraperçoit l'autre, l'ennemi du bien. C'est encore une image vague qui nous est transmise, nous ne connaissons que les bases de leurs sociétés, à peine, et qu'en ferions-nous, quand bien même nous les connaîtrions, cela ne serait que mauvaise influence. Seule l'unité fait notre force. Mais comment sont-ils? Vivent-ils mieux que nous? Sont-ils heureux? Ceci est inquiétant. Savoir qu'ils existent, sans savoir ce qu'ils font. Peut-être préparent-ils une attaque contre nous? Il me semble les voir discuter de faussetés, parler de nous sans même nous connaître, nous condamner sans même nous comprendre! Et faire de Dieu l'absurdité du siècle!? Dire que demain est incertain. Nous ne savons jamais quand ils agiront, si nous réagirons. La tendance serait à se laisser aller, la passivité devant ce que l'on juge irrécupérable. Ils nous pensent mauvais, à quoi bon leur répéter le contraire. Oublions-les ou massacrons-les, aucun espoir, aucun compromis possible, ils n'ont jamais cherché à accepter les choses telles qu'elles sont, à tolérer ce qu'ils ne peuvent atteindre. Tout ce champ d'expérience qui leur est interdit, notre Dieu qu'ils rejettent, leur obstination à crier notre tort, la guerre est inévitable, cela en a toujours été ainsi. Et dorénavant, toutes les raisons seront bonnes pour légitimer la

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révolution. Droit à vivre, la vie éternelle, l'amour. Tuer pour l'amour, n'est-ce pas là merveilleuse doctrine? Cela ne montre-t-il pas la force, la beauté de ce sentiment? Ou se suicider pour l'amour, c'est là toute la faiblesse de celui qui accepte sa condition de brimé, qui a compris qu'il n'aurait aucun moyen de leur faire entendre ses sentiments. Ils cherchent le génocide, ils n'en peuvent donner les raisons, on comprend pourquoi.

XI

La Couche d'eau

Mais je suis lancé dans la vie, je nage dans l'eau, ce dur contact avec le réel. L'eau, là où l'on commence à apercevoir les germes. N'est-ce pas avec raison que ces derniers grouillent entre l'eau et le feu? Prédestination à la mort, on commence à voir, à rêver, à comprendre, à avoir peur, alors on se mêle à la foule, on s'oublie, on se débat pour qu'enfin le feu nous anéantisse. S'il suffisait de survivre, cela serait simple, mais nous en sommes à remplir le temps autrement. On a le temps de penser à la guerre, mais il y a plus. Ce désir de vivre et cette autorité. Une autorité que l'on pourrait remettre en question n'importe quand, aussitôt qu'elle brime. Dieu n'y fait point exception. Je suis honnête, cela pourrait me perdre. L'idée de l'ordre est une construction démontable. Comme l'eau, furtive, se multiplie en milliards de particules, en une unité, devient gaz ou solide, volatile ou prisonnière, évaporée et prête à revivre. La remise en question, le trait d'union entre la vérité et la fausseté. Il faut accuser, même celui qui n'a pas la conscience de sa faute, même s'il n'y a pas faute. Oublier l'origine de la faute. L'autorité permet le droit à l'accusation, l'ensemble se donne les moyens, se construit un sens, une ligne de conduite. D'accord, et permettre à la raison de faire son pas, prendre la responsabilité de ses actes, puis quoi encore? Si on les laissait faire, l'ordre ne serait plus remontable.

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Et l'eau, sans parler de mer ou d'océan, ne pourrait jouer son rôle alimentaire et nourrir les germes. Voulez crever de faim? Ça s'en vient! Crevez de faim? Les jours meilleurs s'en viennent! Alléluia, cher Dieu, et que ta volonté se fasse! Je n'attends aucun signe, aucun ordre, je vais conduire ce peuple là où il devrait être depuis longtemps! Ton mot à dire je l'interprète au mieux de la révolution, et te voilà bien impuissant devant tant d'événements. Que cela ne se sache point, pas encore du moins, ce sera bien. La mémoire de l'humanité, je la construis à même mes réminiscences. Je transcende la vie! À ce titre, je suis en pouvoir de bâtir un système plus grandiose que l'actuel, plus beau. L'idée de grandeur a fait naufrage avec les siècles, je la réinstaure et personne n'a rien à dire, la critique n'est plus ouverte. Je tue d'un seul geste, une seule parole suffit à l'anéantissement de tout un courant. Cracher sur ce qui est venu avant, que de torts à réparer, à oublier, tout est toujours à recommencer, stupide existence, et premier bienfait, la multiplication des formalités. Que tous, chaque jour, fassent la file pour remplir des papiers, pour m'indiquer ses occupations, ses fausses motivations, je veux savoir chacune de vos pensées, mieux, je veux prévenir chacune de vos pensées, la détruire avant même qu'elle puisse naître, faire disparaître toute réminiscence, tout mythe caverneux douteux. Ainsi vous serez heureux mes fils, dans l'ignorance la plus complète, au mieux de mes motivations, et nous sauverons l'humanité.

XII

La Couche de germes

Cette couche de germes, c'est l'esprit humain. Malheur! M'achever, manger un peu plus chaque minute de mon existence, mon énergie si précieuse, la paix! La paix par la destruction, seule voie vers l'accalmie. M'exiger, m'exiger, m'exiger, et moi!? Moi aussi je veux demander, recevoir, assez! Courir dans tous les sens, se

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frapper partout sur les murs, ne plus réfléchir, embarquer sur le dos des autres à la manière de cellules qui ne savent pas trop où elles vont, n'en verrez-vous point la finalité finalement? Ne vous arrêterez-vous pas, juste vous arrêter un instant, le pouvez-vous, seul? Encore autrui, encore ces autres, ces interactions qui une fois enclenchées ne se désenclenchent plus. Briser tous les liens, tous les envoyer voir ailleurs, hors de ma vue, hors de ma vie! Je n'ai aucun besoin à subir vos désirs, votre colère, vos histoires! Je n'ai aucune envie de vivre votre vie à votre place, entendre vos problèmes et les faire miens! L'altruisme n'a jamais rien donné de bon, l'altruisme n'a jamais existé, n'existera jamais! L'hypocrisie c'est là mon seul vrai sentiment, du matin jusqu'au soir, et je ne suis pas suffisamment innocent pour croire que ce n'est point la même chose chez mes voisins. Je ne reproche rien, c'est là un fait, mais un jour, il faut s'y attendre, cela devra se terminer. Peut-on éternellement cacher sa haine? Je n'en puis plus, ça va exploser, et ce sera pire, pour la seule raison que l'accumulation fera office de ressort. On n'a jamais osé en parler, on a voulu fermer les yeux, on a oublié les compromis, pas laissé vivre, l'échec est maintenant inévitable. Enfermez-vous dans vos maisons et cela ne changera plus rien, on ira vous chercher, on vous brûlera avec la maison, alors vous apprécierez le souvenir de votre jardin, des carottes qui jadis y auraient poussé. Encore les fruits de la terre et jamais de la lumière. Je n'aborde pas le synthétique, le trafiqué, il n'y a plus de nature, il n'y a plus de jugement, il n'y a plus de Dieu. La remise en question absolue, au-delà du questionnement collectif, l'anarchie. Plus droit à penser, plus le temps de parler, trop tard, il fallait agir avant. L'imminence de la crise, l'immanence de la crise, vos bénins problèmes sont maintenant votre joie, la nostalgie d'un calvaire que vous souhaiteriez revivre. Grâce, c'est là le coup de pied qu'il m'aurait fallu. En ça, aucun doute, la conscience des événements nous échappe toujours, nous échappera encore. Voyez, sans cesse on laisse la place à la souffrance. Sans cesse l'homme est dû pour souffrir. Il n'apprend donc que par la souffrance?

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Eh bien, il va souffrir!

XIII

La Couche de feu

Je sympathise, à l'antipathie. Cela n'a point de portée. Les canons sont prêts, FEU! Shhh! Une moitié de brûlée. Shhhh! Un de mort. Shhhhh! Des dizaines! Des centaines! Et ce n'est que l'avant-goût, personne ne s'effraie de si peu de morts. Tant qu'ils n'y sont point juste à côté, et encore. Shhhhhh! Des milliers! Shhhhhhh! Et ça ne fait encore rien à l'humanité et quel soulagement pour la Terre, quel plaisir que cette douleur. Déjà les corps en décomposition nourrissent les racines qui bientôt deviendront arbres, à cette pensée elle respire déjà mieux. Shhhhhhhh! Des millions! Quelle portée que le feu. Et les gens se scandalisent enfin, ils ferment tout de même l'œil la nuit. Le fils y a passé au loin, ils l'ont déjà oublié. Ah oui, celui là est mort à la guerre en telle année, terrible mais c'est là le destin. Shhhhhhhhh! Shhhhhhhh! Shhhhhhhh! Là on parle de milliards, ils n'ignorent plus l'état de guerre. La maison est en feu, bienvenue dans le vrai monde. Le vrai monde? Juste équilibre de l'état moral des sociétés. Un barbarisme nouvellement né, bien dissimulé en arrière de valeurs traditionnelles inventées pour le bien de certains, ça nécessite un juste rétablissement pour l'histoire. La justification du barbarisme, par le feu, sans honte! Enfermez-vous en la terre, dans les mines, piochez le charbon, cela aussi soulage la Terre. Creusez encore, vous atteindrez, à votre désarroi je suppose, le monde de l'esprit divin. Où rien ne se cache, tout se sait puisque ouvert à la vision de celui qui s'y investit. Concrètement, on constate où Dieu a jeté ses préférences. Les privilégiés! Ô injustice, l'ennemi aurait-il l'appui de l'autorité? Ne mérite-t-il pas, dès lors, davantage la disparition? Ne vous croyez pas trop près de Dieu, s'il a jeté son dévolu sur vous, vous en mourrez de façon plus

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violente. La neutralité, je n'y crois guère. L'indifférence, c'est déjà un choix qui peut faire mal. La connaissance de votre existence ne vous transmet pas la connaissance de votre essence, la Terre se débrouillera donc pour corriger les égarements de l'humanité.

XIV

La Couche réflectrice

Un vrai voyage initiatique en plein cœur de la Terre. Passé la couche de feu, où les volcans crachent la purification, voici venue l'étape des forces éthiques en interactions. On y réfléchit l'état moral de l'humanité, Sodome et Gomorrhe, rétribution que méritent les actes collectifs: inondations, séismes, écoulements de lave. Comme si la formation bienséante de dépôts de pétrole ou de charbon importait. Comme si on attendait après le pétrole pour vivre! Où s'arrêtera donc la sottise? Cette bêtise ne mérite-t-elle pas à elle seule une juste rétribution des malheurs? Un petit ébranlement pour ramener les gens en surface? Si cette passivité donnait des résultats, mais non! la passivité de la masse est activée par deux ou trois éléments, un même, et vendu par-dessus le marché! Je parle en contexte démocratique, il s'agit bien d'un seul élément qui mérite tout aussi bien d'être rendu au silence puisque loin des besoins de la masse. Et quels sont vraiment les intérêts de cette masse? Qu'est-ce qu'elle gagne à régir la vie de chacune de ses composantes? La mémoire de l'humanité est plus sage, plus complète, moins portée vers la seule opinion, celle qui coûte la vie de plusieurs. Mais la collectivité est aveugle, elle croit voir la mémoire universelle, mais seules quelques bribes lui parviennent. Ainsi elle suit le chemin des collectivités passées, puisque incapable de distinguer la logique des événements et la sagesse qui a pu s'en dégager. Mais ce n'est pas moi qui reprocherai cet état de fait. La légende limite l'évolution, cela

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est voulu de Dieu. Les lois de la nature y sont pour quelque chose, et l'homme n'en est qu'à ses balbutiements. Il ne vivra que l'ère du charbon et du pétrole, les autres formes d'énergie, c'est pour la prochaine humanité. En communication directe avec les autres systèmes solaires, avec le vrai et l'unique créateur des créatures. L'intelligence de ce système de forces, à travers les infinis, est d'une complexité absolue pour l'homme, mais il ne devrait pas s'en effrayer, y prendre part plutôt puisqu'il en est. Sa puissance s'en décuplerait, il créerait à son tour, au faîte de son actualisation. Mais pas pour cette génération qui s'accuse elle-même de faillite, qui se replie dans les cavernes, qui ne pense qu'à atteindre une planète, physiquement, alors qu'elle a tout à perdre dans ces inutiles voyages. Le vrai univers, c'est en soi qu'on le trouve. La connaissance, on y touche chaque jour. Ce sont les moyens qui font défaut, et la collectivité ne le comprendra pas de cette vie. Il faut donc éliminer l'humanité entière, elle renaîtra de ses cendres, au mieux de sa forme.

XV

La Couche atomique

Alors on comprime les particules, on les comprime si fortement, que la densité de cet espace effraie. Alors on bombarde les particules, la réaction s'opère. Les atomes se multiplient, se multiplient, se multiplient... la collectivité est touchée en plein cœur, le nuage se forme sur la tête de ses composantes, on assiste à la fin de cette humanité. C'est là la volonté de Dieu. Je ne m'oublie nullement, je serai le seul survivant, accompagné de quelques initiés qui ont su voir en la mémoire de la nature, la vraie finalité. Je descendrai encore, si vous êtes encore là pour m'entendre, et que cela est relatif, ces paroles, que vous donnent-elles de plus, vous mortels, moi immortel et les initiés, votre histoire s'arrête ici, allez vous étendre là-bas, je continue la descente, je vais connaître enfin les secrets de la Terre, sa

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puissance, ses faiblesses, ses forces, ses énergies, son intellect. Entendez-vous les cloches qui annoncent la messe des morts? Si vous les entendez, c'est dans mon imagination, car vous n'existez plus que par ma volonté, je ne puis donc plus parler d'humanité. Je me trouve maintenant seul avec une mission à accomplir, une nouvelle race à créer, une nouvelle morale à construire dont le détour sera impossible. Je déteste l'échec, ce sera là ma réussite, la finalité. Le parallèle n'est point acceptable, mes moyens seront plus grands, j'ai l'expérience de l'activité passée. Et tout commence par l'amour? Pourquoi pas, s'il faut pousser l'idiome jusqu'au bout de ses possibilités. Et redonner au Verbe sa vraie signification, son essence. La loi de vérité, parole de Dieu, que je me ferai un devoir de transmettre, protéger de l'altération. Le Verbe que l'on aurait dû entendre, l'échec de l'ancienne humanité. Elle en était consciente, ses individus ignorants. Peu importe maintenant, puisque seul le monde de Dieu importe, la prochaine humanité.

XVI

L'Expression matérielle de l'esprit de la Terre

La fraternité universelle, un échec prévu, ouvre enfin la voie pour accéder à une nouvelle étape vers le monde du divin. N'avaient-ils jamais compris la vraie signification de leurs mythes? Y comprendre sa propre destruction, ne vaut pas que l'on s'arrête chez la mère de famille lui annoncer que sa peine est bien relative. Bien des prophètes ont heureusement passé pour fous ou illuminés. Désormais il n'y a plus de formes. Calquée à même l'esprit de la Terre, la mission est grande. Les organes sexuels de la race humaine, en parallèle avec ceux de la Terre, sont déjà un bon point à approfondir. Faire comme si l'humanité avait perdu sa sexualité? N'en avait jamais eu? Alors que la force vitale la plus nécessaire réside en l'énergie sexuelle. L'homme aurait-il reçu son âme pour ensuite l'oublier? Je vais remettre

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la sexualité de l'homme à l'honneur, qu'il soit fier et prêt à agir, à la transmuer en concret. Il redécouvrira les vertus de son âme, en communication avec celle des autres. Plus aucun malentendu, mensonge ou remord, tout se saura, il n'y aura plus place à la honte. L'homme s'acceptera tel qu'il est vraiment, prendra pour siennes ses actions, se construira une conviction qu'il remettra sans cesse en question. L'homme s'ouvrira donc aux compromis. La forme, l'homme ne sera plus homme, il sera un tout uni, l'absolue existence, conscience dans l'univers, il n'y aura plus de distinctions à faire, il y aura le bien, chose si simple à établir, il suffit d'élargir les conventions. Tout ce qui est mal aujourd'hui sera bien demain. N'importe laquelle action qui est mal est bien. Sans égoïsme, tout réside donc en l'Ego. Voyez maintenant les possibilités qui s'ouvrent à l'humanité. Le pouvoir de se construire de meilleures formes, un corps plus performant, de se nourrir de choses qui valent ce que le soleil peut produire. La fin des minorités qui ont tant crié, la différence n'existe plus. À cent pour cent la même chose, la multiplicité du même, sans aucun moyen de déroger à la pensée universelle; si l'on va vers l'évolution, on y va ensemble et plus rapidement. Voilà pourquoi l'aliénation de l'individu est si nécessaire. C'est pourquoi la vie d'un seul homme qui déroge ou qui est malade ou mal formé ne vaut pas la peine d'être sauvée; que pour un milliard d'humains que l'on extermine, cent millions de naissances telles que désirées, est la voie vers l'éternité. Il n'y a plus de besoin pour les pions incapables de voir le chemin à parcourir, qui se perdent dans les définitions et essaient d'interpréter la vie au mieux de leur Dieu hypothétique auquel ils n'en savent pas davantage que les rouages de l'épicerie du coin qui s'enrichit à leurs dépens. Fini celui qui voit Dieu comme la leçon de la petite enfance le lui a enseigné! Qu'il comprenne au moins que Dieu ne se limite pas à cela! Qu'il devait s'y consacrer davantage en vieillissant, qu'il lui fallait faire les liens nécessaires pour ne pas mourir misérable, à se débattre dans l'ascétisme et l'ignorance, à essayer de comprendre pourquoi l'humain doit mourir, pourquoi sa

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famille disparaît avant lui! Se peut-il que l'humanité se soit arrêtée dans la compréhension de son Dieu à se demander pourquoi l'humanité devait mourir? Se peut-il que l'humanité se soit fait un devoir d'économiser son énergie sexuelle sans savoir qu'elle devait l'utiliser dans un but précis autre que la guerre? Terminée l'époque où l'homme se contente dans le matériel, vénération du corps, l'oubli de sa vraie dimension. L'humanité ne se développera plus dans l'inconscience, elle avancera enfin. La peur des infinis, c'est risible pour l'illuminé. Offrir un pari sur l'existence du créateur est encore plus ridicule. L'homme retrouvera son sang chaud et rouge, son individualité, mais pas avant la transsubstantiation, d'où la renaissance de l'humanité. Je serai l'esprit de race qui la guidera tant qu'elle ne pourra elle-même former son propre gouvernement stable, tel un esprit-groupe qui exerce son protectorat sur une classe animale particulière. Mais que l'ancienne humanité ne s'inquiète point. Malgré son échec, elle m'aidera pour la nouvelle race. Elle pourra donc modeler la matière du désir de la nouvelle génération selon ses propres fantasmes. Ah, l'on s'amusera avec la prochaine génération!

XVII

Le Noyau — Cerveau, sexe et cœur de la Terre

La Terre est cet esprit émancipé, dégagé de l'influence de l'esprit de race ou d'entités du même ordre. Ce n'est pas par l'intermédiaire du sang qu'elle travaille, mais au moyen de l'air, de l'éther elle exerce sa domination. Le patriotisme, un nuage construit au-dessus d'une région, diverses façons d'étudier les humains. Trouver d'autres moyens. Que les anges s'ingénient à la diversité, à l'évolution des époques. Modifions les climats pour voir la capacité d'adaptation, les coutumes et pensées changer. Provoquer la division au sein d'une même nation, destruction du

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patriotisme. La multiplication des agitateurs, prêts à tuer les siens et accuser les autres. Cela pour qu'éventuellement, en l'esprit de la Terre, l'homme se reconnaisse, qu'il s'identifie non pas à une partie de l'humanité, mais qu'il voit le lien qui l'unit au monde entier. Ainsi il faut multiplier les métissages, les mariages interculturels, le mélange du sang, véhicule de l'Ego. S'ouvrir à tout nouveau langage, même s'il s'agit de perdre le sien. S'ouvrir à la multiplicité, s'ouvrir à l'immensité de l'intelligence de la planète, de l'univers. Revoilà le message, l'altruisme qui donnera une vision supérieure. Une faculté qui servira la loi d'amour, la vie de fraternité. Ainsi l'émancipation de l'esprit de la Terre sera atteinte et la seule et unique grande religion ressortira de l'ensemble. Mais il faut aller plus loin. L'immortalité de l'homme, c'est le perfectionnement de ses corps, il faut donc mourir et renaître. La connaissance, si elle devait apporter la maladie, la mort, les douleurs de l'enfantement et la conscience de la perte du corps à la mort, apporte tout de même le droit d'accomplir l'acte de génération, et ainsi le remplacement des corps détruits. L'amour de l'humanité apportera au cerveau, guidé par celui de la Terre, le pouvoir spirituel sur la vie et un moyen non artificiel d'acquérir des connaissances. L'homme sera alors un véritable créateur, capable de se construire un nouveau corps, où les organes sexuels seront atrophiés pour l'évolution de la race vers les mondes supérieurs, monde de l'absolu. Il est temps que l'homme entre en compétition avec Dieu.

LA TRANSSUBSTANTIATION

XVIII

De l'Être à la Terre

L'involution se termine, l'évolution consciente élèvera l'esprit hors de la

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matière et spiritualisera les corps en âme. Je m'élève donc au-dessus de l'idée de race et atteins la perfection. Cette période de désordre, l'humanité détruite, est temporaire, mais nécessaire en vue du travail à accomplir. Par la guerre nous avons travaillé, grâce à notre faculté d'imagination et à la joie de la Terre, les minéraux: des cuirassés, des avions, des sous-marins, des tanks, des canons, des fusils, des bombes. Il s'agit de la nouvelle vague de vie qui entre en évolution. Il faut guider les minéraux vers la phase humaine, l'alchimie et le développement de leur âme. Cette pratique, nullement futile, est l'exercice avant de passer aux choses sérieuses. Ils travaillent la nature, en cela je les surpasse. Je suis partie intégrante de la Terre, je suis l'esprit de la Terre, j'oriente l'ancienne humanité vers l'évolution de ses idées et de ses pensées, destinées à devenir aussi réelles, claires et tangibles que n'importe lequel objet du monde extérieur anciennement perçu par l'intermédiaire des sens physiques. Les images d'anciens rêves apparaissent, soumises au pouvoir de l'évocation du penseur, ne sont plus de simples reproductions d'objets extérieurs; les idées et les pensées sont vivantes et visibles, exprimées de l'intérieur même. Mais voir aussi bien l'essence et le matériel des choses. Le pouvoir de concevoir nettement les couleurs, les objets et les sons me permet le contact avec des entités diverses, de les influencer, qu'elles obéissent à ma volonté puisque la force nécessaire à l'élaboration de mes desseins manque. Construire mon véhicule intérieur, développer mes corps, mon intellect. Je commence à me concentrer sur une plante qui deviendra chêne, dont l'expression n'est ni figée ni morte. Il me faut voir ce qu'est la forme, une graine arrachée d'un arbre par le vent, transportée, enfouie dans la terre, arrosée par la pluie et la voilà qui se développe, éclate, étend ses racines qui s'enfoncent dans le sol, la tige s'étire vers la lumière, les branches grandissent, les bourgeons naissent, les feuilles apparaissent, la plante deviendra arbre qui pourra servir à construire. Je guide son évolution, je l'imagine et lui donne vie. Selon ma volonté, le règne minéral vit et croît comme une plante.

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Mon corps vital a enfin atteint sa perfection en mon âme consciente, un effort de l'imagination pour obtenir la connaissance.

XIX

De l'infiniment grand à l'infiniment petit

Tout s'illumine devant mes yeux, je ressens l'essence des choses, la Terre disparaît, la multitude d'astres déverse en moi ce que la vie du créateur vient enfin chercher dans l'émotion de mon âme. Je peux enfin utiliser ma propre énergie pour donner de la vitalité aux images créées, je les extériorise comme des objets dans l'espace, j'ai enfin la conscience créatrice, capable d'objectivation. Le sentiment, ma plante devient animal vivant doué de sentiment. La logique, le meilleur instructeur de ce monde, guide vers un degré encore plus élevé, plus profond et subtil de développement mental qui traite de l'âme des choses. Les mécanismes disparaissent, je vois la vie au travail, je comprends ce qu'est la vie, universelle qui circule dans toutes les formes. Je saisis l'ensemble, je saisis le sens.

XX

De la Terre au Soleil

Dernière révolution autour du Soleil, les minéraux sont devenus humains, ils ont enfin atteint l'individualité. Je suis le Soleil, constituante du noyau de la Terre, je vois l'ouvrage du créateur, j'ai moi aussi su donner le germe de l'intellect aux animaux en une humanité déjà plus élevée que l'ancienne. Pas de reproduction exacte des conditions du passé, j'ai vu l'expérience et l'action de Dieu, il y avait place à amélioration. Pour l'élévation de la race, je suis uni à la source universelle. Les mondes s'ouvrent à mes yeux, je coordonne les expériences du passé avec les présentes. À la limite du devenir, à travers mon pèlerinage dans la matière, de

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l'impuissance à l'omnipotence, de l'ignorance à l'omniscience, je crée maintenant la vie. J'appelle à l'existence, au moyen de l'imagination, des créatures qui vivent, croissent, sont douées de sentiments et pensent.

XXI

La Révolution

La seule imagination, devenue faculté spiritualisée qui dirige l'œuvre créatrice à l'aide d'images mentales parfaites, l'intellect, transmet une image claire et fidèle de ce que mon esprit imagine; c'est l'activité. En une vague immense de lumière qui inonde l'infini, le mouvement ouvre le sentier à de nouvelles humanités. Imagine l'univers entier, conception des mondes, de millions de systèmes solaires, les entités nécessaires à l'évolution. Le pouvoir, la multiplicité des courants idéologiques en préparation, la volonté. Je travaille la substance primordiale, je la tire de son état d'inertie en commençant à faire tourner sur leurs axes, les innombrables atomes jusqu'ici non différenciés. Je varie l'inclinaison de ces axes les uns par rapport aux autres en donnant à chaque groupe d'atomes un certain taux de vibration. Diversité d'angles, diversité de combinaisons, le Verbe en ordonnera les conditions qui les rendront différentes l'une de l'autre. Courant idéologique unificateur, esprit solaire, sauveur spirituel et matériel, la sagesse en mouvement, le Verbe créateur se manifeste dans la matière comme force d'attraction, de cohésion. La forme particulière et le volume des vibrations, déterminés par l'intellect, annoncent les formes variées. C'est le façonnement de la matière absolue, comme la formation de figures par les vibrations musicales. Ordonne l'existence des différents mondes dans la matière la plus subtile qui soit, avec toutes les myriades de formes qui seront ensuite copiées et reproduites en détail sur chaque planète ou étoile de chaque système. Que la connaissance jaillisse du néant, emplisse le néant, que la lumière

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se fasse et que sur l'Univers, l'humanité naisse!

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TABLE DES MATIÈRES

LA RÉVOLUTION PRÉFACE ... 2

LA RÉUSSITE

I La Descente aux enfers ... 6

II Plus bas encore ... 7

III En attente de découverte ... 7

IV Des Rêveries inédites ... 8

V La Culpabilité généralisée ... 9

VI L'Idéal d'autrui ... 10

VII Le Geste irréparable ... 10

VIII La Liberté retrouvée ... 11

IX L'Indécence en personne ... 12

X Une Lamentation universelle ... 13

XI La Vie active ... 14

XII La Folie intrinsèque ... 15

XIII L'Assimilation de l'Univers ... 16

XIV La vraie réussite ... 17

XV Une vague transition ... 18

XVI De solides piliers ... 19

XVII Les Bas-fonds ... 20

XVIII La non-abstraction de l'espace / temps ... 20

XIX Cette capacité d'invention ... 21

XX La Lucidité par l'alcool ... 22

XXI Le Silence anarchique ... 23

XXII La Destruction de la planète ... 24

XXIII L'Insomnie de l'aveugle ... 24

XXIV Le Sacrifice de la vierge ... 25

XXV Le faux summum ... 26

XXVI L'Équilibre irrationnel ... 26

XXVII L'Insécurité idéologique ... 27

XXVIII Le Rythme de l'âme ... 28

XXIX La Démythification du mythe ... 28

XXX La Crise inconséquente ... 30

XXXI La Bassesse de la sémiologie ... 31

XXXII Le Jugement dernier ... 31

XXXIII Le Recyclage idéel ... 32

XXXIV Les Arguments implicites ... 32

XXXV La Fierté nationale ... 33

XXXVI L'Appel à une autorité ... 34

XXXVII La Connaissance dénaturée ... 35

XXXVIII L'ultime déchéance ... 36

XXXIX Le Savoir global ... 36

XL Le Processus de réduction ... 37

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XLI La Philosophie de vie ... 38

XLII L'Amour sempiternel ... 38

XLIII Les Problèmes sociaux ... 39

XLIV L'Ambition démesurée ... 40

XLV La Naissance de l'humanité ... 40

XLVI Le But de l'existence ... 41

XLVII La Complexité des systèmes ... 42

XLVIII L'Impuissance dégénérative ... 42

XLIX L'Appel de l'aventure ... 43

L La Rupture ... 44

LA FINALITÉ

I La Finalité ... 45

II L'Expérience ... 47

III La Sagesse ... 49

IV Le Discernement ... 51

V La Justice ... 54

VI Les Valeurs ... 55

VII La Conscience ... 56

VIII Les Interprétations ... 59

IX Les Nécessités ... 60

X Le Jugement ... 61

XI La Progression ... 64

XII Les Résultats ... 65

XIII L'Expérience ... 67

XIV Les Obstacles ... 68

XV Les Compensations ... 70

XVI La Stagnation ... 72

XVII L'Aliénation ... 73

XVIII La Rupture ... 74

LA RÉVOLUTION

LE CYCLE DE L'EXISTENCE

I L'Éther ... 75

II Premier ciel, Le Purgatoire ... 77

III Deuxième ciel ... 79

IV Troisième ciel ... 81

V Le Désir de retour ... 82

VI Nouvel intellect et nouveaux corps ... 84

VII La Renaissance ... 86

LA CONSTITUTION DE LA TERRE

VIII La Couche minérale ... 88

IX La Couche fluide ... 89

X La Couche de vapeur ... 90

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XI La Couche d'eau ... 91

XII La Couche de germes ... 92

XIII La Couche de feu ... 94

XIV La Couche réflectrice ... 95

XV La Couche atomique ... 96

XVI L'Expression matérielle de l'esprit de la Terre ... 97

XVII Le Noyau - Cerveau, sexe et cœur de la Terre ... 99

LA TRANSSUBSTANTIATION

XVIII De l'Être à la Terre ... 100

XIX De l'infiniment grand à l'infiniment petit ... 102

XX De la Terre au Soleil ... 102

XXI La Révolution ... 103

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