Fabriqué au Québec

 

La Renaissance de la Nouvelle-France

 

Roland Michel Tremblay

 

 

 

Roman

 

 

44E The Grove, Isleworth, Middx, Londres, TW7 4JF, Royaume-Uni

Tél.: +44 (0)20 8847 5586, Cellulaire: +44 (0)794 127 1010

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Fabriqué au Québec

 

La Renaissance de la Nouvelle-France

 

 

 

 

Dédicace

 

 

       Je dédicace ce livre à tous les Québécois souverainistes qui n’ont jamais encore vu leur rêve devenir une réalité.

 

 

 

 

Résumé de Fabriqué au Québec en 100 mots

 

 

          Fabriqué au Québec est un roman qui commence dans le futur, un futur où après une guerre civile Américaine, l’Amérique du Nord a subi des divisions significatives d’un point de vue géographique. Le Québec indépendant se tient maintenant seul devant un flot anglophone préparant la Troisième guerre mondiale. Le Québec doit aujourd'hui se défendre contre les nations américaines. Une attaque sur la base militaire de Bagotville envoie toute la région du Saguenay-Lac-St-Jean dans le passé. Un passé d’avant la guerre de la Conquête et la guerre de Sept Ans, leur laissant la chance de décider le futur de la Nouvelle-France.

 

 


Fabriqué au Québec

 

 

 

 

La Renaissance de la Nouvelle-France

 

 

 

 

Roland Michel Tremblay

 

 

 

 

Les Neufs Nations Américaines en 2039 après la guerre civile américaine de 2029 et la destruction de la plupart des villes américaines par la Russie. Le Québec est une nation en elle-même. Omaha au Nebraska, situé dans la nouvelle nation Breadbasket/Panier de Pain (capitale Kansas City), est la capitale américaine non reconnue des Neufs Nations. Le Canada n’existe plus. (Source : Wikipédia, d’après le livre Les Neufs Nations de l’Amérique du Nord de Joël Garreau. Pour plus d’informations.)


Carte de la Nouvelle-France vers 1750. Source Wikipédia

 

 

 

 

Carte des territoires combinés ayant été au moins une fois dans la Nouvelle-France de 1504 à 1803.

Source Wikipédia

 

 

 

 

Prologue

 Palais des sports, comté électoral de Jonquière, Saguenay-Lac-St-Jean, Province de Québec, 24 juin 2029

 

« Je vous présente la nouvelle Première ministre du Québec, Virginie Tremblay ! », annonce une jeune femme au microphone devant une foule en délire. « Son nouveau mandat est maintenant d’accomplir la souveraineté du Québec ! »

          Virginie s’avance seule vers le podium, la foule n’en termine plus d’applaudir et de crier : « Virginie ! Virginie ! »

          « Vive le Québec Libre ! », lance Virginie à la foule qui ne se comprend plus et qui commence à répéter : « Vive le Québec Libre ! Vive le Québec Libre ! ».

          Et puis soudainement le coup de feu, Virginie reçoit une balle en plein cœur, et lentement, très lentement, elle s’écrase sur le sol. Avec elle s’éteint le grand rêve québécois de la souveraineté nationale.

 

1

 

Deux heures auparavant, restaurant les Quatre Cents Coups, Jonquière

 

          La fièvre des élections nationales québécoises vient d’atteindre son paroxysme, la destinée de Virginie Tremblay va bientôt être connue. Deviendra-t-elle Première ministre du Québec, et le référendum sur la souveraineté québécoise sera-t-il enfin décidé ?

          Au restaurant les Quatre Cents Coups de Jonquière, au coin des deux rues principales de la ville, des écrans géants rapportent déjà des résultats significatifs et positifs pour l’équipe du Parti Québécois et sa future Première ministre. Sa première responsabilité sera la transition d’un Canada uni vers la souveraineté québécoise, la dissolution absolue du Canada. Les gens votent aussi pour le référendum en même temps que les élections nationales. Si elle gagne, c’est la fin du Canada.

          Autour d’une table est rassemblée la famille de Virginie. Juste à côté se présente un buffet à salade et un grillage pour faire cuire les petits pains. Le jeune fils de Virginie pleure et elle tente de le consoler.

          « Stéphane, t’as 8 ans là, arrête de pleurer, le restaurant est bourré de journalistes et de caméras. Tu vas te regarder à la télévision des années plus tard, honteux d’avoir pleuré toute la soirée sans raison aucune, une soirée tellement importante. Est-ce que t’es fatigué ? Tu veux-tu que grand-maman te ramène à maison avec Stéphanie ? »

          « Non ! », crie Stéphane, en pleurant de plus belle. « J’veux pas aller m’coucher ! »

          « Laisse-moi faire Virginie », annonce Nicole Girard, la mère de Virginie.   « Occupe-toi de tes p’tits pains qui sont en train de brûler sur le grillage. Ça fait une demi-heure que le Premier ministre essaye de te parler », continue Nicole en faisant un signe de la tête de l’autre côté du buffet.

          « Ah oui ? Ah oui… », comprend finalement Virginie, en le regardant et se souvenant de ses petits pains en train de brûler. « Euh, monsieur le Premier ministre… »

          « On peut se tutoyer, ce soir je serai plus premier ministre. Alors, tu as confiance, es-tu donc certaine de gagner tes élections ? », annonce-t-il en se penchant pour regarder d’autres résultats sur l’écran géant. « Tu pourrais perdre, il semble que le peuple n’est pas encore prêt pour la séparation du Québec d’avec le Canada. »

          « La souveraineté », corrige Virginie.

          « C’était un grand risque de jumeler les élections avec un référendum », constate le Premier ministre.

          « Pas du tout », Virginie continue. « J’aime autant savoir immédiatement ce que va être mon mandat. Et d’ailleurs, qu’est-ce que tu fais ici, tu es l’ennemi, devrais-tu pas être à Québec avec les Libéraux, à supporter ton parti ? »

          « Pourquoi faire ? », déclare-t-il. « Que tu gagnes ou que tu perdes, je peux certainement m’adresser au peuple de n’importe où au Québec. D’ici même en fait, au restaurant Les Quatre Cents Coups de Jonquière. Si on gagne, ce soir la lumière va être sur mon successeur du Parti Libéral, pas l’ex-premier ministre. »

          « Si je gagne, je t’emporte dans ma Renault 5 au Palais des sports de Jonquière pour que tu puisses immédiatement me transférer tous les pouvoirs. Si je perds, le portier du restaurant va te jeter dehors. Jonquière c’est ma ville, j’ai pas besoin d’être première ministre pour me faire obéir. »

          « Une Renault 5, mais c’est une antiquité en 2029, ça doit valoir une fortune ! », s’exclame-t-il.

          « Je l’ai achetée pour 50 dollars voilà 30 ans, elle fonctionne encore très bien. Tellement économique, maintenant qu’elle est convertie pour fonctionner à l’eau. J’en ai six autres dans ma cour pour les pièces de rechange. »

          « Je l’ai vue dans tes publicitaires à TV. Tu penses gagner le peuple en leur montrant que tu peux vivre simplement, en voyageant en Renault 5 plutôt qu’en limousine. Eh bien soit, j’accepte ton invitation, si tu gagnes on va tous les deux au Palais des sports dans ton auto pour faire nos discours d’après les élections », termine-t-il avant d’aller rejoindre sa famille à une autre table, pendant que Virginie retourne s’asseoir avec sa famille, non pas après avoir jeté ses petits pains dans la poubelle.

          « Qu’est-ce qui voulait lui ? », demande Sylvain, le copain de Virginie, alors qu’elle prend sa place à côté de ses parents.

          « Aucune idée, mais ça m’inquiète pas », déclare Virginie. « Qu’est-ce qu’il peut encore faire, les gens ont déjà voté, on en arrive à la fin du comptage des votes. »

          « À moins qu’il soit en train de comploter ton assassinat ? », blague Roland, le père de Virginie, avec son air sarcastique habituel.

          Alors Stéphane se met à pleurer de plus belle, et son arrière-grand-père assis au bout de la table vient le prendre dans ses bras pour le consoler.

          « Stéphane, ta mère va gagner ses élections, tu vas être riche ! », lui annonce Benoît Girard, le grand-père de Virginie.

          « Une Première ministre ça gagne rien », répond Roland. « C’est encore moi qui va devoir lui acheter une nouvelle auto, avec ma mini-pension. »

          « Pas une Renault 5 j’espère », continue Nicole.

          « L’empereur de Chine lui-même va venir au Québec pour discuter avec Virginie, pis y va emporter avec lui les plus beaux jouets de toute la Chine, juste pour Stéphanie et Stéphane, les jumeaux de la Première ministre », Benoît affirme, en regardant Stéphanie assise sur la chaise à côté.

          « Y’as-tu encore un empereur en Chine ? », demande Virginie.

          « Tu devrais peut-être apprendre la situation politique dans le monde, si tu sais pas ça », lance Nicole. « Tu vas passer pour une ignorante. »

          « J’en veux pas des bébelles d’la Chine », rechigne Stéphane.

          « Dans c’cas là il va falloir vendre toutes tes bébelles Stéphane », répond Roland. « Tous tes jouets ont été fabriqués en Chine par des enfants encore plus jeunes que toi, le fruit de l’exploitation nord américaine. Eux-autres ont jamais le temps de jouer. »

          Stéphane regarde son grand-père Roland et se met à pleurer de plus belle, en serrant son arrière-grand-père dans ses bras.

          « T’es donc insensible, dire des choses de même à un enfant », répond Nicole.

          « C’est l’temps qu’il se réveille aux réalités du monde », offre Roland comme excuse.

          « Taisez-vous, les résultats vont être annoncés d’une minute à l’autre », hurle Sylvain, alors que tous se retournent vers les écrans et qu’une serveuse lève le son avec une télécommande.

          « Cinq, quatre, trois, deux, un ! », crie l’assemblée du restaurant les Quatre Cents Coups, alors qu’enfin les résultats sont annoncés via Radio-Canada :

          « Aujourd’hui Virginie Tremblay vient de devenir la première femme Première ministre du Québec avec 75% des votes », annonce l’animatrice de Radio-Canada. « Une Ingénieure mécanique, qui a longtemps habitée à Jonquière avant et après ses études à l’Université d’Ottawa, Virginie a maintenant une grande tâche devant elle en tant que Première ministre. Vous vous souviendrez que c’est avec son copain Sylvain Tremblay, tous deux des Tremblay bien qu’ils ne soient pas mariés, que Virginie a su développer et renouveler la physique théorique en développant entre autres une technologie qui permet de rétrécir et d’agrandir la matière. La théorie de l’expansion subatomique a également permis le développement d’armes écologiques de rétrécissement de la matière. Le couple, avec un certain Mark McCutcheon, ont en effet découvert un moyen d’expliquer et d’unir les quatre forces fondamentales de la nature. Aussitôt qu’ils ont compris que l’électron était la seule particule élémentaire dans l’univers, et qu’il grossissait sans cesse à un certain rythme à l’intérieur de l’atome, expliquant sa nature subatomique, et à l’extrémité de l’atome, expliquant la gravité et les liens atomiques, et à un autre rythme à l’extérieur de l’atome, expliquant la charge électrique et l’énergie électromagnétique, ils ont ainsi découvert la Théorie du tout et se sont garantis un prix Nobel en physique et une renommée mondiale.

          « Les résultats sur le référendum viennent de rentrer, dans un moment nous saurons si Virginie Tremblay fera du Québec un pays indépendant, ou continuera en un Canada uni. Voici les résultats : le non a remporté 49.42% des votes, le oui gagne avec 50.58% des votes ! Exactement les mêmes résultats que pour le référendum de 1995, sauf qu’alors le non avait 50.58% des votes. »

          « Oh non ! », lance Virginie. « Maintenant ils vont contester les résultats et blâmer la fraude électorale, avec sans doute plusieurs milliers de bulletins de votes rejetés pour une raison ou une autre ! »

          « Virginie ! », lance Roland. « Arrête de manger ta coquille Saint-Jacques, les caméras sont toutes braquées sur toi ! Tu viens de gagner tes élections avec une majorité écrasante, tu as aussi ce soir gagné ton référendum sur la souveraineté du Québec. On verra dans les prochains jours quel scandale éclatera. Pour l’instant, regarde, la bourgeoisie du Saguenay-Lac-St-Jean se met déjà en ligne pour te féliciter. »

          « Où est l’ex-Premier ministre ? », annonce Virginie en riant. « C’est le seul que j’veux voir en ce moment, on s’en va au Palais des sports de Jonquière dans ma Renault 5 en décomposition ! J’espère qu’a va partir… »

 

2

 

Dans une Renault 5 en route vers le Palais des sports de Jonquière, 24 juin 2029

 

          « Eh bien, monsieur l’ex-Premier ministre du Québec, je viens de gagner mes élections ! », affirme Virginie assise à l’arrière de la voiture avec l’ex-Premier ministre, alors que Sylvain attache la ceinture de sécurité de Stéphane à l’avant et que les journalistes prennent des photos à l’extérieur.

          « Ma chère Virginie », commente l’ex-Premier ministre. « La raison pour laquelle je suis à Jonquière ce soir, et non à Québec avec le Parti Libéral, c’est parce que je suis maintenant convaincu que la séparation du Québec d’avec le Canada est essentielle. »

          « Quoi ? J’aurais jamais cru entendre ça d’un libéral. De toute manière, le référendum va être contesté, avoir gagné avec pratiquement juste au-dessus d’un pourcent des votes. »

          « Ça n’a plus aucune importance. Dans moins d’une semaine la guerre civile va éclater aux États-Unis, et les conséquences seront le morcellement des États-Unis en plusieurs nations américaines. Il est essentiel que le Québec devienne souverain, plutôt que de suivre la voie de plusieurs autres provinces canadiennes qui seront tout simplement annexées à ces nations américaines. C’est pourquoi j’ai travaillé en arrière-plan pour que tu gagnes tes élections. »

          « Es-tu en train de me dire que j’ai seulement réussi à avoir 75% des votes à cause du Parti Libéral ? »

          « Pas à cause du Parti Libéral, ils ont aucune idée. À cause de moi. Je suis le seul à tout savoir de la situation américaine. En dix ans au pouvoir j’ai eu le temps de me développer des contacts dans le monde, j’ai pu vérifier leurs dires de plusieurs sources sûres. Le Président américain est mon grand ami… ainsi que le Président du Mexique. »

          « On le sait ! On t’a accusé d’être un traître québécois à la solde d’une certaine entente entre le Premier ministre canadien et les Présidents Américain et du Mexique. Votre idée de grandeur de créer une Union Américaine comme elle existe en Europe. Mais vous avez oublié qu’une telle alliance ne profiterait jamais qu’au Président des États-Unis. »

          « Oui bon, je l’admets maintenant, si ça peut te faire plaisir. Comme je disais, il est essentiel de passer par-dessus n’importe quel scandale, et il y en aura, et d’établir la souveraineté du Québec. »

          « Mmh… », termine Virginie en regardant par la fenêtre d’un air songeur.

          « On arrive au Palais des sports », confirme Stéphane, tout à fait ignorant de la bombe que vient de lancer dans la voiture l’ex-Premier ministre du Québec.

 

Palais des sports de Jonquière, 24 juin 2029

 

          Le Palais des sports est rempli à craquer. La patinoire a été recouverte et une grande scène a été aménagée à l’avant. Les grandes personnalités de la soirée sont déjà assises sur les chaises ainsi que la famille de Virginie, Sylvain et les jumeaux au premier rang. Devant un auditorium ébahi et incapable d’arrêter de crier et de pleurer des larmes de joie, Virginie s’avance lentement vers le podium, suivie de l’ex-Premier ministre.

          « Écoute là », murmure Virginie en repoussant l’ex-Premier ministre avec un grand sourire plastique sur son visage. « C’est mon soir de gloire, pas le tient, va t’assoir dans ma chaise si tu veux. »

          « J’ai aucune intention d’aller m’assoir », confirme l’ex-Premier ministre, lui aussi avec un grand sourire plastique sur le visage. « Tu vas comprendre dans moins d’une minute pourquoi. »

          « Qu’est-ce que tu prépares ? M’aurais-tu menti dans l’auto ? Ce que tu m’as dit est la seule raison pourquoi on a faite notre entrée ensemble sur la scène. Je suis en train de t’utiliser pour cimenter ma prise de pouvoir et le résultat pathétique du référendum. »

          « Je l’sais, t’inquiète pas, laisse-moi parler en premier, je vais cimenter, comme tu dis, ta prise de pouvoir et ton mandat. »

          « Mais arrête ! J’ai pas l’intention de te laisser parler en premier ! »

          « D’accord, je dirai pas un mot… »

          « Mais pourquoi ! Bon il est trop tard maintenant de toute manière… prend ma main et mettons les bras en l’air comme si on célébrait ma victoire, au moins… »

          L’ex-Premier ministre prend alors la main de Virginie fermement et lève leurs bras dans les airs en signe de victoire, devant une foule électrisée, alors que Virginie s’approche du micro pour commencer son discours.

          « J’ai une chose à vous annoncer, je suis enceinte de mon troisième enfant, mais j’ai pas l’intention d’arrêter d’être votre Première ministre pendant un instant », affirme Virginie à la foule et devant toutes les caméras, tout en se retournant vers l’ex-Premier ministre pour voir sa réaction.

          Elle est surprise de lire l’alarme sur son visage, tellement qu’elle-même en perd le sourire. Tout à coup elle s’inquiète, elle regarde autour dans les gradins, tentant de suivre le regard de l’ex-Premier ministre soudainement intéressé à visualiser tous les endroits du palais.

          « Bizarre, je suis en train de vivre un déjà vu, j’ai déjà fait ça… mais t’étais pas là… », annonce frénétiquement Virginie à l’ex-Premier ministre. « Quelque chose va arriver, quelque chose de terrible… »

          « Oui », lui confirme-t-elle d’un air sérieux. « Tu vas survivre, mais tu vas faire une fausse couche, tu vas perdre ton bébé dans 17 jours très exactement, à 18 heures… »

          Et puis tout à coup il se lance sur elle, la tire par terre et la couvre de son corps alors que l’on peut entendre plusieurs coups de feu. Avant qu’il ne meure il n’a le temps que de lui murmurer les mots : « Souviens-toi… le Président américain George Johnson… voyage dans le temps… mondes parallèles… »

 

3

 

Dix ans plus tard, Omaha, Nebraska, 24 juin 2039

 

          Un avion qui arbore le drapeau québécois et l’armoiries du Québec montrant la devise « Je me souviens » atterri à Omaha, Nebraska.

           L’avion s’arrête, l’escalier roulant s’achemine vers la porte, la porte s’ouvre. Un homme et une femme sortent de l’avion en premier, suivis d’autres, et descendent l’escalier. Une délégation marche vers eux et les rencontre au bas de l’escalier.

          « Madame Virginie Tremblay, Première ministre québécoise, Monsieur Benoît Girard, Président français, je suis Pierre Lemieux, l’ambassadeur du Québec, et voici Gaëlle Leroy, ambassadrice de France. Bienvenue à Omaha, Nebraska. Le Président américain de cette nouvelle nation vous attend. Veuillez nous suivre. »

          Tous les quatre entrent dans une limousine, tandis que les autres entrent dans d’autres voitures diplomatiques.

          Dans la limousine, alors que des cocktails sont servis par l’ambassadeur québécois :

          « On n’a pas beaucoup de temps avant notre rencontre avec George Johnson, un compte-rendu, est-ce qu’il veut vraiment la guerre avec le Québec ? Ça semble impensable… », demande Virginie.

          « Y pense qu’l’Québec c’t’un nouveau Cuba, avec la France en arrière-plan qui nous aide avec des armes nucléaires, c’est certain qu’c’é la guerre qu’y cherche», rétorque Pierre Lemieux, sous les yeux réprobateurs de Virginie.

          « George Johnson ne se montre pas raisonnable », annonce Gaëlle Leroy d’une manière plus diplomatique. « Malgré la guerre civile américaine qui a causé la dissolution des États-Unis d’Amérique en neuf nations différentes dont le Québec, il continue d’être complètement irrationnel. Le problème est qu’il est encore en charge d’un arsenal militaire assez impressionnant, nous pensons qu’il imagine que de provoquer et gagner la Troisième Guerre mondiale réunira à nouveau l’Amérique entière. C’est un Républicain qui affirme que Dieu lui parle directement, il a une mission à accomplir, et notre intelligence indique que le Québec est sa première conquête en tête, la première menace qui risque d’anéantir ses rêves de grandeur et de conquête mondiale. »

          « Mon Dieu ! », affirme Virginie.

          « Oui ! », répond Benoît.

          « Tous nos pourparlers ont échoué », annonce Pierre.

          « La guerre semble inévitable », confirme Gaëlle.

          « Alors pourquoi le rencontrer ? Suffit de lancer nos missiles ! De la France, du Québec, on va anéantir sa petite nation américaine insignifiante. Et les Présidents américains des sept autres nations vont nous remercier », réitère Benoît Girard.

          « Non », affirme Virginie. « On se pense fort avec nos nouvelles armes réductrices de matière, après avoir enfin découvert la Théorie du tout en physique théorique. Mais c’est clair que les Américains ont des espions partout au Québec, ils nous ont volé not’ technologie québécoise. On a aucune idée si en moins de dix ans y’ont été capables de faire mieux qu’nous autres au Québec. »

          « Nos derniers rapports prouvent que non seulement ils ont volé la nouvelle théorie de l’expansion subatomique québécoise, mais en plus ils ont eux aussi développés des armes de guerre révolutionnaires, et l’attaque contre le Québec est imminente ! », confirme Gaëlle. « Il n’existe aucun traité international contre ces nouvelles armes capables de rapetisser une ville complète, et ainsi l’anéantir complètement. De toute manière, après que la Russie ait pris l’initiative de prendre avantage de la guerre civile américaine, en bombardant toutes les grandes métropoles américaines avec des armes nucléaires, il n’existe plus rien qui arrêtera George Johnson dans son rêve de destruction du monde entier. »

          « Au moins on a déjà développé en parallèle un moyen de défense », murmure Pierre Lemieux.

          « Ce président américain n’est qu’un à travers les sept autres, pense-t-il vraiment attaquer le Québec avec de nouvelles armes jamais encore testées ? », demande Benoît.

          « Y’a pas toute sa tête », offre Pierre Lemieux en guise de réponse.

          « Peut-être qu’il est encore possible de l’empêcher », annonce Gaëlle. « Le but de cette rencontre. »

          « Pierre, appelle la base de Valcartier à Québec, on commence l’évacuation de l’Assemblée nationale et de toute not’ réserve militaire vers le Saguenay-Lac-St-Jean, destination la base de Bagotville », annonce Virginie.

          « Ne devrions-nous pas attendre l’issue de notre rencontre avec George Johnson ? », demande Benoît.

          « Non, pas après les rapports que j’ai lus. J’ai l’impression que notre rendez-vous est la seule raison pour laquelle il n’a pas encore attaqué. On peut jamais faire confiance à un président américain. En plus, ce que j’ai jamais dit à personne c’est que le soir de ma victoire voilà dix ans, quand le Premier ministre m’a sauvé la vie, ses derniers mots étaient le Président américain George Johnson. Cet homme a déjà tenté de me faire assassiner. Commence l’évacuation, la ville de Québec sera sa première cible », affirme Virginie.

          « Et le Saguenay-Lac-St-Jean sa troisième, après Montréal », continue Pierre Lemieux. « Plus rien l’empêche de recourir aux armes nucléaires, même si y’avait pas eu le temps de développer des armes vertes. Sans doute c’est le dernier de ses soucis d’épargner l’environnement autour des régions ou des villes touchées. J’imagine qu’y pense que les retombées nucléaires d’un Québec anéanti affecteront pas beaucoup sa nation, et affecteront suffisamment les autres nations américaines. »

          « Aucun doute, mais au moins de la base de Bagotville on a une chance de complètement anéantir l’attaque américaine s’il utilise des armes écologiques… le Saguenay-Lac-St-Jean pourrait facilement devenir la seule région du Québec encore fonctionnelle une fois la guerre commencée », finalise Virginie.

 

4

 

          Les voitures s’arrêtent à l’entrée du Palais présidentiel d’Omaha.

          « Mon Dieu, l’architecture du palais présidentiel est assez  impressionnante, c’est un symbole de sa puissance ? », demande Virginie.

          « Comme tous les Républicains depuis au moins 150 ans, le Président Johnson est un mégalomaniaque. Il n’y a que les Présidents de la République française prêts à l’admettre haut et fort en public  », continue Benoît.

          « Et c’est justement pourquoi aujourd’hui Johnson est aussi anti-français », affirme Pierre.

          « C’est comme s’ils n’avaient jamais compris Montesquieu, qu’une république ne doit pas par définition devenir une fausse démocratie de surface », affirme Gaëlle. « Je vois que notre comité de réception s’avance vers nous. Si vous désirez attendre ici un instant, je vais aller m’occuper de la sécurité, notre entrée dans le palais. »

          « Bof, son palais présidentiel est rien comparé à notre not’ nouvelle Assemblée nationale québécoise d’urgence à Sainte-Rose du Nord au Saguenay. Si c’est aussi un signe de notre puissance, on doit être fort », déclare Virginie, alors que l’on peut voir Gaëlle plus loin en train de s’obstiner avec la sécurité. « C’est vrai par contre que ça nous a rien coûté ou presque, c’est juste une maquette détaillée qu’on a agrandie de façon phénoménale. Toute une révolution en architecture, cette nouvelle science. Johnson lui a dû peiner pour faire construire son palais. Au moins y’a juste deux ou trois nations américaines qui le reconnaissent comme le futur Président américain qui va rétablir les États-Unis comme superpuissance mondiale. J’aimerais juste que son massacre commence pas avec le Québec. »

          « Faut pas être naïf Virginie, toutes nos prédictions l’indiquaient aussitôt l’indépendance du Québec confirmée. Il faut remercier la Russie pour nous avoir donnée une dizaine d’années pour nous préparer contre l’envahisseur », affirme Benoît.

          « Benoît, tu parles comme si le Québec avait été retourné à la France. Si j’te l’ai dit une fois, j’te l’ai dit cent fois. Le Québec avait pas besoin de la France pour se positionner dans le monde après la dissolution de l’Amérique du Nord. Le Québec est un pays de 12 millions d’habitants, aussi gros que la Belgique, technologiquement avancé, pratiquement une puissance militaire mondiale. On peut s’défendre sans une mère patrie qui nous a abandonné voilà 300 ans », confirme Virginie.

          « Oui, oui, mais le Québec ce n’est pas la Belgique, le Québec c’est une extension de la France en Amérique. »

          « Une colonie française, la Nouvelle-France ? », rétorque ironiquement Pierre.

          « Nous ne vous avons jamais abandonnés, au contraire », continue Benoît. « Heureusement que la France était là pour espionner les neuf nations américaines et pour comprendre la guerre imminente qui nous amène ici aujourd’hui. Le Québec a fait partie du Canada trop longtemps. Vous ne comprenez rien de la situation politique internationale. Parce que vous êtes honnêtes et humanitaires, vous pensez que tout le monde ne cherche que la paix, sauver l’environnement, et la promotion de la liberté et l’émancipation des tous les citoyens dans le monde. Vous n’aviez même pas l’intention de vous protéger militairement, d’avoir vos propres armes nucléaires qui confirment au monde entier que votre nouvelle indépendance durement gagnée demeurera indépendante. Il était grand temps que la France vienne à la rescousse de son cousin québécois », déblatère Benoît.

          « Quelle basse opinion la France doit avoir du Québec, Benoît. On avait tout le savoir pour développer nos propres armes nucléaires si on avait voulu, six mois ça nous aurait pris, pratiquement juste en tests. On voyait pas la raison. Pis maintenant qu’on a des armes de guerre révolutionnaires, nos armes écologiques, c’est peut-être justement ce qui a provoqué le géant américain contre le Québec. On aurait dû rester neutre, comme la Suisse », répond Virginie.

          « La Suisse peut se permettre de rester neutre juste parce qu’elle est la banque mondiale de tous les gouvernements et les politiciens corrompus du monde », affirme Benoît. « Le Québec est une cible facile, la seule cible acceptable pour toutes les autres nations américaines. Le Québec n’a plus besoin de la plupart des sources d’énergie sur le marché, depuis la grande conversion technologique qui ne requiert que de l’eau, et même de l’eau salée. Et pourtant, le Québec est riche en hydroélectricité, en énergie nucléaire, le gaz naturel dans le nord, sans compter les mines de métaux. Sans protection, c’était pratiquement donner à nouveau le Québec aux Américains. Comme le Canada a été si facilement assimilé aux huit autres nations américaines. Ah, Gaëlle est de retour. »

          « Tout est réglé, ça n’a pas été facile, ils redoutent une attaque n’importe quand, et pour eux nous sommes tous des terroristes », annonce Gaëlle. « De quoi parliez-vous ? Votre discussion semblait aussi animée que la mienne avec les gardes. Inutile de s’autodétruire entre francophones, nous avons tous la même origine, peu importe les centenaires qui nous séparent. Le vrai ennemi aujourd’hui est dans ce palais présidentiel. »

          Enfin nos délégués entrent dans la salle de congrès, le Président est seul en avant de la scène accompagné d’interprètes et d’autres experts consultants.

          « Mon cher Président Benoît Girard, bienvenue à Omaha ! », annonce le Président George Johnson.

          « Votre français est toujours aussi impeccable », répond Benoît.

          « Mon père a une villa à St-Rémy de Provence, exactement ou Vincent Van Gogh a peint ses meilleures peintures, j’y ai passé plusieurs années dans ma jeunesse », continue George.

          « Alors, peut-être pourrons-nous nous entendre sur le sujet de l’heure, la paix dans le monde… », dit Benoît. « Voici Virginie Tremblay, Première ministre du Québec. »

          « Oui, parlons de la paix dans le monde, et comment recréer un gouvernement universel très fort, un nouvel ordre mondial. Pas besoin d’hypocrisie entre hommes d’États monsieur Girard. La France est seconde sur le sujet dans le monde, juste après le Royaume-Uni. Mais les États-Unis n’ont pas encore dit leur dernier mot », dénonce George.

          « Les États-Unis n’existent plus ! Vous avez, avec peine, le soutient absolu de seulement deux nations américaines. Comment osez-vous parlez d’un nouvel ordre mondial après la destruction entière de l’Amérique du Nord, alors même que vous n’êtes pas un président américain élu ? », lance Virginie.

          « Être élu ? J’ai été élu », confirme George.

          « Aucune élection américaine n’a vraiment été démocratique depuis 2001. C’est un miracle que la guerre civile américaine ne soit survenue qu’en 2029, après la nouvelle crise économique. La capitale de la nation Breadbasket, ou le Panier de Pain, est Kansas City, et certainement pas Omaha », affirme Virginie.

          « Asseyez-vous. Voilà. Maintenant nous pouvons discuter. Je suis le seul Président des États-Unis qui va restaurer l’Amérique telle une puissance mondiale. Je vais vous montrer que rien n’a changé. Et lorsque les huit autres nations américaines comprendront mon importance, ils vont tous se joindre à moi, le Québec aussi j’espère », continue George Johnson.

          « Pour en venir au point de cette rencontre, pourquoi attaquer le Québec ? Quel danger le Québec représente-t-il à votre rêve de grandeur, de conquête mondiale ? », demande Virginie.

          « Qui vous a dit que j’avais l’intention d’attaquer le Québec ? », demande George Johnson.

          « Nos services secrets français », confirme Benoît Girard. « Ils ne m’ont jamais menti jusqu’à maintenant, contrairement aux défunts FBI et CIA, qui semblaient davantage être intéressés à contrôler la planète à l’insu de leur Président », annonce Benoît.

          « Comme vous avez dit, il n’existe plus de FBI ou de CIA. Il n’existe plus qu’un nouveau Président américain, moi, tel un pionnier qui doit reconstruire sa nation forte sur le monde », contrecarre Johnson, « et ma nation est encore la plus forte au monde ».

          « Et ça commence avec une conquête, l’annexe du Québec à la nation du Panier de Pain ? », demande Virginie. « Pourquoi ? Nous sommes une nation de paix, de liberté, d’aide humanitaire dans le monde. »

          « Vous avez de grandes ressources naturelles dont vous n’avez même plus besoin, après votre conversion énergétique à l’eau. Vous êtes réticents à partager tant d’énergie avec notre nation. »

          « Vous voulez dire que nous ne sommes pas prêts à vous donner tant de ressources naturelles. C’est pas comme si on tentait de vous voler ou de vous extorquer. La vieille mentalité américaine n’a pas changé. C’est la raison pourquoi nous sommes ici aujourd’hui, pour acheter la paix. Comme vous avez dit, on n’a plus besoin de nos ressources naturelles, notre réseau hydro-électrique, nos centrales nucléaires, notre gaz naturel. On est prêt à acheter la paix en échange pour ces ressources inutiles pour le Québec. On fournit déjà toute l’énergie nécessaire à au moins trois nations américaines, une de plus ne changera rien », confirme Virginie.

          « C’est très généreux de la part du Québec. Et oui, ça pourrait tout changer entre nos relations », console le Président américain.

          « Merveilleux ! Alors, on vient d’acheter la paix en Amérique ? Monsieur le Président, le Québec vous aime ! Non, non, c’est pas de l’ironie. On savait que finalement vous entendriez raison, on peut toujours atteindre des résultats avec la diplomatie. »

          « Virginie, vous êtes tellement directe… nous sommes tous civilisés ici », déclare George Johnson.

          « Au moins j’dis c’que j’pense, », répond Virginie.

          « Je n’en doute pas, enfin la vérité, qui sort de la bouche d’une nouvelle nation défaillante et encore trop jeune pour jouer au Bridge avec les grandes nations de ce monde », continue George.

          « Aux échecs, vous voulez dire. On va vous envoyer nos diplomates, et toute la question de l’aide québécoise pour restaurer les nations américaines sera établie. Après tout, nous sommes tous américains ici en Amérique. Le Québec a pas été touché par la guerre civile et l’attaque nucléaire de la Russie, ironiquement. La Russie n’a jamais perçu le Québec telle une menace dans le monde. On a énormément de ressources, on a une toute nouvelle technologie révolutionnaire. On va vous aider à remettre l’Amérique sur pied, en un projet humanitaire sans précédent », affirme Virginie.

          « Virginie, Première ministre du Québec, comme j’admire votre candeur et votre idéalisme. Ça me rempli de joie et d’espoir. Ensemble nous allons reconstruire l’Amérique d’après les guerres. Le Québec est notre nouvel allié dans cette reconstruction d’une grande nation unie dans la paix », finit George Johnson, sous les yeux dégoutés de Virginie et de Benoît.

          « Si seulement… », avance timidement Benoît.

          « Merci monsieur le Président. Je savais que nous nous entendrions bien. Aujourd’hui est un jour mémorable, le 24 juin 2039, la fête nationale du Québec, un jour de paix à célébrer. Merci ! », déclare Virginie, devant un Président français bouche bée et complètement ahuri, alors que notre délégation se prépare à quitter la salle des congrès.

 

5

 

          Dans l’avion qui survole la nation américaine :

          « Voici votre pilote, nous venons de quitter le Breadbasket et nous survolons maintenant la nation américaine nommée The Foundry. »

          « Finalement, la Fonderie », lance Virginie.

          « Oui, finalement en dehors de tant d’hypocrisie, » dit Benoît Girard. « Virginie, as-tu vraiment acheté ce qu’il disait ? »

          « Chu pas folle, c’était sans espoir. J’ai tout de suite vu que le Président avait aucune intention d’arrêter son projet de destruction, et c’est pas suffisant de lui offrir pratiquement toutes nos ressources naturelles et notre énergie. Il a une idée fixe, et c’est triste que le Québec va être sa première victime. »

          « Ça explique pourquoi tu as insisté pour que Gaëlle, moi et notre délégation embarquent dans l’avion… », dit Pierre Lemieux.

          « J’allais pas laisser personne présent à Omaha. Il a tellement tenté d’éviter la question que c’est clair que l’attaque est imminente, les rapports de l’intelligence française sont réels. J’ignore pourquoi il a attendu l’issue de notre rencontre, peut-être que ça va servir sa propagande. Pierre, contacte nos consulats et nos ambassades dans les neuf nations, évacuation immédiate. Le Québec est officiellement en guerre contre les nations de l’Amérique, en particulier le Panier de Pain. On va en faire des miettes avant la fin de la semaine ! », ordonne Virginie.

          « Exactement, c’est ce que j’allais proposer », ajoute Benoît. « Pas exactement une déclaration de guerre cependant, mais certainement une annonce que nous sommes maintenant sur la défensive. Gaëlle, même chose pour le France, évacuation de tout le monde vers la ville de Québec. »

          « Non, on est à la Défense Condition Un, DEFCON 1, comme disent les Américains. On réoriente tout le monde vers la base de Bagotville au Saguenay-Lac-St-Jean. Pierre, annonce au pilote notre destination. La ville de Québec est déjà compromise », continue Virginie.

          « Abandonner Québec ? La population aussi ? », demande Pierre.

          « Non, alerte sur toutes nos bases militaires québécoises, pas prêt à l’attaque, mais prêt avec notre système de défense. On va supposer que l’attaque va être des armes vertes chimiques. C’est la seule raison que je peux voir pour une telle attaque, montrer au monde entier que les nations américaines ont une nouvelle arme et qu’ils n’hésiteront pas à l’utiliser, et que même contre ceux qui ont inventé cette arme elle va s’avérer un succès. Il veut tester nos défenses. Montrons leur qu’il existe un moyen de défense efficace », affirme Virginie.

          Pierre et Gaëlle se lèvent et se dirigent vers leur station de communication et les ordinateurs, ils commencent à lancer les nouveaux ordres.

          « Voici votre pilote. Nous survolons maintenant Montréal, en direction de la base de Bagotville. »

          À ce moment une alerte se fait entendre dans l’avion ministériel québécois.

          « Mon Dieu ! Des missiles ont été lancés de partout en Amérique ! », annonce Pierre Lemieux de sa station, alors que la Première ministre québécoise et le Président français se lèvent de leur siège pour les rejoindre.

          « Combien ? », demande Virginie.

          « Au moins dix milles ! », confirme Pierre.

          « E-H-A ! », demande Benoît.

          « E-H-A ? », questionne Pierre.

          « Estimation de l’heure d’arrivée des missiles, moins de deux heures ! Destinations : pratiquement toutes les villes du Québec ! Considérant la grosseur des missiles, leur vitesse limitée et leur origine, certainement ce n’est pas nucléaire », confirme Gaëlle.

          « Non, c’est des armes vertes ! Y’ont l’intention de réduire entièrement toutes les villes québécoises, y vont nous faire disparaître d’la planète ! », crie Lemieux.

          « C’est le temps de lancer notre propre attaque ! Projet de défense de contingence 1 ! », crie Benoît.

          « Non ! J’ai pas l’intention d’avoir sur ma conscience des millions de morts à cause d’un Président américain lunatique ! J’lirai jamais dans un livre d’histoire du futur que le Québec a anéanti toutes les nations américaines ! », lance Virginie. « Notre défense va fonctionner ! C’est ce qu’il veut tester, on va lui démontrer qu’on est capable de se contrôler, on est encore humain. On a l’temps d’arriver à Bagotville avant les missiles. Vite Pierre, donne l’alerte à tout l’Québec de lancer le nuage chimique de défense contre les armes écologiques. On va leur montrer qu’on est préparé contre une telle attaque », lance Virginie.

          « Ça a jamais été testé ! », Pierre se lamente, pendant qu’il lance l’alerte partout au Québec via l’ordinateur.

          « Rien de mieux qu’un 24 juin québécois pour tester not’ défense nationale. Pis dit au pilote d’aller au maximum vers Bagotville ! », Virginie crie à travers tout l’avion.

          « Voici votre pilote, j’ai entendu. Madame la Première ministre du Québec, Monsieur le Président de la République française, je jure qu’en moins de 15 minutes on va être à Bagotville sains et saufs ! »

 

6

 

Base de Bagotville, Saguenay-Lac-St-Jean, 24 juin 2039

 

          Le Chef de la défense du Québec se dirige vers la salle de contrôle alors qu’un groupe de ministres, la délégation de la France, le copain de la Première ministre québécoise, la femme du Président français et ses trois enfants viennent à sa rencontre.

          « Êtes-vous le Chef de la défense, le Général Néron ? », demande le  Ministre des Affaires extérieures.  

          « Oui M. Potvin, euh, j’veux dire monsieur le Ministre. Mais j’ai pas le temps de répondre aux questions… le Président Johnson vient de lancer autour de 10,000 missiles vers toutes les villes du Québec. Si vous voulez me suivre vers la salle de contrôle, on va voir si toutes nos nouvelles installations et nos préparations de guerre des dix dernières années vont servir à que’que chose. »

          Ils marchent tous vers la salle de contrôle sauf les enfants qui sont emmenés ailleurs par une jeune soldat.

          « Oui, oui, les enfants, veuillez accompagner la jeune femme… », affirme Marie-Céleste Girard, se retournant rapidement pour suivre le Chef de la défense. « Général Néron ! Où est l’avion présidentiel ? Où est mon mari ? »

          « Vous voulez dire l’avion ministériel… la Première ministre et le Président seront ici dans moins de 10 minutes », admet le Général.

          « Et les bombes ? », demande le Ministre des Affaires extérieures. « On va avoir suffisamment de temps pour lancer notre contre-attaque ? »

          « Une contre-attaque ? Avec moins d’une heure pour se défendre contre des milliers de bombes ? Je considère aucunes représailles pour l’instant, il va falloir un miracle pour se défendre contre une attaque que seuls les Américains sont assez fous pour lancer sur une nation aussi faible et paisible que le Québec. »

          « Faible ? », répond le Ministre Potvin insulté.

          « Comparé à l’arsenal à la disposition du Président Johnson, le monde entier est faible… », confirme Néron. « Les Russes ont pratiquement rien détruit de toutes les armes américaines, et l’arsenal a jamais été utilisé même durant la guerre civile. Pis c’est rien, ce qu’il vient de nous lancer c’est tout nouveau, du jamais vu, des bombes vertes ! Y’ont même pas eu besoin d’utiliser leurs réserves nucléaires. C’est un test, ils veulent savoir s’il existe un moyen de défense contre une telle offensive. »

          « Le message est clair ! Aux autres nations américaines, Johnson leur signifie que s’ils refusent encore de le reconnaître comme le nouveau Président des Nations américaines unies, une autre nation américaine va être rapetissée à l’infini. Au reste du monde il prouve que l’Amérique est encore une grande puissance mondiale, sinon la plus forte », Potvin résume sommairement la situation.

          « Incroyable qu’il ait décidé d’attaquer le Québec, le sacrifier en exemple aux autre nations », ajoute Néron.

          « Le Québec est le seul à avoir de nouvelles armes issues de la technologie de l’expansion subatomique. Il a jamais digéré que le Québec puisse devenir une nation indépendante en elle-même, une des neufs grandes nations américaines d’après la guerre civile, mais on a vite bougé quand on a compris que la dissolution de l’Amérique du Nord survenait », termine Potvin alors qu’ils entrent dans la salle de contrôle.

          « Alors ! », lance le Général, « le point s’il vous plaît ! »

          « Général ! Vos ordres ont été reçus, toutes les villes du Québec sont en train d’étaler partout le nuage chimique qui devrait normalement rendre inopérantes les bombes vertes de Johnson », confirme un jeune soldat nommé Charles Vallée.

          « Est-ce qu’on va avoir assez de temps pour étaler un tel nuage sur toutes les villes du Québec ? Et surtout, tout le Saguenay-Lac-St-Jean ? », demande le Ministre Potvin.

          « On a aucune idée, on sait même pas si ça va marcher. Ça marche bien avec nos propres bombes vertes… », ajoute Charles.

          « Mais est-ce que le Président Johnson a simplement volé notre recette chimique ou est-ce qu’il l’a modifiée ? », complète le Général.

          « Aujourd’hui c’est peut-être la disparition et la mort de tout le Québec », confirme Potvin. « J’en connais qui vont célébrer à soir si c’est le cas, ceux qui ont toujours voulu, depuis des siècles, rapatrier les 12 millions de Québécois en France. En tout cas, en v’là un moyen d’en terminer avec tous nos discours et nos différends politiques. »

 

7

 

Montréal, centre-ville

 

          Du haut des gratte-ciels de Montréal, des tuyaux et des arrosoirs achèvent d’ensevelir la ville sous un nuage épais de protection contre l’attaque américaine. De la rue Sainte-Catherine on peut voir que des poteaux crachent des gaz, alors que des hélicoptères dans le ciel font la même chose, pendant que les gens courent dans toutes les directions sous l’alerte des sirènes de guerre. Les missiles font leur arrivée dans le ciel et commencent à exploser en plein vol partout au-dessus de la ville, créant leur propre nuage de produits chimiques.

 

Québec, Château Frontenac

 

          On aperçoit des avions et des hélicoptères étalant un nuage partout dans le ciel de la ville de Québec. On voit également la population en état de panique alors que les sirènes supposées alerter la population d’une attaque imminente se font entendre. Au-dessus du Château Frontenac les premiers missiles passent dans le ciel mais semblent continuer vers le nord. D’autres suivent peu après et commencent à exploser dans le ciel.

 

Parc des Laurentides

 

          Au-dessus de la forêt du Parc des Laurentides, où aucun moyen de défense n’a été déployé, on suit une centaine de missiles se dirigeant vers le Saguenay-Lac-St-Jean. Une seule bombe explose juste au-dessus de l’Étape, un restaurant, un hôtel et quelques maisons en plein centre du parc naturel. Aussitôt tous les bâtiments, les camions, les voitures, les gens et la route autour de l’Étape disparaissent, laissant un grand cratère derrière eux.

 

Fjord du Saguenay

 

          Dans le fjord remontant le Saguenay jusqu’à La Baie et Chicoutimi, quelques missiles explosent en plein vol créant un nuage gigantesque de produits chimiques dans leur sillage. Les autres missiles continuent.

 

Chicoutimi

 

          Les missiles explosent partout dans le ciel au-dessus de la ville de Chicoutimi, les gaz chimiques de défense se mêlent aux gaz chimiques des armes vertes, et on distingue une sorte de catalyse qui tente de se produire, mais qui finalement ne produit que des éclairs et des tonnerres électromagnétiques qui explosent et parfois vont heurter des antennes de téléphone, de radio et de télévision.

 

Lac-St-Jean

 

          Une bombe gigantesque se dirige vers le Lac-St-Jean et entre de plein fouet au centre du lac. Une explosion sous-marine phénoménale se produit et un jet d’eau énorme monte dans les airs pour retomber ensuite et créer de grandes vagues tout autour qui vont aller inonder l’instant d’un moment les chalets d’été et les maisons autour du lac. Un gros nuage noir englobant tout le lac cache pratiquement le soleil dans le ciel.

 

8

 

Base de Bagotville, 24 juin 2039

 

          La Première ministre du Québec et le Président de la République française font leur entrée dans la salle de contrôle de Bagotville.

          « Est-ce que l’attaque a réussi ? », demande frénétiquement Virginie.

          « L’attaque est terminée, tous les missiles ont explosé en plein vol. Le Québec en entier est enseveli dans un nuage de produits chimiques, mais c’est non toxique », confirme le Général Néron.

          « Est-ce que nos défenses sont adéquates ? », demande le Président Benoît Girard.

          « On a eu le temps de lancer not’ nuage de défense. Pour l’instant il semble y avoir une réaction chimique qui s’opère, on a peut-être réussi à rendre inertes pratiquement la majorité des missiles au-dessus des villes et villages importants », ajoute le Ministre Potvin.

          « Sauf à campagne où les citoyens ont aucun moyen de défense », annonce Charles, le jeune soldat devant une station de contrôle. « Les comptes-rendus indiquent que plusieurs fermes et des p’tits villages ont tout simplement disparus, laissant des cratères derrière eux. »

          « Mon Dieu ! », murmure Virginie. « Combien de monde on va perdre ? La moitié d’la population vit en dehors des grandes villes. J’ai jamais planifié pour une attaque aussi absolue, c’est ma faute ! »

          « Ils ont peut-être eu le temps d’atteindre les villes et villages protégés. L’alerte a été lancée voilà deux heures et la population était informée », affirme le Général.

          « Pis nous autres, on vas-tu disparaître aussi ? Ça prend peut-être juste un peu plus de temps ? », questionne Virginie alors qu’elle regarde un moniteur qui montre le nuage qui se forme au-dessus de l’Aéroport de Bagotville. « Regarde, c’est électrique, ou électromagnétique, des éclairs, du tonnerre, c’est assez extraordinaire. On a pas vu ça dans nos simulations et nos tests. C’est clair que la recette des bombes de Johnson a été modifiée. »

          « Reste à attendre de voir la réaction chimique finale, pis à espérer qu’on va encore être là », termine le Général.

          En arrière-plan Benoît Girard parle avec sa femme :

          « Mon Dieu, Maire-Céleste, qu’est-ce que j’ai fait ? Les enfants, j’aurais dû vous laisser à Paris ! », affirme presqu’en pleurs Benoît, devant les yeux attendris et compassionnels de Virginie. 

          « Notre sacrifice est loin d’être inutile, c’est une chose d’anéantir nos cousins québécois, c’en est une autre d’assassiner la première famille de France », répond Marie-Céleste. « Maintenant c’est un double incident diplomatique. »

          « Vite, un téléphone ! », crie Benoît. « C’est le temps que je me réveille ! La France vient de déclarer officiellement la guerre contre toutes les nations américaines, en particulier le Panier de Pain ! »

          « Mais pense Benoît », se plaint Virginie. « Tu veux aussi qu’ils anéantissent la France ? Vous avez aucun moyen de défense contre les bombes écologiques. Déclarer la guerre contre le Québec c’est pas la même chose que de déclarer la guerre contre la France ! »

          « C’est la même chose ! », lance Benoît.

          « Il nous en a envoyé 10,000, tu peux être sûr qu’il en a partout dans le monde à l’heure actuelle, des millions peut-être, et une seule peut réduire Paris à l’infini ! », termine Virginie.

          « C’est un risque à prendre, nos bonnes vieilles bombes nucléaires vont peut-être arriver à Omaha avant que Johnson ait le temps de réagir », finit Benoît, tandis qu’un de ses compatriotes lui remet un téléphone cellulaire.

          « Où est Sylvain ? », lance Virginie à toute la salle de contrôle.

          « Chu là, chu là ! », répond Sylvain en arrière, marchant vers elle.

          « Oh Sylvain, j’ai besoin de me sentir en sécurité en ce moment. Être Première ministre dans un Québec libre, aujourd’hui, c’est l’enfer. »

          « Mais non voyons, t’as toujours été forte, t’as toujours porté les pantalons dans not’ relation. J’aurais jamais été capable de faire ce que t’as faite », continue Sylvain en la prenant dans ses bras.

          « Quand j’pense que c’est une technologie québécoise… », murmure Virginie, « pis qu’on a tous les deux travaillé là-dessus, pis que j’ai pratiquement gagné mes élections et accompli la souveraineté du Québec avec ça ! Ça m’enrage ! »

          « Ouais, mais on aurait jamais été assez malade pour utiliser nos bombes de l’expansion subatomique, pour nous autres c’était juste une défense, un signal supposé empêcher l’attaque d’aujourd’hui », affirme Sylvain.

          « Pis justement, c’est pourquoi le Président Johnson nous a attaqués. J’espère qu’on va s’en sortir… »

          Soudainement le grand moniteur montre Montréal :

          « Regardez le grand écran ! », lance le jeune soldat. « Les rapports de Montréal indiquent que quelque chose se produit. Le nuage est devenu rouge vin. »

          « Je veux entendre le rapport ! », crie Virginie, pendant que Charles presse quelques touches sur son clavier.

          « Montréal ? Un compte-rendu, qu’est-ce qui se passe ? », demande Virginie.

          « Oui, ici Montréal. Comme vous savez Montréal a été la première touchée par les missiles américains. Nos derniers rapports indiquent que nos moyens de défense sont insuffisants, la réaction chimique s’opère quand même ! Dans moins de deux minutes vous allez voir en direct le résultat ! »

          « Deux minutes ! », répond le Général Néron.

          Pendant les deux minutes entièrement silencieuses, les différents écrans de la salle de contrôle montrent différents endroits de Montréal et l’état des gaz sur la grande métropole québécoise. Soudainement la voix de Montréal se met à parler.

          « Est-ce que la Première ministre est là avec vous autres à Bagotville ? Est-ce que Virginie Tremblay m’entend ? »

          « Oui, chu là ! J’suis tellement désolée ! C’était tellement imprévisible, tellement impensable ! J’suis désolée… »

          « Au contraire ! », la voix de Montréal amplifie. « Madame la Première ministre du Québec, Virginie, tout le monde ici à Montréal veut vous transmettre qu’on vous aime, qu’on apprécie tout ce que vous avez faite pour nous autres et le Québec, toutes vos négociations pour assurer not’ souveraineté, pis qu’au moins le Québec va mourir indépendant et libre ! », lance la voix de Montréal.

          Et pendant que le nuage de Montréal tourne au noir, quelques personnes dans la salle de contrôle, dont Virginie, incapables de se contrôler, pleurent toutes les larmes qu’un tel rêve maintenant accompli, mais de courte durée, signifie vraiment pour le peuple québécois. Et soudainement, sur les écrans, le nuage explose et les écrans ne montrent que de l’interférence.

          « Rapport ! », beugle le Général.

          « Montréal vient de disparaître, laissant derrière lui un large cratère », Charles confirme, alors que l’on peut voir le résultat sur l’écran d’une caméra éloignée, et puis tout de suite l’image se perd.

          « Vite, je veux voir la ville de Québec, mets-nous en communication ! », ordonne le Général Néron.

          Les écrans montrent maintenant différentes locations de la ville de Québec. Le Vieux Pont et le Pont Jacques-Cartier avec Lévis de l’autre côté. Le Château Frontenac, l’Ancienne-Lorette, l’Île d’Orléans, Beauport, les Chutes Montmorency. Partout un nuage chimique rend les scènes fantomatiques.

          « Le nuage est encore un rosé », offre Benoît Girard. « Ils ont encore quelques minutes avant la cuvée du vin rouge et la noirceur de l’enfer. »

          « Québec ? », questionne Virginie.

          « Oui ? », répond la voix de Québec.

          « Montréal vient de disparaître, sans doute réduite à la grosseur d’une molécule, tuant tous les habitants, de par les armes de la théorie de l’expansion subatomique. Certainement le même sort vous attend dans moins de quelques minutes. Est-ce que nos avions et nos hélicoptères sont encore en train de cracher nos produits chimiques ? On peut encore peut-être sauver la ville de Québec, ma ville natale. »

          « Virginie ? », la voix de Québec demande furtivement.

          « Madame la Première ministre ! », répond le Général.

          « Non, non, Virginie, c’est mon nom. On est tous égaux aujourd’hui. »

          « Égalité, Fraternité, Liberté, ou la mort », confirme Benoît.

          « Madame la Première ministre… Virginie… on a vu et entendu à propos de Montréal », continue la Voix de Québec. « On a peur… on pense… »

          « Soldat ! », crie Virginie. « Continuez à étaler nos armes de défense, à étaler notre gaz. Mon Dieu ! Une canne de plus pourrait peut-être faire toute la différence ! »

          « Rien de plus peut être faite », répond la voix de Québec. « On crache encore, tout ce qu’on a cracher, sur tous les Américains du monde entier, pour not’ survie, notre droit à l’existence, presque 300 ans d’histoire depuis la chute de la ville de Québec en 1759, la bataille des Plaines d’Abraham. 500 ans d’histoire, un demi-millénaire en Amérique depuis Jacques Cartier. On se souvient ! On va se souvenir ! » Après un silence : « Le nuage tourne au rouge foncé, comme à Montréal, c’est presque noir… »

          Tout le monde à Bagotville peut le vérifier sur les écrans.

          « J’ai un message à transmettre, de tout le monde ici à la base de Valcartier », la voix de Québec annonce. « On est fier de notre Première ministre, on est fier de not’ Virginie Tremblay ! On est prêt à mourir, mais on meurt fiers d’être québécois, fier de ce qu’on a faite, de c’qu’on a accompli, notre histoire québécoise. On meurt la neuvième nation américaine, pratiquement entièrement francophone. »

          « C’était pas supposé d’arriver comme ça ! », répond Virginie. « C’est pas possible ! C’est pas fini, c’est le début, c’est le début d'la guerre ! Tu m’entends Québec ? Ils vont payer, jusqu’au dernier ! Aucune merci, le Québec est en guerre contre tous les Américains ! On va gagner cet’ guerre. »

          « J’ai une surprise pour vous autres à Bagot… », murmure incertain la voix de Québec. « Quand on va disparaître vous verrez pas de l’interférence, comme avec Montréal. Vous allez voir nos armoiries, le blason du Québec. Trop peu de Québécois savent le reconnaître : "Tiercé en fasce : d’azur, à trois fleurs-de-lis d’or ; de gueules, à un léopard d’or armé et lampassé d’azur ; d’or, à une branche d’érable à sucre à triple feuille de sinople aux nervures du champ. Timbré de la couronne royale. Sous l’écu, un listel d’argent bordé d’azur portant la devise 'JE ME SOUVIENS' du même". J’espère ne pas oublier ma place en ce monde. »

          « La mystérieuse voix de Québec… est un poète ! », affirme Virginie.

          « Oui, un poète du Québec, même si aujourd’hui ça veut rien dire d’être poète… », confirme la voix de Québec. « Les seuls poètes en ce monde n’ont jamais existés qu’en France, et seulement pendant une brève période de notre histoire. »

          « Mon p’tit frère René est poète. Mon Dieu, il vit à Londres. Il va survivre le génocide québécois… », Virginie soudainement se souvient.

          « Alors ton frère en Angleterre est un traître », maudit la voix de Québec.

          « Un traître ? René ? Juste parce qu’il vit à Londres, parce qu’il est tombé amoureux d’un Britannique ? Juste parce qu’il a toujours été… un fédéraliste… T’es-tu malade ! », chuchote Virginie. « Mon frère est pas un traître du Québec, il est not’ ambassadeur québécois à Londres, même s’il n’est qu’un ambassadeur non officiel. Mon frère est juste un poète, un poète québécois, comme toi, comme tous les poètes du Québec ! Une poésie de la fin des temps… », affirme Virginie, alors qu’elle rougit, une couleur rouge vin tournant rapidement au noir.

          Alors le nuage tourne au noir, et pouf toute la ville de Québec disparaît, laissant derrière elle un cratère de plus, comme si c’était sur la lune, une lune non protégée contre les astéroïdes par une quelconque atmosphère. Tous les écrans soudainement au lieu de montrer de l’interférence, montrent les armoiries du Québec, tel qu’annoncé par la voix de Québec.

          « Eh bien, c’est final. Après Montréal, après la ville de Québec, la suprématie mondiale du Président Johnson est absolue. Le Saguenay-Lac-St-Jean sera la dernière victime, nos moyens de défense ne fonctionnent pas. Tout le reste du Québec au sud de la région, est déjà disparu », confirme le Général Néron.

          « Mon frère René l’avait vu, il l’avait prédit », affirme Virginie. « Il savait que la souveraineté du Québec allait détruire le Canada et que les provinces canadiennes allaient toutes être annexées aux États-Unis. Et qu’alors, notre futur québécois ne pouvait être qu’incertain. Je me souviens qu’il disait que le fédéralisme n’était pas si mal, alors que la moitié du Parlement d’Ottawa était pratiquement francophone et du Québec, certainement un tiers. Il disait que jamais un premier ministre canadien ne pouvait être autre qu’un québécois, prétendant ne pas supporter nos valeurs québécoises afin de gagner le cœur du Canada anglophone, alors que franchement ils n’ont toujours que supporté notre culture et nos valeurs québécoises… y’a toujours été innocent. »

          « Après un tel speech de ma femme, je sais pas, mais j’avais l’impression qu’on allait sauver la ville de Québec ! », reproche Sylvain Tremblay.

          « Est-ce qu’on peut au moins sauver le Saguenay-Lac-St-Jean ? », demande Virginie.

          « Non », répond le Général Néron. « Ça a pas marché à Montréal, ça a pas marché à Québec, c’est final. On a perdu la guerre de Québec-Amérique. La France se plie à nouveau devant la suprématie anglaise. »

          « Jamais ! », répond Virginie. « C’est le début, c’est le début de la guerre ! Oui, oui, je vois que les écrans du Saguenay-Lac-St-Jean montrent que le nuage en est maintenant au rouge vin, et bientôt ça va tourner au noir. Mais c’est pas la fin, c’est le début ! »

          Alors sur tous les écrans montrant maintenant les différents endroits stratégiques de la région du Saguenay-Lac-St-Jean, on peut voir le nuage devenir rouge vin, et puis la noirceur. Et soudainement, d’une vue aérienne extérieure à la région du Saguenay-Lac-St-Jean, que ceux dans le nord peuvent encore voir, la région entière disparaît instantanément, laissant derrière elle un cratère gigantesque.

          La dernière parole d’un jeune soldat de Bagotville, au reste du monde, avant la disparition absolue de toute la nation du Québec en 2039, se fait entendre dans le monde entier :

          « Vive le Québec Libre ! »

          Un dernier écho du grand Général Charles de Gaulles en sa visite maintenant historique au Québec en 1967, où après avoir annulé sa visite française officielle à Ottawa, après s’être arrêté à Montréal, s’est écrié :

          « Vive le Québec Libre ! »

          C’était selon ses dires la seule façon de réparer l’erreur de la France du passé, de l’histoire du Québec, l’histoire de la seule et unique Nouvelle-France.

 

9

 

Normandin, Lac-St-Jean, Comté de Maria-Chapdelaine, 24 juin 1754

 

          Le conducteur d’un tracteur routier se dépêche d’arriver dans une zone protégée contre les missiles américains. Il revient de la Baie-James, il a écouté l’attaque sur son CB depuis des kilomètres. Il n’a jamais osé atteindre les 100 kilomètres heure sur son compteur avant aujourd’hui, mais aujourd’hui est une journée différente. Il doit atteindre une zone protégée à tout prix, le plus rapidement possible, le Québec est attaqué.

          Le dernier mille est infernal. C’est une course contre la montre, le camion trombe de toutes parts, il faut atteindre Normandin. Et juste au moment où il atteint le nuage noir, qui signifie la protection garantie par le gouvernement du Québec, tout va mal. Pendant que le nuage noir disparaît en un jeu de lumière électrique impressionnant, le derrière du véhicule articulé glisse et s’en va vers la droite, tombe sur le côté, et une moitié précipitamment disparaît alors que l’autre moitié continue de glisser, sur son côté, sur la route, et soudainement tombe de plusieurs mètres de haut et s’écrase sur le sol d’un nouveau Québec, le sol de la Nouvelle-France en 1754.

          Heureusement la cabine est retombée à l’endroit et le conducteur sort de du camion pour constater les dégâts. Un mur de terre de quelques mètres de haut se dessine à l’horizon, la route coupée à la base.

          « Incroyable », le conducteur murmure à lui-même alors qu’il regarde le ciel. « Le nuage est parti, comme dans une explosion… » Puis tentant d’observer le haut de la petite falaise, il distingue du mouvement : « Qui est là ? Vous avez-vu l’accident ? Qu’est-ce qui s’est passé ? »

          Alors deux hommes descendent de la falaise habillés en amérindiens, observant d’abord le conducteur puis le camion dans le milieu de la route. Ils se mettent à toucher l’asphalte, comme surpris, et se mettent à parler en Montagnais, une langue amérindienne de la région.

          « Ici l’Île d’Alma, Normandin, dans le comté de Maria-Chapdelaine. On est encore vivant, on existe encore ! Mais c’est la limite, après nous le déluge ! Une vanne vient de s’échouer de notre côté de la frontière. On vous met en contact  avec le conducteur. »

          « Quoi ? », réponds Virginie dans la base de contrôle de Bagotville.

          « Une vanne vient de se briser en deux à la frontière de notre nuage chimique à Normandin. Le conducteur affirme qu’il ne reste plus que la moitié de sa vanne », confirme Charles, le jeune soldat devant son ordinateur.

          « J’suis en contact avec la base de Bagot ? », la voix du CB demande.

          « Ici le Général Néron à Bagotville, alors, qu’est-ce qui s’est passé ? »

          « Vous allez penser que j’suis devenu fou. J’étais à la limite de la zone protégée, une seconde après avoir atteint le nuage. Ma vanne s’est cassée en deux, l’autre moitié est peut-être en haut du mur de plusieurs mètres de haut qui nous sépare maintenant du reste du Québec. J’ai entendu à radio que c’était confirmé dans plusieurs endroits autour du Lac-St-Jean. On s’est renfoncé dans la terre, une barrière naturelle contre, vous allez pas le croire, des Amérindiens qui comprennent rien du français. »

          « Des Amérindiens ? Tous les Amérindiens parlent français, ça fait longtemps qu’y ont tous été assimilés », affirme Virginie.

          « Pas ceux-là, pis en plus, y sont habillés en vêtements traditionnels amérindiens. Y’ont l’air fascinés par le camion, l’asphalte, mon linge, apparemment y’ont jamais vu une radio. »

          « Qu’est-ce qu’y font en ce moment ? », demande le Général.

          « Ils s’amusent avec ma lampe de poche, on dirait qu’y ont jamais vu une lumière. »

          « On peut leur parler ? », demande Benoît.

          « Attendez », répond le conducteur du camion.

          Un des amérindiens se met à parler mais personne ne comprend son langage.

          « Y’as-tu quelqu’un qui comprend ? », questionne le Général à la salle de contrôle.

          « C’est du Montagnais, mais j’comprends pas… », annonce un soldat.

          « Y’ont l’air de comprendre le mot "Québec" », confirme le conducteur.

          « Kebik ! Kebik ! », on peut entendre les Amérindiens répéter en arrière-plan.

          « "Kebik", c’est l’ancien nom des Montagnais », annonce le soldat. « La ville de Québec a peut-être été nommée ainsi à cause d’eux. »

          « Peut-être ? », demande le Général.

          « L’origine du nom la plus populaire est plutôt le mot algonquin "Kebec", qui veut dire "Là où le fleuve se rétrécit". »    

          « Ça fait aucun sens ! », lance Virginie.

 

Barrage hydroélectrique de Shipshaw, Jonquière

 

          « On a un problème encore plus important », lance Charles.

          « Plus important qu’un camion brisé en deux à Normandin et des Amérindiens qui ont l’air de sortir d’un musée ? », demande Virginie.

          « Tous les barrages hydroélectriques de la région sont soudainement inondés. Le barrage de Shipshaw va s’écrouler ! »

          « Mon Dieu ! », affirme Virginie, « sur l’écran, vite ! Ouvrez les vannes du barrage ! »

          « Toutes ouvertes madame la Première ministre », confirme le soldat, alors que l’on peut voir les images sur l’écran. « L’eau déborde au-dessus du barrage, mais le barrage tient toujours. »

          « Stéphanie et Stéphane, nos enfants ! Ils arrivent de Montréal aujourd’hui par le train ! », crie Virginie. « Sont-ils sains et saufs ? »

          « Le train Montréal-Jonquière ? », demande Charles. « J’vais tenter d’entrer en contact. »

 

Lac-Bouchette

 

          Dans le train de Montréal-Jonquière, Stéphane écoute attentivement les annonces du conducteur : « Nous allons aussi rapidement que l’on peut sur les rails zigzagants avant l’arrivée à Chambord au Lac-St-Jean. Une attaque aux bombes écologiques a été lancée sur tout le Québec. Nous tentons désespérément d’atteindre la zone de sûreté du Lac-Bouchette, nous y sommes presque, quelques secondes encore… vous pouvez voir le nuage noir par les fenêtres. »

          Tandis que le train entre dans le nuage, soudainement le wagon où Stéphanie et Stéphane Tremblay se tiennent est coupé en deux. La moitié restante s’effondre sur les rails, aux cris des passagers restants. Mais le train ne déraille pas, il s’arrête juste à temps, il n’allait pas si vite à cause du tournant. Les passagers sortent du train et regardent dans le début de la noirceur l’endroit où l’accident s’est produit. Le nuage a disparu, comme si la réaction chimique avait annihilé les deux gaz qui s’entremêlaient. Un mur de plusieurs mètres de haut sépare maintenant la location actuelle de l’endroit où le train a été coupé en deux. Du haut de cette petite falaise de terre, les passagers observent une forêt dense alors qu’ils sont en plein milieu d’une ferme, où aucune forêt n’existait auparavant. La radio fonctionne toujours, le tout est reporté directement à Bagotville.

 

Bagotville

 

          « Les jumeaux sont ici ! Sylvain ! Ils sont vivants ! », s’écrie Virginie. « Un wagon coupé en deux ? Et un mur de terre séparant notre zone protégée de la zone non protégée ? Qu’est-ce que ça veut dire ? »

          « Ça veut dire que nos moyens de défense ont fonctionné », propose le Général Néron. « En dehors du nuage c’est mort, l’autre moitié du train. Mais la moitié qui a pénétré notre périmètre de défense est saine et sauve. »

          « Je me demande. Qu’est-ce qui pourrait expliquer un mur de terre de plusieurs mètres de haut ? Tout le tour du Saguenay-Lac-St-Jean, de la région protégée », demande Virginie.

          « Dieu seul le sait, mais nous sommes encore en vie », confirme Benoît Girard.

 

10

 

Bagotville

 

          « Avant de m’adresser directement à toute la région, plutôt qu’avec des communiqués de presse, j’aimerais en savoir plus », annonce Virginie. « Je pense que c’est le temps que l’on envoie des avions en dehors du périmètre, avant la noirceur. J’aimerais savoir si on a juste perdu contact avec la majorité des autres villes, ou si elles sont toutes disparues comme Montréal et Québec. »

          « Compris », répond le Général. « Lieutenant-Général, on peut arrêter l’étalement des gaz maintenant. Je veux une douzaine de jets en sortie autour du Québec pour constater l’étendue de l’attaque américaine. Envoie aussi un destroyer, une frégate, un navire de défense côtière et un sous-marin de patrouille le long du Saguenay, juste au cas où George Johnson nous prépare une autre surprise après les bombes écologiques. Ah oui, envoie aussi des hélicoptères de secours autour du périmètre du Saguenay-Lac-St-Jean. »

          « Combien de temps ça va prendre ? », demande Sylvain Tremblay.

          « Les jets sont déjà décollés, quelques minutes seulement avant les premiers rapports et les premières images », confirme le Général Néron.

          « C’est drôle, j’avais jamais vu le côté militaire du Québec auparavant, j’suis vraiment impressionné », continue Sylvain. « J’savais par Virginie qu’on s’préparait pour la guerre, que Bagotville était maintenant pratiquement une base militaire fortifiée, comme le port de La Baie, mais quand même… »

          « Même avant la souveraineté du Québec, Sylvain, les Forces armées canadiennes étaient assez importantes au Québec, c’était aussi nos forces québécoises », continue le Général. « J’ai rencontré beaucoup de civils québécois qui oubliaient vite que le Québec avait son armée depuis longtemps, une armée qui a toujours été active dans le monde, et pas toujours de manière humanitaire. Mais alors c’était pas Québec qui prenait les décisions, c’était Ottawa. »

          « Virginie est bonne pilote, elle voulait être capable de piloter n’importe quel avion ou jet de l’armée. J’ai compris pourquoi. Elle a appris tout ça dans les dix dernières années », affirme Sylvain.

          « Je sais, j’étais un de ses instructeurs, elle est meilleure pilote que moi par exemple », admet le Général. « Elle était peut-être visionnaire, on va bientôt avoir besoins de nouveaux pilotes. »

          « Général, Québec 1 et Québec 2 sont au rapport, ils survolent la ville de Québec », annonce Charles Vallée, le jeune soldat.

          « Québec existe toujours ! », annonce Québec 1. « Mais juste le vieux Québec, et surtout les fortifications autour de la ville. On dirait… »

          « On dirait quoi ? On peut voir les images ? », demande Virginie, alors que les images vidéos apparaissent sur l’écran.

          « On dirait… », continue Québec 2.

          « On dirait le Québec du passé… », termine Virginie. « Du temps colonial de la Nouvelle-France. Regarde le port, les bateaux, c’est des bateaux à voiles ! »

          « Plutôt des navires de guerre à voiles… », confirme le Général.

          « Français ou Anglais ? », demande Virginie.

          « Se sont des navires Français », confirme Benoît.

          « Si on est vraiment dans le passé, les Français ont encore le contrôle de Québec », ajoute le Général Néron.

          « J’m’y connais en histoire. Le Château Frontenac a pas encore été construit, la Citadelle non plus », annonce André Archambault, le Lieutenant-Général. « D’après les murs entourant la vieille ville je dirais qu’on en est à la 3e fortification de Québec. Ça veut dire qu’on est après 1745, mais avant 1820. D’après ce que je peux voir, on serait plus près de 1745, parce qu’en 1820 la ville de Québec était déjà pas mal plus étendue en dehors des murs. Le fait que la flotte navale est française, on est peut-être entre 1745 et 1754. »

          « Eh, ça serait drôle, une coïncidence incroyable, d’avoir été transporté dans le passé juste avant la guerre de la Conquête de 1754… », annonce Virginie. « Ça voudrait dire une chance unique de changer l’histoire du Québec, on pourrait s’assurer une Amérique entièrement francophone en 2039. »

          « Il faut voir plus grand Virginie, faut pas se limiter au Québec », répond Benoît. « En 1756 c’est le début de la guerre de Sept Ans, c’est mondial. On pourrait changer l’histoire de l’humanité. »

          « Vous autres les Français vous êtes aussi pires que les Américains et les Britanniques, vous rêver toujours de conquérir et de coloniser le monde », lance Virginie.

          « Et ton rêve est juste de conquérir et de coloniser l’Amérique ? », ajoute Benoît sarcastiquement, avec un sourire.

          « Bon, bon, je l’admets », répond Virginie. « J’comprends que si c’est vrai, si vraiment on a été transposé dans le passé, on va avoir une chance unique de tout changer. Mais va falloir prendre nos responsabilités, il va falloir être humanitaire. On sera pas là pour prendre le contrôle, créer un nouvel ordre mondial avec le Québec au sommet de la hiérarchie. »

          « On va juste avoir une Amérique francophone… », continue Benoît.

          « Oui », Virginie admet en riant. « Bon, c’est le temps que l’on aille à Sainte-Rose-du-Nord, aujourd’hui on inaugure la nouvelle Assemblée nationale pour faire le point avec les ministres. Général Néron, il faut rester en communication permanente, je veux une exploration complète du monde, je veux pratiquement une carte 3D du monde entier. Il faut établir si toute la planète est maintenant dans le passé ou juste le Québec. Je veux aussi établir exactement l’année, ou même la date exacte. »

          « Il va peut-être falloir aller parler avec le monde dans la ville de Québec », demande le Général.

          « D’accord, les bateaux que tu as envoyés, ils prendront contact quand ils arriveront à Québec. Mais j’aimerais bien prendre le temps d’avoir pris certaines décisions », ordonne Virginie. « Pour l’instant avec les données géographiques on devrait être capable d’établir l’année. Contacte tous les historiens de la région… et tous les chercheurs en physique théorique aussi, j’veux des réponses avant mon adresse à la population ! »

 

11

 

Colline parlementaire, Sainte-Rose-du-Nord, Fjord-du-Saguenay

 

          La nouvelle Assemblée nationale s’étend dans toute sa splendeur au sommet de la falaise à Sainte-Rose-du-Nord, offrant une vue superbe sur le majestueux Fjord-du-Saguenay.

          « Vous avez eu le temps de construire une nouvelle Assemblée nationale ? », questionne Gaëlle Leroy.

          « Ça fait dix ans qu’on se prépare pour la guerre avec les Américains, on planifiait éventuellement qu’en temps de guerre la Colline Parlementaire serait au Saguenay-Lac-St-Jean », répond Pierre Lemieux.

          « Mais c’est impressionnant ! », ajoute Gaëlle. « Vous avez pas fait les choses à moitié. »

          « La politique c’est comme la religion, si tu veux le respect des peuples et de la populace », continue Pierre, « tu dois construire des châteaux et des cathédrales tellement gigantesques que ça donne l’impression de toucher le ciel, le paradis, Dieu le père ».

          « Mais ça prend bien plus que dix ans pour construire une telle Assemblée nationale ! », continue Gaëlle. « C’est dix fois grand que le plus grand des châteaux en France, plus grand que les pyramides… En quoi c’est fait ? En or, en diamant et en marbre ? Mais c’est extraordinaire, ça a dû coûter une fortune ! Quelle folie ! »

          « Pourquoi t’as l’air aussi surprise Gaëlle ? Tu penses qu’au Québec on n’est pas capable de construire une merveille du monde ? Le nouveau parlement québécois est pas la huitième merveille du monde, c’est la première », finalise Pierre. « Les structures sont tellement solides qu’après la disparition de l’humanité actuelle, et qu’aucune trace de notre passage sur Terre restera, notre Assemblée nationale du Québec sera le dernier vestige de l’humanité sur Terre. »

          « Pauvre Gaëlle, je pense qu’elle a passé trop de temps à espionner les Américains à Omaha, elle ne s’est pas tenue au courant de ce qui se passait au Québec », affirme Benoît.

          « Pierre, arrête donc de niaiser avec Gaëlle », ordonne Virginie. « Gaëlle, la nouvelle Assemblée nationale est notre première tentative de construire un bâtiment quelconque en utilisant la technologie de l’expansion subatomique, c’était pas notre intention d’en faire not’ nouvelle Assemblée nationale, sauf en cas d’urgence ou de guerre, c’était juste un test. Ça nous a pris 30 secondes voilà trois mois pour construire ce qui va maintenant devenir notre nouveau Parlement. On a agrandi une maquette faite en pratiquement tous les matériaux et alliages possibles afin de les tester. Ça nous a pris bien plus de temps pour décorer et meubler l’intérieur, bien que l’on ait ajouté le plus de meubles et de décorations possibles dans la maquette elle-même. »

          « Mais tu m’as jamais rien dit, Pierre, après tout le temps qu’on a passé ensemble au Nebraska », s’étonne Gaëlle.

          « C’était top secret, t’aurais pu être une double agente travaillant pour une nation américaine. Une telle technologie entre les mains des présidents américains, mon Dieu, sans doute y’auraient trouvé le moyen d’en faire une arme de guerre », ajoute Pierre avec ironie.

          « Trente secondes voilà trois mois ? Une merveille du monde, juste un premier test ? », dénonce Gaëlle ébahie.

          « Le miracle québécois, un château gargantuesque Fabriqué au Québec en trente secondes », déclare Pierre Lemieux. « C’est ça le futur que George Johnson, le Président américain, a tenté d’anéantir. Mais maintenant on va utiliser la même technologie pour changer le passé et le futur de l’humanité. »

          « Amen », répond de facto Virginie. « Sauf que ça a jamais été un secret, comment on aurait pu cacher ça ? Ça a fait la une de tous les journaux au Québec, et nulle part ailleurs dans le monde puisque les journalistes dans les autres nations américaines et en Europe n’ont plus la liberté d’expression depuis longtemps. »

          À l’intérieur, à la réception, on peut voir un puits de lumière de plusieurs kilomètres de haut, la dernière lumière avant le crépuscule. Un effet spiral qui monte vers le ciel laisse Gaëlle complètement abasourdie. Enfin ils atteignent la chambre de l’assemblée, une chambre luxueuse et gigantesque. Les ministres sont déjà présents, ainsi que tous les députés québécois. Une section spéciale a été aménagée à l’avant pour la délégation du gouvernement de France. Virginie Tremblay, Première ministre du Québec, invite Benoît Girard, Président de la République française, à s’assoir à côté d’elle devant l’assemblée. Un discours retransmis directement à la population du Saguenay-Lac-St-Jean sur leurs téléviseurs, téléphones cellulaires, leurs radios et l’Internet.

          « Chers citoyens et chères citoyennes, chers ministres et députés, aujourd’hui le Président américain d’Omaha, non reconnu par les neuf nations de l’Amérique du Nord, a lancé une attaque non provoquée sur le Québec. En conséquence le Québec et la France ont officiellement déclaré la guerre contre la nation américaine le Panier de Pain et son Président George Johnson.

          « Vous avez vu sur vos écrans les villes de Montréal et de Québec complètement anéanties par les bombes écologiques que nous-mêmes avons développées. Aucunes représailles n’ont été intentées contre le Panier de Pain parce que ça aurait été un génocide. J’étais pas prête à commettre un nouvel holocauste en votre nom. L’avantage est que nous avions un moyen de défense, un gaz pour tenter de rendre inerte le gaz supposé réduire toutes les villes du Québec. Nos services secrets, enfin ceux de la France, ont confirmé que les américains n’avaient aucun moyen de défense, ce qui fait de l’attaque de Johnson une attaque inconsciente et irréfléchie, sauf si justement il savait que jamais nous n’aurions offert de représailles. La France n’aura peut-être pas le même problème de conscience que le Québec, cependant il n’existera aucun moyen de vérifier l’issue de cette guerre en 2039.

          « Car voici la nouvelle du jour chers Saguenéens et Saguenéennes, chers Jeannois et Jeannoises… Bienvenue en 1754 ! Il semble que le mélange des gaz ait eu un effet secondaire imprévisible, il semble que toute la région du Saguenay-Lac-St-Jean ait été transportée dans le passé en l’année 1754.

          « L’année est-elle une coïncidence ? À mon avis c’est l’année que la plupart des gens de la région aurait choisie si jamais le voyage dans le temps était possible. J’ai été élue Première ministre parce que je suis ingénieure mécanique, parce que j’ai étudié la physique théorique, parce que j’ai aidé au développement de la technologie basée sur la théorie de l’expansion subatomique. Aujourd’hui je ne vais pas vous cacher mes pensées, je cherche des réponses et il faut que tous les théoriciens en physique théorique et les philosophes s’assemblent pour discuter la question.  

          « Avec la venue de la théorie de l’expansion subatomique de Mark McCutcheon, dans son livre La Théorie Finale, le Québec a su inventer une nouvelle technologie qui prouve que Newton avait tort et que la gravité ne s’explique plus par une force mystérieuse qui agit à distance pour nous attirer vers le sol. Au contraire, il est maintenant prouvé que la gravité s’explique par l’expansion des électrons, les plus petites particules en existence qui composent les structures atomiques dont les protons et les neutrons du nucleus. La gravité n’est autre que l’expansion de tous les objets dans l’univers qui cause une réduction de la distance entre ces objets. Un effet impossible à discerner à l’œil nu ou même en laboratoire parce que tous les objets et nos instruments de mesures grossissent à un taux identique. Relativement parlant cette expansion est invisible mais tout dans l’univers double en grosseur toutes les 19 minutes. Les parachutistes lancés d’un avion ne tombent plus sur la terre en une accélération de 9.8 mètres par seconde, c’est plutôt que la Terre grossit à un taux de 4.5 mètres chaque seconde, ce taux d’expansion accélère, et ainsi les parachutistes ne font que flotter au même endroit alors que la Terre dans son expansion rapidement franchit la distance qui les séparent.

          « Cette expansion subatomique nous a également permis de construire des armes chimiques de réduction de la matière et une technologie d’agrandissement de la matière prouvée par la nouvelle architecture de notre nouveau Parlement à Sainte-Rose-Du-Nord. Plusieurs villes québécoises non protégées sont sans doute aujourd’hui réduites à la grosseur d’un atome, et probablement les habitants sont maintenant morts, sans réserve d’oxygène également réduite avec eux tel qu’un sous-marin ou un vaisseau spatial aurait permis. Presque un quart du Québec est maintenant mort en 2039.

          « Pour le sort des autres villes et régions protégées, comme pour Montréal et Québec, nous avons raison de croire que comme nous elles se sont retrouvées dans le passé ou le futur, cependant dans des mondes parallèles au nôtre, sinon nous aurions trouvé des traces de leur existence dans nos derniers survols du Québec. Nos dernières analyses prouvent qu’il n’existe aucune raison pourquoi nous aurions été sauvés mais pas les autres villes du Québec. Notre moyen de défense aurait dû fonctionner partout, et sans doute ça a fonctionné, avec des résultats surprenants et imprévisibles.

          « Nous avons maintenant la preuve que le voyage dans le temps existe, mais pas encore que les mondes parallèles soient une réalité. J’ai cependant un aveu à vous faire, je peux maintenant l’avouer publiquement. Voilà dix ans lors du jour de ma victoire, après m’avoir sauvé la vie, le Premier ministre a eu le temps de me dire, juste avant de mourir, que son savoir que j’allais être assassinée par George Johnson provenait du voyage dans le temps et de l’existence de mondes parallèles. Il a même prédit avec justesse que j’allais faire une fausse couche 17 jours plus tard à 18 heures. Il existe d’autres raisons pour justifier ce que je dis ici, mais aujourd’hui n’est pas le moment d’élaborer. Il est possible que des voyageurs du futur soient parmi nous, ou provenant de mondes parallèles. J’espère juste qu’ils soient québécois et qu’ils sortent de l’ombre, nous avons besoin de leur savoir.

          « Comment expliquer non seulement le voyage dans le temps mais aussi l’existence de mondes parallèles ? Il n’y a rien dans la physique théorique de l’expansion subatomique qui puisse l’expliquer. Car si la théorie a détruit Newton, elle a également anéanti Einstein et sa théorie de la relativité. Le temps n’est plus une variable d’un continuum de l’espace-temps, et la gravité ne s’explique plus par une distorsion de l’espace-temps. De plus, il est maintenant prouvé que la mécanique quantique était une erreur, il n’existe plus cette idée qu’une particule puisse se retrouver à plusieurs endroits au même moment, ou une fonction d’onde de Schrödinger représentant une infinité de réalités parallèles qui existent toutes au même instant.

          « C’est ailleurs qu’il faut maintenant chercher une explication au fait que nous soyons en 1754 dans un monde parallèle à celui de 2039. Et l’année nous l’indique, 1754 soudainement nous montre, selon ma propre opinion du moins, que nous avons le pouvoir d’influencer la réalité peut-être juste par la pensée, comme si la réalité ne serait pas plus réelle que celle qu’un ordinateur est capable de créer. On parle peut-être de la création spontanée de mondes virtuels qui peuvent changer à tout instant, et même plusieurs mondes virtuels qui existeraient en même temps. Comme si notre existence ne serait qu’une simulation créée par une autre civilisation extérieure à notre monde simulé, et qu’il existerait des moyens de hacker le système.

          « Il existe plusieurs théories sur le sujet qui ont beaucoup gagné en popularité dans les dix dernières années. Il est possible que nous ayons maintenant une technologie capable de voyager dans le temps, de créer de nouvelles réalités, où la volonté et la pensée jouent un rôle important. Si vous avez de meilleures explications à offrir, veuillez nous contacter. Pour l’instant nous sommes prêts à considérer mêmes les idées les plus saugrenues. Mais ça va prendre du temps pour confirmer ces idées et de développer cette technologie, et aujourd’hui nous avons des problèmes beaucoup plus sérieux à considérer.

          « Les élections nationales ont été cancellées pour l’instant, si tout va bien elles ne seront reportées qu’à l’an prochain. Notre économie régionale vient de s’écrouler. Le gouvernement vient de mettre en action un projet d’urgence de rationnement d’à peu près tout, jusqu’à ce que l’on puisse établir l’inventaire de nos avoirs, de nos besoins et notre capacité à produire ce que l’on importait d’ailleurs. Les prochains jours seront difficiles, mais notre futur est garanti. En 1754 nous avons beaucoup à apporter au monde entier et nous avons un monopole unique dans à peu près tous les domaines.

          « À partir de maintenant tous les magasins sauf les dépanneurs sont fermés mais tous les employés doivent aller au travail demain pour faire l’inventaire avant de rouvrir avec notre système de rationnement. Veuillez simplement suivre les procédures d’urgence que l’on a déjà préparées et que tout le monde dans la région devrait déjà avoir reçues. On était préparé pour la guerre, il ne devrait donc y avoir aucun problème majeur. Inutile de paniquer et de tout acheter en gros, on était prêt, on a suffisamment de ressources pour tout le monde.

          « On a aucun problème d’électricité ou d’énergie, mais dans les prochains jours on va quand même agrandir notre maquette d’une tour Tesla qui deviendra une source d’énergie pratiquement infinie en prenant l’électricité directement dans l’ionosphère, qui transmettra alors cette électricité sans fil à tous nos appareils ménagers et autres systèmes convertis pour une telle technologie. La conversion est simple, aucune raison de s’inquiéter.

          « Toute la technologie qui utilisait encore le système de satellite ne fonctionne plus, il n’existe plus aucun satellite dans l’espace. La plupart de la région est déjà convertie à la nouvelle technologie qui utilise tout simplement n’importe quelle source de lumière ou n’importe quel signal radio ou n’importe quel champ d’énergie pour s’étendre partout dans le monde instantanément sans besoin d’antenne, de satellite ou de câble. Je parle de la technologie issue du phénomène de l’intrication quantique que nous avons résolue lorsque vue de la perspective de l’expansion subatomique. Où une source de lumière envoie dans toutes les directions un amas impressionnant d’électrons qui s’agrandissent rapidement, mais qui ne sont jamais séparés les uns des autres même après des années lumières. Et par le phénomène du pendule de Newton, lorsque l’on cogne la première bille d’une série de billes, instantanément la dernière rebondie. Ainsi une communication instantanée dans tout l’univers est maintenant possible. Et comme cette technologie a été développée dans la région du Saguenay-Lac-St-Jean, nous avons certainement un grand inventaire de téléphones lumières, de télévisions lumières et d’ordinateurs lumières, le tout sans fil. Ces magasins demain seront ouverts, et la technologie sera distribuée gratuitement à la population non encore convertie à la nouvelle technologie.

          « En préparation pour la guerre nous avons copié entièrement le contenu de l’Internet dans toutes les langues et de tous les pays, sauf les contenus protégés qui requièrent des identifications et des mots de passe. Donc l’Internet devrait normalement fonctionner comme avant avec quelques exceptions près. Veuillez visiter le site du Gouvernement du Québec afin de vous tenir au courant des événements et de nous transmettre vos idées, vos besoins immédiats, vos peurs.  

          « D’après nos dernières données il n’existe aucun danger à l’intérieur de la frontière du Saguenay-Lac-St-Jean, et tout le périmètre est sous haute surveillance. Je vous invite donc à passer une bonne nuit parce que demain matin c’est un nouveau jour, c’est la renaissance de la Nouvelle-France. Il faudra établir et décider ce que nous allons faire pour nous adapter à la vie de 1754.

          « Bon ben moi, Sylvain et les jumeaux on s’en va chez ma mère à Alma. En ce qui concerne les députés et les ministres du reste du Québec qui ont pu être évacués dans la région avant l’attaque, ainsi que la délégation de la France, vous avez tous été installés dans des chambres et des suites luxueuses dans la nouvelle Assemblée nationale. Demain matin je veux un rapport complet de tous les départements ministériels avec notre situation et un plan d’action pour le futur. Y’a pas beaucoup de monde qui va dormir à soir. »

 

12

 

Alma, chez Nicole Girard, la mère de Virginie Tremblay

 

          « Oh Ma, tu peux pas t’imaginer la journée d’enfer qu’on a eue », annonce Virginie.

          « Ben voyons, on écoute les nouvelles depuis le début d’la guerre, on n’est même pas sorti d’la maison », répond Nicole. « Mais ton père, sa femme Ginette et son fils Éric sont arrivés de Chicoutimi voilà environ deux heures, les jumeaux sont ici, ton grand-père Benoît, ta tante Sonia, y manque juste ton frère René. Mais lui ça fait dix ans qu’y’est pas r’venu de Londres, alors y nous manquera pas plus que d’habitude. Dans la famille Girard on a perdu personne, tout le monde était dans région. Du côté des Tremblay vous avez perdu au moins la moitié d’la famille, ceux qui vivaient à Québec, à Montréal ou ailleurs, mais on était pu tellement proche. Donc pas de funérailles à soir, OK ? »

          « Où sont les enfants ? », demande Sylvain alors que Stéphanie et Stéphane, qui ont maintenant 18 ans, sortent du salon pour marcher vers l’entrée. « Stef et Stef, v’nez icitte ! »

          « Pa ! », répond Stéphane en serrant son père dans ses bras. « T’aurais dû voir, on était dans le wagon de train qui a été coupé net en deux, on pensait qu’on allait mourir ou disparaître ! »

          « J’imagine », réponds Virginie les larmes aux yeux alors qu’elle serre dans ses bras Stéphanie. « J’espère juste que c’est pas ma faute, que j’suis pas responsable d’un tel bilan. Tellement de québécois et de québécoises sont morts aujourd’hui… »

          « T’auras ben le temps d’y penser dans l’avenir, pour l’instant prenez-vous un verre de vin ou une bière, allez vous asseoir dans le salon, le souper est presque prêt », rassure Nicole.

          « Salut tout le monde, Grand-Pa, Pa », annonce Virginie alors qu’elle entre dans le salon avec Sylvain et ses enfants, alors que son père déplie des chaises en bois pour les nouveaux venus. « Vite Pa, comme d’habitude j’ai besoin de ta sagesse, j’ai aucune idée de ce que j’fais. Qu’est-ce t’en penses ? »

          « Tu te débrouilles très bien, j’étais vraiment fier de ma fille aujourd’hui », déclare Roland Tremblay avec un sourire ironique. « Pis si c’est ta faute, la guerre, les morts, l’isolation du Québec, le transfert en 1754, ben ce s’ra ta faute pis c’est toute. On va survivre. »

          « Très encourageant », continue Virginie. « Tu trouves toujours le moyen de réduire tout ce qui est important dans nos vies à une blague. Mais c’est sérieux, là, j’ai déclaré la guerre avec une nation américaine aujourd’hui, j’vas peut-être même causer la destruction d’la France qui elle aussi est entrée en guerre. »

          « Mais c’est ça être Première ministre d’un Québec souverain », affirme Roland. « Ton demi-frère Éric aurait pu te l’dire, combien d’années y’a passé dans les jeunes libéraux du Québec pis à Ottawa. Ça vient avec la job, pis j’suis certain que personne d’autre aurait mieux fait que toi dans les circonstances. »

          « Justement Éric, je pense que j’vais avoir de la job pour toi dans les prochains jours », confirme Virginie.

          « Qu’est-ce que t’as en tête », demande Éric Gagnon.

          « J’le sais pas encore, mais y va falloir se monter une nouvelle Organisation des Nations unies temporaire avec les étrangers d’la région, avant de pouvoir convaincre les autres pays d’élire leurs représentants. Avec 500,000 habitants dans région on doit avoir pratiquement du monde de tous les pays ? J’me souviens par contre d’avoir lu des statistiques qui disaient que moins d’un pourcent d’la population était d’origine autre que québécoise, c’est pas beaucoup. C’est pas qu’on était pas multi-culturaliste au Saguenay-Lac-St-Jean, j’ai tout fait pour encourager les étrangers à venir s’établir dans région. C’est juste que l’immigration a jamais voulu emménager au Pôle Nord ou en milieu aussi 100 % francophone. J’avais l’intention de te mettre en charge du projet, il faut que ce soit fait indépendamment du gouvernement québécois. »

          « Mais voyons, y va encore avoir un conflit d’intérêt, c’est ton demi-frère », ajoute Sonia Girard, la tante de Virginie.

          « Mais non, il est parfait », défend Ginette Bouchard, la mère d’Éric Gagnon d’un autre mariage et la demie-mère de Virginie. « Tout le monde sait qu’il était le candidat qui a perdu contre elle aux deux dernières élections, leur opposition est légendaire. Éric a toujours été fédéraliste, il a jamais voulu la souveraineté du Québec. Son parti s’est maintenant désintégré. Les Nations unies, c’est comme une fédération, ou une confédération de pays, non ? »

          « L’idée est géniale », se réveille soudainement Éric. « Mais oui, c’est que’que chose que j’peux faire. »

          « Si les ministres sont d’accord, j’en ai pas encore parlé à personne », continue Virginie. « Mais c’est clair que j’ai jamais été une politicienne, avant tout je suis ingénieure. Entre Éric et moi, c’est le lui le charmeur, l’organisateur, celui qui est capable d’emmener les différents partis à table de négociation et de partir un nouveau parti politique ou un gouvernement complet. Même si y’a jamais eu sa chance en tant que Premier ministre. Moi tout m’a été donné depuis le début, j’ai jamais eu besoin de charmer personne. J’ai jamais réussi qu’à aliéner tout le monde. »

          « C’est sa faute aussi, y voulait être Premier ministre du Canada », continue Ben Girard, le grand-père de Virginie. « Après la souveraineté y’a dû se résoudre ou se limiter au titre de Premier ministre du Québec. Pis c’est vrai qu’il a toujours été un meilleur politicien qu’toi, ma petite Virg, parce qu’y’a toujours accepté les pots-de-vin. »

          « Ma politique a toujours été claire et transparente dans les dix dernières années, aucune corruption politique à aucun niveau », affirme Virginie comme piquée à la seule mention de pots-de-vin. « J’ai même tout fait pour assurer une vraie démocratie, en me débarrassant de ceux qui ont été en politique trop longtemps et qui justement vivaient dans un monde de graissage de pattes. J’ai même encouragé les nouveaux venus aux dernières élections, peu importe le parti politique. Ça va pas changer aujourd’hui. »

          « J’ai jamais été corrompu, j’ai jamais accepté de pots-de-vin », admet Éric. « Je suis juste très compétent pour obtenir les fonds nécessaires à une campagne électorale ou pour des projets divers, tout était légal et a été déclaré. Mais là c’est ben différent, recréer une nouvelle Organisation des Nations unies. C’est presque effrayant. »

          « On va pouvoir en reparler demain », finalise Virginie. « Éric, demain matin tu viens avec nous autres à l’Assemblée nationale. »

          « Bon, maintenant tu peux nous raconter ce qui s’est vraiment passé à Omaha », demande Roland tandis que son ex-femme entre dans le salon avec des hors-d’œuvre qu’elle dépose sur la table. « On est curieux de comprendre comment l’issue d’une telle rencontre s’est terminée avec 10,000 missiles lancés sur le Québec. »

          « Mon mal de tête vient d’r’venir ! », crie Virginie.

          « Ben plus important encore, on veut toute savoir de ton nouveau chum Benoît Girard et votre nouvelle union Québec-France, les journaux en parlaient encore à matin à la une. La mariée est pu vierge, ça va devoir être un mariage célébré en noir », lance Benoît.

          « Virginie et Sylvain sont même pas mariés ! », contre-lance Roland. « Y’ont juste le même nom de famille. Tout le monde au Saguenay-Lac-St-Jean sont des Tremblay ou des Girard. »

          « Deux enfants pis pas encore mariés ? Les couples modernes… C’est un mariage en enfer qu’y va falloir célébrer ! Maudits communistes ! », continue Benoît avec un large sourire. 

          « Écoute-le pas, Virg », répond Nicole en riant. « Toute la journée y’a été énervé et excité parce que le Président français a le même nom que lui. Y pense que c’est notre ancêtre direct, la même famille. »

          « Ça doit ben faire 300 ans que le premier Girard est arrivé au Québec », continue Sonia.

          « Justement », affirme Virginie. « Le premier Girard est peut-être pas encore arrivé au Québec. On m’a maintenant confirmé qu’aujourd’hui c’est le 24 juin 1754. Pis si on fait pas attention, le premier Girard n’arrivera peut-être jamais au Québec. Par contre le premier Tremblay est déjà arrivé. Il faut que j’trouve un arbre généalogique d’la famille, si on veut assurer not’ existence familiale… »

          Tout le monde devient complètement sérieux. Puis après quelques secondes tout le monde éclate de rire devant l’absurdité de la situation.

          « Mais dans ce cas-là, notre famille va juste disparaître ? », demande Benoît, redevenant sérieux.

          « Non, non… À mon avis, et je suis l’experte sur le sujet apparemment, le Québec de 2039 est exactement comme on l’a laissé. Une lune pleine de cratères », répond Virginie. « Notre nouvelle ligne du temps est tout à fait unique, c’est comme une nouvelle création, une nouvelle réalité. On peut pu rien changer d’la réalité actuelle. On peut facilement retourner dans le passé, tuer son grand-père, et continuer à exister comme si ça avait aucune importance. Il existe maintenant autant de nouveaux mondes qu’il existe de villes québécoises qui se sont retrouvées dans le passé ou le futur. C’est même possible que certaines villes québécoises soient réapparues exactement le 24 juin 2039, mais dans des mondes parallèles. Si du moins je peux croire l’ancien Premier ministre qui m’a sauvé la vie. Il devait en savoir ben plus que n’importe qui, je me demande comment. J’donnerais cher aujourd’hui pour avoir parlé avec lui plus longuement. »

          « Ben c’est toi l’ingénieure, tu dois ben savoir où on en est rendu », lance Sonia. « Eh, on a voyagé dans le temps, toute la région, c’est que’que chose… »

          « La tourtière est prête, on est prêt à souper, à table tout le monde ! », déclare Nicole.

 

13

 

Chambre du Conseil des ministres, Assemblée nationale, Sainte-Rose-du-Nord, 25 juin 1754

 

          « Ça roule, on filme, vous pouvez commencer ! », annonce une voix sur la galerie du haut des longs piliers de la Chambre du Conseil, là où un large public s’est déjà entassé.

          « Est-ce que c’est moi qui ait eu l’idée d’autant de transparence, que chaque réunion des ministres doit être transmise en direct sur le canal 700 quelque chose ? Aujourd’hui j’aurais apprécié un peu plus d’intimité », commence Virginie assise au bout de la table composée de tous les ministres et du Président français. « Bon, bon, on commence par Claude, le Ministre de l’agriculture, des pêcheries et de l’alimentation. J’ignore combien de poules et de vaches ont survécu à l’attaque, ou de fermes, mais j’ai l’impression qu’on va manquer de lait, de crème, de beurre et d’œufs frais très bientôt, avec une population de 500,000 à nourrir. Mon père survivra pas longtemps sans son fromage en crottes. »

          « Justement », commence Claude, le Ministre de l’agriculture. « Il faut planifier pratiquement une mission militaire pour acheter des vaches, des poules, des cochons et d’autres animaux afin de repeupler nos futures fermes. Sinon on peut toujours commencer un projet de clonage d’animaux de fermes, mais l’idée est pas tellement attirante. Les terres sont arables à l’extérieur du périmètre, mais il va falloir défricher les forêts et replanter. Heureusement il existait tout de même beaucoup de fermes à l’intérieur du périmètre, et on a la machinerie nécessaire pour tout reconstruire. On peut avoir beaucoup planté en moins de deux semaines. »

          « Il nous faut de l’argent, de l’or peut-être, ça peut être échangé partout dans le monde de l’or », continue Virginie. « J’ai comme l’impression que si on prenait une balle d’or agrandie via nos machines de l’expansion subatomique, ils vont voir la différence et affirmeront que ce n’est pas de l’or. Il va falloir créer un nouveau ministère minier. Identifier toutes les mines d’or et d’autres matériaux et métaux dans le monde, et commencer le minage. En fait, il est important d’identifier ces sites dès aujourd’hui et d’envoyer des militaires pour protéger et préparer ces sites, et les faire reconnaître en notre nom auprès des autorités compétentes. Il va falloir encourager une immigration vers les mines, de préférence des Français de 1754, et bien rémunérer les travailleurs, pas d’esclavage. Il faut commencer la production de la machinerie nécessaire. Contactez l’Alcan et tous les bureaux d’ingénieurs conseils de la région. Où est mon secrétaire ? Ah André, tu prends note ? »

          « Oui, oui, Virg, j’prends note », annonce André.

          « Pas besoin d’un ministère minier, c’est ma responsabilité, le ministère des ressources naturelles et de la faune », affirme Nathalie insultée.

          « Eh ! C’est mon domaine, le ministère des finances ! », lance Raymond.

          « Bon, bon, tous les deux vous vous en occupez », ordonne Virginie. « Coordonnez avec Bagotville, il nous faut de l’or le plus vite possible, mais on a déjà une bonne réserve de toute manière. Ça va faire l’affaire pour l’instant. Envoyez des délégations anonymes pour acheter des animaux de fermes et tout autre chose dont nous avons besoin, n’importe où dans le monde, on va ramener tout ça ici en avion, va falloir être discret pour l’instant. Autre chose Nathalie ? »

          « Des ressources naturelles, en veux-tu en v’là. J’allais justement proposer un plan pour protéger nos ressources naturelles et les ressources naturelles mondiales avant que tout le monde commence à tout détruire. On peut maintenant amener notre nouvelle technologie au monde entier et assurer la sauvegarde des ressources naturelles du monde. On a une chance unique de sauver et d’offrir à la faune un paradis naturel qui durera une éternité. On a plein d’idées. »

          « J’avais pas fini », continue Claude, le Ministre de l’agriculture. « Je pense que la phase d’essai de l’agrandissement de la nourriture est maintenant terminée. » Il clique des doigts et soudainement deux hommes déposent sur la table un bol de verre gargantuesque contenant quatre bleuets géants. « Voici le nouveau symbole de notre nouvelle nation, quatre bleuets gigantesques, significatif de la Renaissance de la Nouvelle-France ! Avec quatre bleuets seulement on peut maintenant offrir un banquet pour une centaine de personnes. »

          « Es-tu bien certain que l’on puisse digérer aisément de la nourriture composée de molécules aussi agrandies ? », demande Virginie inquiète. « J’ai jamais vu des bleuets aussi gros… »

          « Les tests sur nos volontaires ont été concluants. Non seulement j’en suis certain, mais en plus on va éradiquer la famine mondiale de 1754. On est déjà en train de fabriquer des fours chimiques d’agrandissement de la nourriture », confirme Claude.

          « Bien, mais seulement pour les nations qui vont accepter d’envoyer des délégués à notre nouvelle Organisation des Nations unies, et qui respecteront notre charte des droits et libertés, et notre nouvelle constitution mondiale d’un monde uni dans la paix et la fraternité. Pour l’instant on va utiliser l’éradication de la famine et de la pauvreté des nations comme levier politique pour assurer la paix et la modernité dans le monde. Ça semble immoral mais c’est nécessaire à long terme pour le nouvel ordre mondial que j’ai l’intention de créer en 1754. Mon demi-frère Éric va être en charge de créer la nouvelle Organisation des Nations unies, à moins qu’il n’y ait une objection ? Personne ? Bon c’est réglé. Autre chose ? »

          « Faudrait une route vers la ville de Québec et une autre vers Montréal », affirme Julie, la Ministre des transports.

          « Deux autoroutes asphaltée donc, il faut commencer maintenant, et entre-temps le plus rapidement possible des routes de gravelle vers ces villes et les colonies anglaises qui nous entourent », confirme Virginie. « Bien que pour l’instant, avec de telles flottes navales et aériennes à notre disposition, c’est pas tellement inquiétant. Autre chose ? »

          « Les affaires autochtones », annonce le Ministre des Affaires autochtones.

          « Ah oui, il va falloir entrer en contact avec eux, établir une communication, comprendre ce qu’ils veulent et le leur donner », annonce Virginie. « Pour l’instant ça a pas besoin de devenir un problème. Mais ça va devenir une question importante. On va pas répéter les erreurs du passé. Pierre tu t’en occupes. Et l’autre Pierre, tu as quelque chose à nous dire ? »

          « En tant que Ministre des Relations internationales et de la francophonie, en effet je propose de nous rendre à Québec aujourd’hui même pour leur signifier non seulement notre aide dans leur guerre contre les Anglais, mais aussi assurer une paix durable entre toutes les nations du monde, en une Amérique du futur francophone », confirme Pierre.

          « Je suggère aussi de se rendre en France et d’entrer en contact avec le Roi », annonce Benoît Girard, l’ex-Président français.

          « Tu as encore l’intention d’être le Président de France, Benoît ? », demande Virginie.

          « Nous verrons. Mais pour l’instant ce qui est inquiétant est que dans les prochaines années les Anglais vont prendre d’assaut la ville de Québec et tous les forts français en Amérique, nous sommes en 1754. Dans moins de deux ans commence la guerre de Sept Ans, pratiquement la vraie Première guerre mondiale. Je n’ai aucune intention de voir les Britanniques encore une fois prendre le contrôle de toutes les colonies françaises et espagnoles dans le monde. »

          « Non parce que personne va prendre le contrôle d’aucune colonie », affirme Virginie, devant un Président français bouche bée. « Il n’y aura plus aucune colonie dans le monde. C’est fini les guerres et les occupations. On verra cependant pour la colonisation des Amériques, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, encore là il existe la question des autochtones. On a besoin d’un Ministre de la guerre et de la paix, ça j’suis sûre qu’on n’en a pas un. Pratiquement une chirurgie militaire qu’il nous faut. Je propose que le Général Néron s’en occupe, j’ai la preuve maintenant que c’est un homme humanitaire. Des objections ? Non ? Bon c’est réglé. Ça suffit, vous êtes organisés, vous savez ce que vous avez à faire. Veuillez préparer un hélicoptère ministériel, on s’en va à Québec. »

          « Euh, moi aussi ? », demande un Président français mal à l’aise.

          « Bien sûr Benoît, j’ai besoin d’toi. On s’en va rencontrer les représentants du Roi français en Nouvelle-France, et leur proposer une aspirine qui va régler tous leurs maux de tête. Mais j’ai l’impression que quand on va tenter d’les convaincre que l’on vient du futur, ça va être une pilule difficile à avaler. Oublie pas que sans doute ils parlent exactement comme les Québécois parlent aujourd’hui, l’ancien français colonial. Le français littéraire parfait que tu utilises, celui d’une génération future, existe pas encore en 1754. Personne parle un tel français aujourd’hui, il va falloir que tu me laisses négocier », termine Virginie d’un air moqueur.

 

14

 

Au-dessus des Parc des Laurentides en direction de la ville de Québec, 25 juin 2039

 

          « C’est là que l’Étape se situait… », affirme Virginie en regardant par la fenêtre d’un des cinq hélicoptères qui représentent la délégation du futur prête à rencontrer le passé de 1754 dans la ville de Québec. « L’Étape pour moi et mon frère ça représentait tout, la moitié du chemin entre Québec et Alma quand on allait visiter nos grands-parents au Lac-St-Jean. Un voyage interminable en auto dans les montagnes, on montait et on descendait pendant trois heures et demie. On était toujours malade, mon père devait arrêter partout pour qu’on vomisse le long d’la route. On devait prendre du Gravol, aujourd’hui j’suis convaincue que c’est l’Gravol qui nous rendait malade. Apparemment ils ont découvert plus tard que le diménhydrinate, ça avait des propriétés hallucinogènes. Hé qu’on savait rien dans c’temps-là. »

          « Aujourd’hui j’imagine que trois heures et demie ça paraît pas aussi long ? Aujourd’hui, je veux dire jusqu’à hier », ajoute Benoît.

          « La route était bien meilleure hier », se souvient Virginie. « Mais le Parc des Laurentides a toujours été meurtrier, j’ai perdu beaucoup d’amis dans le parc dans ma jeunesse. Sans compter les légendes de fantômes qui font du pouce le long d’la route. Apparemment ils veulent que tu fasses un accident aussi, que tu meures et que tu les joignes dans l’au-delà. En plus, j’suis une folle d’la vitesse, ça m’prenait juste une heure traverser le Parc des Laurentides en auto quand j’avais pas les jumeaux avec moi. Pour les autres à vitesse normale ça prenait deux heures et demie. Une fois j’ai même eu un accident assez sérieux, c’était infernal. De Montréal je me suis d’abord rendu à Ottawa pour aller chercher mes affaires laissées-là après mes études, puis le retour à Montréal, puis la ville de Québec après avoir visité l’Ancienne-Lorette où j’ai habitée dans ma jeunesse, pis le Parc des Laurentides à trois heures du matin. Je pense que c’était en plein mois de juillet, l’été en tout cas. Puis soudainement en plein milieu des montagnes j’ai rencontré d’la neige et d’la glace à 180 kilomètres heure. J’devais avoir 24 ans je pense. J’suis convaincue que j’suis morte dans l’parc à cet instant mais que j’ai quand même survécue quand, à la dernière minute, j’ai vu mon futur. J’ai lâché le volant pour me protéger la tête, un acte insensé qui m’a sans doute sauvé la vie. Ma main était en sang, exactement où ma tête aurait dû cogner la vitre de l’auto. »

          « Morte dans des univers parallèles ? », demande Benoît. « Tu penses encore qu’il existe des mondes parallèles, mais ta théorie de l’expansion subatomique vient de détruire la mécanique quantique, il n’existe plus d’autres réalités qui existent en parallèle de la nôtre. »

          « Et pourtant si le voyage dans le temps existe, Benoît, il faut bien admettre l’hypothèse des mondes parallèles, pour contourner ces théories des paradoxes du temps. Tout le monde existe encore, je n’ai vu aucun paradoxe, aussi loin que l’on puisse voir et se souvenir des événements », affirme Virginie. « Il est possible qu’il n’existe qu’une seule réalité, qu’une seule ligne du temps, et maintenant nous la changeons et le futur que l’on connaît n’a jamais existé, n’existera jamais. Mais j’ai pas cette impression. Benoît, voilà dix ans sur le podium du Palais des sports de Jonquière, j’ai eu un déjà vu vivide. L’ex-Premier ministre était pas là, il n’aurait pas dû être là, j’allais être assassinée. Il le savait, ne me demande pas comment, mais il le savait. Il m’a dit que j’allais comprendre dans moins d’une minute pourquoi il s’avançait vers le podium avec moi. Il s’est jeté sur moi pour me protéger, avant même que les coups de feu se fassent entendre. »

          « Mais il t’a dit qu’il avait des renseignements de ses contacts aux États-Unis, il le savait que le Président Johnson planifiait ton exécution. »

          « Le Québec a jamais eu de service secret ou d’espions d’la couronne à la James Bond. C’était plus que ça, c’est comme si quelqu’un avant nous, de notre futur, ne me demande pas lequel futur, avait aussi été transporté dans le passé, et qu’il ou elle connaissait l’histoire. J’aurais dû mourir voilà dix ans, j’en suis certaine. Tu pourrais dire que mon existence aujourd’hui n’est pas naturelle, mais que je suis vivante pour une raison qui va tout changer pour le mieux, pour prévenir le pire. Non pas que je pense être Jésus-Christ réincarné, loin de là... »

          « Comme tu es certaine que dans ton accident de voiture voilà des années, juste en bas, tu sois morte ? »

          « Oui, pourquoi pas, exactement. Ça me laisse froide, vide, comme si j’avais perdu une grande partie de ma force, de moi-même. Les mondes parallèles n’existent plus parce que la mécanique quantique n’existe plus. Mais j’ai l’impression que la réalité du monde est loin d’être aussi matérielle qu’on le pense. On crée notre réalité Benoît, on crée notre futur, comme un ordinateur fait quand il crée des mondes virtuels. On a le même cerveau que les machines, un est fait de carbone et l’autre de silicone, mais ça fonctionne exactement de la même manière, ça crée ce que ça veut, ce que l’on programme que l’on veut. C’est pourquoi on est exactement en 1754, une année tellement propice pour la Nouvelle-France. On l’a voulu, on l’a décidé d’une manière inconsciente peut-être, la réaction chimique de l’attaque et nos défenses, on est exactement où on voulait être quand on s’est rendu compte des conséquences de l’attaque américaine. Pis maintenant on peut changer l’histoire, on peut avoir une revanche absolue sur l’histoire. Tu penses quand même pas que c’est une coïncidence ? »

          « Tu penses que c’est ta destinée d’être encore en vie. Mais si t’étais morte le jour de tes élections, on aurait évité la guerre, l’enfer dans lequel on vit à l’heure actuelle. Quel intérêt alors de te sauver ? As-tu pensé à ça ? », demande Benoît.

          « Ben oui j’y ai pensé. Les seules personnes capables d’éviter mon assassinat le soir de mes élections, sont ceux qui existent parce que j’ai survécue. Sans moi il n’y aurait pas eu de souveraineté, il n’y aurait pas eu de guerre, il n’y aurait pas eu de voyage dans le temps. Pourtant on m’a sauvée, c’est donc qu’il existe au moins un monde parallèle où j’ai survécue. Et ils sont retournés dans le passé pour maximiser les avenues où le voyage dans le temps sera possible, pour assurer leur propre existence. Bien sûr ceux du futur, de notre futur actuel, ne peuvent pas, ne veulent pas conceptualiser une existence radicalement différente de la leur. Eux seuls pouvaient me sauver, eux seuls voyaient la raison de me sauver la vie, pour assurer leur futur. J’existe juste pour eux aujourd’hui. Mais peut-être as-tu raison, il aurait peut-être mieux valu que je meure voilà dix ans. Le voyage dans le temps doit être considéré comme dangereux, même pour le Québec libre du futur. Si jamais un président américain mettait sa main sur une telle technologie, on n’aurait aucune chance de survie hier, aujourd’hui ou demain. J’espère qu’ils en sont conscients dans le futur et que c’est un secret durement gardé. »

          « Tu n’as tout de même pas l’intention d’annoncer ça au représentant français à Québec ? »

          « Non, non. J’suis pas folle quand même. Ça va déjà être impossible de les convaincre que l’on vient du futur, j’vas pas commencer à leur parler de théosophie et de philosophie. »

          « Théosophie ? »

          « Manière de parler… J’crois pas encore en Dieu, sinon, c’est moi-même qui suis Dieu et je crée cette réalité et tout autre monde parallèle comme bon me semble, car il n’existe que moi dans tout l’univers, un univers qui n’existe que dans ma tête, comme dans un de mes rêves. J’en suis capable de tels rêves, j’ai beaucoup lu de science-fiction dans ma vie, mes rêves sont forts complexes, crois-moi. »

          « Pfiou ! »

          « Oui, pfiou ! Enfin on arrive à Québec, il était temps, avant que je ne devienne complètement folle aliénée mentale. »

 

15

 

Ville de Québec, enceinte fortifiée, 25 juin 1754

 

          « Suivez-moi ! », annonce le soldat de 2039 arrivé la veille sur le sous-marin, alors qu’une délégation le suit. « Depuis hier on a déjà expliqué la situation au Français en charge, comme on a pu. Il avait des doutes c’est certain, mais après avoir visité le sous-marin, il a dû admettre qu’on disait peut-être la vérité. Y’avait jamais vu une lumière artificielle pour commencer… une ampoule électrique ! Alors un sous-marin… »

          « J’ai mal au ventre », commence Virginie. « Qu’est-ce que j’ai mangé… je me suis toujours demandé qu’est-ce que ma mère met dans sa tourtière végétarienne. Ou c’est le vin cheap de mon père. Lui pis ses convictions qu’il connaît tout du vin français, à en avoir fabriqué lui-même avec des sachets de poudre… j’me rends compte que finalement il n’a jamais acheté que du vin de table. Notre vin maison, mon œil, j’ai mal au ventre ! »

          « Virginie, ce n’est pas le moment d’être malade. Nous sommes en train de faire l’histoire, nous allons rencontrer l’équivalent de Louis-Joseph de Montcalm », affirme Benoît. « Lui va arriver dans deux ans, quand ça va devenir sérieux, au début de la guerre de Sept Ans. Regarde, le Vieux-Québec, le mur tout beau tout nouveau, les dernières fortifications de la ville de Québec. Respire, c’est vivifiant ! »

          « J’vas dégueuler… », répond Virginie, marchant sur le côté et vomissant près du mur. « Oh mon Dieu ! Comment j’vas survivre la journée ? »

          « Pauvre Virginie… », console Benoît. « Ça a pas été facile ces derniers jours… »

          « C’est sans doute même pas le vin. C’est de revenir dans la ville de Québec, ça me rend toujours malade. C’est ma ville natale, j’avais tellement de rêves quand j’étais jeune, d’aller à la grande polyvalente, de devenir ingénieure dans la vieille ville, mais mes parents ont déménagé trop vite au Saguenay-Lac-St-Jean. Soudainement ma réalité d’enfance s’est effacée. J’avais pas l’impression de vivre dans le vrai monde, la vraie réalité. Quand je reviens à Québec, que je constate que j’ai jamais atteint l’Université Laval, la seule université en existence pour moi quand j’étais jeune, j’ai comme l’impression d’avoir manqué ma vie. D’être une ratée. »

          « Mais voyons, tu as été Première ministre à Québec pendant 10 ans, comment as-tu survécue ? », demande Benoît.

          « Justement, j’ai pratiquement pas survécue. Voilà pourquoi j’ai passé le clair de mon temps au Saguenay-Lac-St-Jean. Ma ville natale me rend malade, c’est inexplicable. Pis j’peux t’assurer que j’marchais pas sur la rue Saint-Jean quand j’revenais à Québec. »

          Passant la nouvelle porte Saint-Jean, Virginie regarde la porte, et recommence à être malade. Devant l’aide qui vient à elle, elle se reprend, les repousse et demande :

          « Qui est en charge à Québec ? »

          « Un certain Jérôme I. Écolan d'Armor », annonce le jeune soldat.

          « Jamais entendu parler de lui », annonce Benoît.

          « On a fait une recherche monumentale sur la cache de l’Internet qu’on a sauvée, toutes les encyclopédies possibles, Jérôme Écolan d’Armor n’a jamais existé », affirme le soldat.

          « N’a jamais existé de notre point de vue », confirme Virginie. « Tout a changé, j’le sais maintenant, j’l’ai compris aussitôt que l’ex-Premier ministre connaissait une histoire que nous ignorions. Montcalm ne viendra jamais au Québec, l’histoire est déjà différente. Quelqu’un, un Québécois ou une Québécoise du futur a déjà été dans le passé. Mais il ou elle n’a pas changé grand-chose du passé, sinon prévenir mon assassinat en 2029. Le voyage dans le temps a été perfectionné dans le futur, au Québec du moins, on n’a aucune idée du comment l’histoire a changé, si l’un d’eux a remonté dans le temps avant 1754. »

          « Mais dans ce cas, l’histoire aurait radicalement dû être changée », dit Benoît. « Nous devrions déjà avoir conquis le monde entier ! »

          « Benoît ! », crie Virginie. « On pense pas comme toi dans le futur, on ne pense plus à conquérir le monde entier à l’avantage d’une nation. Et je pense que cette mentalité commence avec moi. Commençait avec moi, a commencé avec moi. J’ai été sauvée. C’est pas la suprématie de la France sur le monde que j’m’en vas négocier avec Jérôme Écolan d’Armor. C’est la sauvegarde d’un monde démocratique et libre. Mais on dirait que ça me rend malade… pourtant, il faut que j’me réveille. Il faut que j’me réveille à la nouvelle réalité, une réalité aussi éphémère. Demain on va revenir à Québec et ce sera Montcalm qu’on va rencontrer. Tout ce que l’on peut penser peut arriver. Tout ce que l’on pense arrivera, si on a la volonté de changer l’histoire, le futur. »

          « Ça ne fait aucun sens ce que tu dis Virginie. Tu n’as aucune idée, tu ne sais pas. Personne ne s’intéressait au Québec en 1754, il est fort possible que Jérôme Écolan d’Armor était le Français stationné en Nouvelle-France, et comme la date n’était pas très importante, il est passé inaperçu et n’est entré dans une aucune de nos encyclopédies. »

          « La guerre de la Conquête de 1754, qui commence dans quelques jours ? Ça s’rait surprenant », termine Virginie. « Le présent, enfin le passé, enfin le futur, est maintenant tout à fait différent. »

          Enfin ils atteignent un bâtiment sur la rue Saint-Jean et Jérôme Écolan d’Armor vient à leur rencontre :

          « Alors vous êtes les Français du futur, ceux qui vont conquérir l’Amérique et sauver la France ? »

          « Nous sommes les Québécois du futur, nous sommes ceux qui vont sauver le monde », répond Virginie. « Vous avez d’la ranitidine pour l’indigestion et quelque chose qui ressemble à des toilettes ? J’peux quand même pas r’tourner au bateau ou l’sous-marin, et j’ai comme… mal au cœur. Est-ce que les brosses à dents et la pâte dentifrice existent en 1754 ? »

 

16

 

Quartiers généraux français à Québec, 1754

 

          « On vous a préparé un buffet, j’ai pensé que d’abord ce serait mieux une rencontre informelle », commence Jérôme Écolan d’Armor. « Vous avez faim ? »

          « Plusieurs d’entre-nous sont végétariens, je suppose pas que… », répond Virginie.

          « Végétariens ? », demande Jérôme.

          « On mange pas de viande », continue Virginie.

          « Quoi ? C’est ça le futur de la France ? Il n’existe plus de viande d’où vous venez ? », se questionne Jérôme.

          « Non, non, en France moins de 2% de la population est végétarienne en 2039 », asserte Benoît. « Je suis Benoît Girard, le Président de la République française, et voici Virginie Tremblay, Première ministre du Québec en 2039. »

          « Vous êtes à la tête des gouvernements en France et en Nouvelle-France dans le futur ? Je suis honoré. J’ai cru comprendre par vos soldats que la monarchie était tombée en 1789, mais pas en Grande-Bretagne et certains autres pays, apparemment ils ont tous des gouvernements démocratiques en parallèle de la royauté ? »

          « Oui, exactement ! », annonce Virginie surprise. « Avec qui de notre délégation vous avez parlé ? »

          « Un certain Jérôme Thivierge », répond Jérôme. « Je me suis intéressé à lui parce que nous avons le même prénom, comment alors pourrait-il être un traître ? Il m’a également expliqué que vous aviez découvert une nouvelle théorie de la gravité qui remet en question Isaac Newton. Je trouve le sujet fort intéressant, votre nouvelle science qui permet le voyage dans le temps. »

          « Ouais, ben, enfin, y’a rien dans notre théorie qui puisse expliquer le voyage dans le temps, au contraire. Dans notre vieux modèle standard fantaisiste oui, mais plus maintenant », reprend Virginie embarrassée. « Mais certainement avec le temps on va réussir à comprendre ce qui s’est passé, et aussi, on le sait maintenant, dans le futur on va inventer une machine à voyager dans le temps. Pour l’instant notre présence en 1754 demeure un mystère. »

          « Un mystère qui va nous faire gagner la guerre contre les Anglais ? Une guerre hypothétique… », demande Jérôme.

          « Oh oui, cette guerre est très réelle, elle va commencer la semaine prochaine dans la vallée de l’Ohio, avec le meurtre du Français Joseph Coulon de Jumonville, un meurtre que va commettre George Washington lui-même à la bataille de Jumonville Glen. Nous allons les massacrer ces Anglais ! », ajoute Benoît en riant, alors que Jérôme semble se questionner. « C’est-à-dire, c’est une figure de style, une façon de parler. »

          « Ce que Benoît veut dire, c’est que définitivement nous avons les moyens d’arrêter toutes les guerres dans le monde, dans les prochains jours. Mais ce n’est pas une prise de pouvoir absolue, ou le début d’un nouvel ordre mondial. Mais c’est certainement la fin du règne anglais et espagnol en Amérique, en Australie et en Nouvelle-Zélande, et le début d’une colonisation française. Mais tout le monde, même la France, va perdre ses colonies partout dans le monde, les pays occupés. »

          « Mais c’est impensable ! Jamais le roi n’acceptera ça ! », se scandalise Jérôme.

          « Il n’aura pas le choix », annonce gravement Virginie. « En plus, son règne va devenir symbolique très bientôt, parce que la France va devenir une république démocratique le plus rapidement possible afin de montrer au reste du monde que la démocratie c’est essentiel. »

          « Je n’avais pas compris que vous représentiez un ennemi encore plus grand que la Grande-Bretagne ou l’Espagne. Gardes ! Au nom du Roi, saisissez-les ! », crie Jérôme Écolan d’Armor.

          « Mais voyons donc, tes gardes peuvent rien faire contre nous autres », annonce Virginie. « On n’est pas venu ici sans prendre de précautions. Mes soldats, comme tu les appelles, ont déjà testé tes meilleures armes. Jérôme, demande à tes hommes de nous tirer dessus avec leurs mousquets. »

          « Mais je n’ai pas l’intention de vous tuer, je vais vous prendre en otage, vous êtes mes prisonniers. »

          « Ils ne nous tueront pas, c’est pour te prouver que nous sommes invulnérables », continue Virginie.

          « Gardes, parez à tirer… feu ! », lance Jérôme.

          La garde de Jérôme s’exécute, et alors que le nuage commence à se dissiper, tout le monde constate que tous les coups de feu ont raté leurs cibles et se sont retrouvés au plafond.

          « Mais c’est de la magie ! », rétorque Jérôme.

          « Non, c’est juste un déflecteur magnétique puissant, mais ça sera pas assez pour les autres invasions. On a d’autres idées. Mais voici un pistolet à impulsion électrique sans fil, aussi appelé un taser gun ou un choqueur. Tu permets la démonstration ? C’est non létal, personne va en mourir », répond Virginie.

          « Faites… je suis curieux », commande Jérôme.

          Virginie appuie sur la gâchette et aussitôt la garde de Jérôme Écolan d’Armor lance des cris et s’effondre par terre.

          « Ils seront debout et comme neufs dans environ vingt minutes », annonce Virginie.

          « C’est avec ça que vous allez convaincre le Roi de céder son royaume à vos propres hommes ? », questionne Jérôme.

          « Pas nos propres hommes, ce sera une démocratie. N’importe quel Français ou Française pourra se présenter aux élections et être élu(e) président ou présidente de la République française », affirme Benoît.

          « Écoute Jérôme, on n’est pas ton ennemi ou l’ennemi du roi », affirme Virginie. « Nous sommes des alliés qui vont changer le monde, que l’aristocratie le veuille ou non. L’aristocratie n’aura plus aucun pouvoir, c’est vrai, elle va devenir symbolique, des ambassadeurs non officiels pourquoi pas, elle sera encore riche pour l’instant, mais ce que nous avons à offrir pour tout le monde c’est la devise de la France du futur : Égalité, Liberté, Fraternité pour chaque citoyen et citoyenne. On va arrêter les guerres, on va assurer le français comme langue internationale, résoudre la famine et la pauvreté dans le monde, assurer une paix durable qui apportera le bonheur du monde entier. On va même éviter l’instauration d’un système économique précaire, pour ne pas dire pratiquement virtuel, qui appauvrit le monde entier à chaque dizaine d’années sans raison pratique. On apporte beaucoup en échange pour tous les Français et les Françaises, et le reste du monde. »

          « J’imagine que vos bateaux de guerre sont capables de beaucoup plus ? Capable de détruire la ville de Québec en un instant ? », demande Jérôme incertain.

          « Vous êtes nos ancêtres, nos frères et nos sœurs. Jamais on détruirait la ville de Québec », affirme Virginie. « De toute manière, on va tenter de ne tuer personne, nos armes sont non létales. Mais tout de même, on a énormément d’armes létales si nécessaire. Est-ce que tu veux voir en combien de secondes je peux ordonner la destruction de tes quartiers généraux ? Encore une fois personne ne va mourir. »

          « Faites… », confirme Jérôme.

          Aussitôt Virginie semble se parler à elle-même, alors qu’elle approche d’elle un microphone installé dans ses vêtements.

          « Regardons par la fenêtre, le ciel… », annonce Virginie.

          Quelques secondes plus tard une bombe explose au-dessus des quartiers généraux français à Québec, mais d’une hauteur suffisante pour éviter un quelconque impact, mais tout de même suffisamment proche que le bâtiment en tremble.

          « Si j’avais voulu j’aurais pu ordonner notre mort instantanée, la destruction absolue de vos quartiers généraux, en quelques secondes seulement », averti Virginie. « Mes soldats ne m’auraient jamais questionnée, ils l’auraient fait. Et ma mort ne changerait rien à ton problème, demain matin quelqu’un d’autre me remplacerait. Quelqu’un qui deviendrait aussi important ou importante que moi, parce que finalement je ne suis pas vraiment importante ou quelqu’un d’extraordinaire pour ma nation. J’ai juste été élue, et seulement pour quatre à cinq ans. Après je suis ou bien réélue ou je suis remplacée. En fait, nos élections ont été reportées à dans un an, l’année prochaine tu devras faire affaire avec quelqu’un d’autre que moi au pouvoir, et ça peut être n’importe qui. C’est ça l’idée de la démocratie. »

          « Je vois que je n’ai aucun choix », admet finalement Jérôme. « Vaut mieux vous avoir de notre côté que du côté de l’ennemi. Eh bien, passons à la salle voisine, à la table de négociations, et discutons vos demandes. La Nouvelle-France capitule. »

          Alors que notre monde passe à la salle voisine et s’assoit à la table, Virginie s’exclame :

          « Mais tu comprends rien, le Québec capitulera jamais ! On est le Québec ! On est tous québécois et québécoises ici. On va assurer l’hégémonie québécoise dans le monde ! Ça va juste être pour le bénéfice de l’humanité, et non des Québécois ou des Français. Jérôme, peut-être que si tu apprenais notre histoire depuis 1754, tu comprendrais nos intentions. Les idées de conquêtes, de colonisations, de prendre avantage et d’exploiter les autres nations, c’est fini. L’humanité entière va entrer dans une nouvelle ère de prospérité, de paix, et surtout de libération contre toute autorité écrasante. Même les religions dans le monde vont soudainement prendre une place beaucoup plus petite, les autorités religieuses vont s’asseoir en arrière plan. J’ai peine à me contenir, sauter dans un avion, me rendre au Vatican, et annoncer au Pape que son règne de terreur est terminé. »

          « Je n’aime pas ce que j’entends. Le Roi non plus n’aimera pas l’entendre », affirme Jérôme. « Concrètement, qu’est-ce que vous voulez ? »

          « Il vaudrait peut-être mieux de continuer notre conversation avec le Roi, à Versailles ? », demande Benoît.

          « Tu penses ? », répond Virginie. « Si on prend plusieurs nouveaux jets on peut être là en moins d’une heure, on va emmener Jérôme, ça devrait surprendre le Roi. »

          « Une heure ! », s’exclame Jérôme. « Mais c’est impossible ! Vous êtes vraiment capables d’un tel accomplissement ? »

          « On va voler au-dessus de l’océan, laisse-moi contacter Bagotville… », avise Virginie avec un sourire ironique. « C’est tellement facile d’impressionner la galerie de 1754… leur premier vrai vol va avoir lieu en 1903, je pense ? La seule question est où atterrir près de Paris ? »

          « Les jardins royaux de Versailles devraient être adéquats pour nos derniers modèles », annonce un soldat, « on peut atterrir n’importe où si on prend les jets qui atterrissent à la verticale ». 

          « On va créer toute une sensation à Paris ! », lance Virginie. « On y va ! Mais avant d’atterrir on va leur présenter tout un show, j’veux d’la boucane, une explosion de feux d’artifices, du bruit à ras les maisons parisiennes, ils vont en parler encore dans 100 ans. Les Québécois reviennent en France ! »

          « Vous allez attaquer Paris ? Sans même d’abord négocier avec le Roi ? », questionne Jérôme.

          « Nous n’attaquerons jamais Paris, je suis le Président de la France ! », affirme Benoît.

          « Vous allez m’emmener de force ? Comme un prisonnier ? », demande Jérôme ?

          « Pauvre Jérôme, t’as vraiment aucune idée de nos intentions », murmure Virginie. « Est-ce qu’on y va trop fort ? Est-ce qu’on a apeuré les Québécois du passé ? J’voudrais pas commencer nos nouvelles relations avec la France ou la Nouvelle-France avec un malentendu. On devrait peut-être oublier le show à Paris, on va juste atterrir à Versailles. Tu sais Jérôme, j’espère que tu vas devenir un grand ami des Québécois du futur. T’es pas obligé de venir, je t’invite officiellement à venir à Paris avec nous. »

          « J’accepte alors l’invitation, mais seulement parce que je dois absolument m’entretenir avec le Roi au plus tôt, pour lui indiquer ce que j’ai vu et le danger que vous représentez pour la monarchie française. »

          « D’accord, on passera le reste de la soirée à le convaincre du contraire », finalise Virginie. « On n’est pas des monstres. D’ailleurs, c’est quel Roi en ce moment en France en 1754, ça serait pas Louis XVI ? »

          « Louis XV », corrige Jérôme.

          « Louis XVI va naître dans deux mois exactement à Versailles, le 24 Août 1754, je pense. La Reine est enceinte », affirme Benoît. « Louis XVI aurait été facile à convaincre, pour nos idées de démocraties, il sera le dernier Roi en France, il mourra guillotiné en 1793 par les Révolutionnaires, si je me souviens bien. »

          « La fameuse Révolution française dont Jérôme Thivierge me parlait ? », demande Jérôme Écolan d’Armor. « Il ne savait pas grand-chose de la Révolution sauf que c’était en 1789. Vous n’apprenez donc pas votre histoire dans le futur ? »

          « J’imagine que les Français de 2039 connaissent toute l’histoire de la France pas cœur », ajoute Virginie piquée. « Mais nous autres au Québec aujourd’hui on apprend surtout l’histoire du Québec et du Canada. On a une histoire aussi au Québec, tellement de dates, j’les ai même déjà toutes oubliées. »

          « Je pensais que l’histoire des Québécois c’était l’histoire des Français ? », continue Jérôme.

          « Bon, bon ! Ça va changer maintenant tu peux être sûr. J’suis certaine que tout l’monde au Saguenay-Lac-St-Jean en ce moment sont sur l’Internet pour lire l’histoire du monde en 1754. C’est seulement depuis la souveraineté du Québec voilà 10 ans qu’on s’est rapproché d’la France, c’est vraiment deux pays différents. Qu’est-ce qu’on a en commun avec la France aujourd’hui ? On est tellement américanisé, avant la souveraineté on était encore plus américains que les Américains. Pis mon frère à Londres, en amour avec sa monarchie anglaise, était encore plus anglais que les Anglais. Même mon demi-frère Éric, un fédéraliste peux-tu croire, était plus canadien que québécois. On avait perdu notre identité nationale, mais j’pense qu’en 1754 on va la r’trouver. »

          « Virginie Tremblay, je comprends rien à ce que vous dites. Cependant, Jérôme m’a montré votre Internet », affirme Jérôme.

          « Eh puis ? », demande Benoît.

          « Eh puis quoi ? », répond Jérôme. « Je n’ai rien compris de ce que c’était, malgré que ça ma semblé extraordinaire. J’ai découvert qu’il existait toute une littérature française que personne ne connaît. »

          « Est-ce que Louis XV aime la littérature ? », questionne Virginie. « Vous autres les Français vous êtes trop cultivés, trop intellectuels. On pourrait préparer un cadeau pour Louis XV, une librairie entière de la littérature française du futur. Penses-tu qu’il pourrait lire sur mon téléphone cellulaire ? Ça va marcher en France, il se recharge à la lumière et au mouvement… en plus il va bien falloir garder contact avec lui pour coordonner notre attaque contre les Anglais et les Espagnols. »

          « Tu sautes du coq à l’âne Virginie », annonce Benoît. « On aura bien le temps de regarder à tout ça. »

          « En tout cas moi je suis très intéressé… », répond Jérôme.

          « Ah tu vois ? », affirme Virginie avec le sourire.

          « Eh bien, je vais lui offrir un exemplaire de Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre », dit Benoît. « L’auteur est vivant en France aujourd’hui, il serait surpris d’apprendre qu’il est l’auteur d’un classique. Je pense que le livre a été publié juste avant la Révolution. »

          « Non, non, Paul et Virginie ça reflète vraiment pas les idéaux du futur. Le triomphe de la vertu… mon Dieu, ça s’rait une régression absolue », se lamente Virginie.

          « D’autant plus que tu es loin d’être l’image de la virginité », continue Benoît. « J’ai suivi dans les magazines l’histoire de tous tes amants avant que tu te stabilises avec Sylvain. »

          « Au moins j’en ai jamais trompé un », confirme Virginie.

          « Tu les remplaçais trop rapidement pour commettre une infidélité », ajoute en sarcasme Benoît.

          Virginie et Benoît se retournent alors pour observer Jérôme qui se tient maintenant droit, la bouche ouverte, incapable de dire un mot.

          « Oups, je pense qu’on a scandalisé le grand Jérôme Écolan d’Armor. J’ai pas été élue Première ministre pour ma vertu, pis j’suis pas différente des autres du futur. C’est juste que ma vie a été décortiquée en long et en large à TV, c’est pas ma faute. De toute manière les rois en France avaient toujours un paquet de maîtresses. »

          « Très vrai, la maîtresse de Louis XV en ce moment est la Marquise de Pompadour, sa fille Alexandrine vient de mourir en fait, non ? », dit Benoît.

          « Alexandrine serait morte ? », se plaint Jérôme.

          Virginie sort alors son téléphone cellulaire, cherche sur l’Internet et affirme : « Tu es si proche du Roi Jérôme ? Et pourtant tu n’existes pas dans nos livres d’histoire. Voilà ! Madame de Pompadour… mon Dieu, elle possède au moins une dizaine de châteaux, a une tête ovale parfaite comme une olive verte, le Petit Trianon de Versailles a été construit pour elle par Louis XV, mais elle est morte avant que ça soit finit, en 1764. Sa fille Alexandrine serait morte voilà 15 jours à l’âge de 9 ans… ils vont être en deuil. »

          « On pourra vérifier quand on sera à Paris », finit Benoît.

          « Mon Dieu ! », lance Jérôme.

 

17

 

Au-dessus de l’océan Atlantique, six jets volent en direction de Paris, 25 juin 1754

 

          « Tu vas faire une impression à Paris, à piloter un tel jet », affirme Benoît assis derrière Virginie.

          « Quand j’ai la chance je suis toujours au volant », confirme Virginie. « Savais-tu que j’ai dessiné les plans de cet avion, mêmes les moteurs ? »

          « Vraiment ? », on peut entendre Jérôme dire d’un autre jet. « C’est une chose de métal infernale… et le bruit assourdissant, mais ça hurle ! »

          « Peut-être, mais ça fait le tour du monde en trois heures, pis ça marche à l’eau, aucune pollution », répond le pilote de Jérôme.

          « J’ai travaillé là-dessus avant mes élections, j’étais alors ingénieure mécanique, Jérôme », admet Virginie. « Aujourd’hui je meurs un peu plus chaque jour ensevelie sous la bureaucratie du monde politique. »

          « Quelle perte pour l’humanité ! », crie Benoît.

          « Benoît, arrête tes niaiseries. Il faut qu’on parle. Ça commence à m’inquiéter de rencontrer Louis XV et Madame de Pompadour. J’connais même pas le nom d’la Reine. J’ai peur de faire une erreur monumentale », lance Virginie dans le microphone, alors que les autres passagers l’entendent dans leurs écouteurs.

          « La Reine de France est Marie Catherine Sophie Félicité Leszczyńska, fille du Roi détrôné de Pologne Stanislas Leszczyński », annonce Jérôme.

          « Détrôné ? », demande Virginie. « Qui l’a décapité ? »

          « Il n’est pas mort… », ajoute Jérôme.

          « Qu’est-ce qui t’inquiète ? », demande Benoît. « Écoute, tu ne seras pas seule, je suis là, la France c’est mon terrain de jeu. Je connais toute l’histoire de Louis XV, sa psychologie, ses pensées, l’opinion publique de 1754… »

          « Ce qui l’inquiète, je pense, j’espère, est qu’elle remet en question son hégémonie sur la France », répond Jérôme. « Une telle vitesse, une telle hauteur, vous avez pas peur de défoncer le ciel et de vous retrouver dans un autre monde ? »

          « Justement Jérôme, ce jet peut voler plus haut que jamais auparavant », confirme Virginie. « C’était notre réponse au programme spatial américain, c’est pourquoi j’en suis aussi fière, et que je suis la meilleure pilote au monde en ce qui concerne mon bébé… c’t’avion-là c’est mon bé. Mais tu as raison sur l’autre point, j’ai pas envie d’arriver en France pis de dicter ce qu’ils vont devenir. Peut-être que j’aurais jamais dû devenir une politicienne. »

          « De notre point de vue la France est une république, c’est une démocratie, c’est un futur désirable et respectable », répond Benoît. « Je ne commande pas ton armée, mais nos idéaux initiaux ne sont pas négociables. Il faut changer le monde de 1754. Il faut que Louis XV plie à nos demandes, sinon il ne va rien recevoir de nous. »

          « Je sais pas Benoît », ajoute Virginie. « Pour l’instant on rend juste une visite au Roi de France, on verra ensuite. Établir la communication sera déjà une bonne chose. »

          « Oui, pourquoi pas », lance Jérôme. « Inutile de commencer à faire des menaces et de vouloir tout changer du jour au lendemain ! »

          « Mais tout changer le plus rapidement possible est certainement à l’agenda », admet Virginie. « Il faut instantanément arrêter toutes les guerres dans le monde, prévenir la guerre de la Conquête et celle de Sept Ans. Mais de là à imposer immédiatement en plus des demandes irraisonnables sur le monde… ces gens-là ont jamais même entendu parler de démocratie, pis franchement les fausses démocraties qu’on a vues en 2039 partout dans le monde, je me demande vraiment si c’est une meilleure solution. »

          « On verra bien », dit Benoît. « Regardez, c’est Londres en bas… »

          « Wow, c’est petit ! Message aux autres pilotes, suivez-moi, je veux voir Londres de plus près », annonce Virginie alors que les jets descendent vers Londres. « La Tour de Londres est déjà là, mais pas le Tower Bridge ou le Big Ben, ni le fameux Palais de Westminster… fascinant. Mon frère René habitait plus à l’Ouest, près de l’aéroport d’Heathrow. Y’a juste des champs verts à l’ouest de Londres. Les terrains de chasse de la monarchie, j’imagine. Ah voyez, Hampton Court Palace, le célèbre château d’Henri VIII. Bon, on remonte, on va être à Versailles d’en moins d’un quart d’heure. »

          « C’est assez incroyable de voir Londres d’une telle hauteur », admet Jérôme. « Vous êtes vraiment des dieux de mon point de vue. Peut-être que vous avez raison dans vos manigances, si toutefois il est vrai que le monde est tellement mieux dans le futur. »

          « Est-ce que c’est vraiment le cas ? », se questionne Virginie.

          Les jets arrivent à Versailles et atterrissent à la verticale près du château, à la surprise générale des habitants de la Cour de Louis XV. Très rapidement la garde s’approche pour observer notre délégation débarquer des avions. On peut voir Jérôme expliquer à la garde la situation et entrer dans le château alors que les Québécois attendent près de leurs avions.

          « C’est maintenant j’imagine que Jérôme Écolan d’Armor est en train de convaincre le Roi que nous sommes la plus grande menace jamais connue de la France entière », affirme Virginie.

          « Tu voulais l’emmener, tu voulais qu’il raconte au Roi ce dont il a été témoin à Québec », admet Benoît. « C’est peut-être une bonne chose, nous n’aurons pas besoin de faire exploser des bombes au Château de Versailles, nous ne voudrions pas le détruire par accident… un tel monument national français, pense aux millions d’Euros qu’on perdrait avec les ans juste en touristes. »

          Peu de temps après le Roi et sa suite sortent du Château en une sorte de cérémonie royale qui semble impressionner nos représentants du futur, et décourager davantage Virginie.

          « Louis XV, Roi de France ! », annonce haut et fort un damoiseau.

          « Eh bien le Roi sait faire une sortie, lorsque soudainement il se sent menacé par quelque chose d’incompréhensible, mais tout à la fois intriguant », annonce tout bas Benoît à Virginie.

          « Eh bien, s’il voulait nous impressionner, il a certainement réussi, je me questionne davantage sur nos plans initiaux de changer le monde », ajoute Virginie.

          « Soit forte ! Sinon fais-moi un signe et je serai fort pour nous deux », conclue Benoît.

          « J’pense que j’vais tout simplement me vider le cœur et voir sa réaction… »

          « Ça pourrait fonctionner, tu as toujours su charmer les politiciens internationaux avec ton honnêteté et ta candeur, même ton accent français prononcé et ton ignorance sont reconnus comme des points positifs dans tes négociations », affirme Benoît.

          « Malheureusement ça a pas marché avec George Johnson, dans quel pétrin y nous a mis celui-là. Si j’pensais me r’trouver à la Cour de Louis XV un jour… peut-être que je suis en train de rêver. »

          « Qualifierais-tu ce rêve de cauchemar ? »

          « En fait c’est un conte de fée, non ? Sans doute j’vais finir Reine de France, ou Reine du monde entier ? »

          « Silence en présence du Roi ! », crie le damoiseau.

          « Oh ça, ça m’impressionne moins ! Je me sens redevenir forte tout à coup… j’ai jamais su respecter aucune autorité, c’est pourquoi j’ai fini Première ministre », lance Virginie.

          « En effet, tu n’as jamais respecté personne en position d’autorité, c’était aussi une de tes qualités, alors pourquoi soudainement tu devrais changer avec le Roi de France ? », répond Benoît.

          « Les invités du Roi vont se taire en la présence du Roi ! », crie le damoiseau.

          « Il commence à m’énerver celui-là », commente Virginie un peu plus haut.

          « Aussi bien être de bons invités du Roi, obéissons leurs coutumes sans les insulter. Manquer de tact lors de notre première rencontre avec le Roi pourrait être fatal pour l’histoire de l’humanité et de la France », chuchote Benoît.

          « Ok, j’ai compris, j’la ferme ma gueule ! », annonce Virginie d’une voix suffisamment haute que même le Roi peut l’entendre.

          « Sa majesté, vous voyez bien ce que je disais, un tel manque de respect en face du grand Roi Louis XV », chuchote Jérôme au Roi. « Et c’est elle qu’ils ont choisi pour les représenter, ces Québécois du futur. Aucun sang royal, ça c’est certain. »

          « Elle est née bagarreuse et ardente, comme la Marquise de Pompadour. Je suis déjà amoureux », répond le Roi en riant.

          « Votre majesté ! Elle est d’un commun inégalé, une paysanne, jamais une telle personne ne devrait se retrouver en position d’autorité », continue Jérôme.

          « Si ce que tu m’as dit s’avère vrai, mon cher Jérôme Écolan d’Armor, ce bout de femme deviendra bientôt la femme la plus importante et la plus puissante du monde. Voyons voir si elle pourra succomber à mes charmes. »

          « Je ne crois pas, elle a des enfants, et elle vit hors mariage avec le même homme depuis une dizaine d’années. Elle a même affirmé qu’elle n’avait jamais trompé un de ses amants. »

          « Nous verrons bien, ça ne m’a jamais arrêté avant. »

          « Non plus semble-t-elle impressionnée par votre titre de Roi, Sa Majesté. Quelle défiance j’ai entendue d’elle à Québec. »

          « Il me la faut à tout prix », confirme le Roi avec un large sourire.

          « De quoi ils parlent ces deux-là », demande Virginie.

          « En tout cas le Roi semble de bonne humeur. Il semble amusé de ta défiance, c’est bon signe, ton charme d’anarchiste couronnée fonctionne », affirme Benoît.

          « Mmh, il a besoin de pas s’faire d’idées, j’ai pas l’intention de laisser Sylvain, même pour le Roi de France. Même si je lui trouve un charme particulier… Il est vrai que j’ai jamais pu résister à un homme en uniforme, ou dans le cas présent, en costume de… en costume de clown », admet Virginie en riant.

          Et alors que le damoiseau s’apprête encore à ajouter quelque chose, le Roi l’arrête du revers de la main.

          « Visiteurs du futur », le Roi commence, « soyez les bienvenus en France ! Vous êtes nos invités pour aussi longtemps que vous le désirerez, le Roi désire tout apprendre de vos aventures et de vos projets futurs. »

          « Ah ! Ça inaugure bien », chuchote Virginie, ajoutant plus fort : « Louis XV, euh, Votre Majesté, pardonnez-moi, ce n’était pas nos intentions de vous insulter. Nous ignorons les protocoles adéquats en de telles circonstances. Nous acceptons votre invitation avec joie. »

          « Ah tu vois », chuchote le Roi à Jérôme, « il y a de l’espoir ».

          « Mmh… je me demande », est la seule réponse de Jérôme.

          « Votre Majesté, je suis Benoît Girard Président de la République française en 2039, et voici… », débute Benoît.

          « Virginie Tremblay, Première ministre de la Nouvelle-France », termine le Roi. « Je ne savais pas qui envoyer en Nouvelle-France, mais mademoiselle, si je vous avais rencontrée avant d’envoyer Jérôme Écolan d’Armor, je vous aurais choisie entre mille. »

          « Euh, oui… merci ! », balbutie Virginie. « Mais bon, on est ici parce que… »

          « J’aimerais faire un tour dans une de vos choses volantes, vous les appelez des jets ? », demande le Roi.

          « Louis, je peux t’appeler Louis ? », demande Virginie.

          « Certainement pas ! », lance le damoiseau, devant le regard ahuri de tout le monde, surtout Jérôme.

          « Mais bien sûr, appelez-moi Louis. Et en retour je vais te tutoyer et t’appeler Virginie. »

          « Bien sûr ! Ça tombe bien, j’ai mon brevet de pilote et j’ai insisté pour apprendre à voler dans tous les appareils de l’armée du Québec, au cas où on se retrouverait en guerre. Je peux moi-même t’emmener Louis. On y va ? »

          « Louis ! », crie une femme qui se tenait un peu plus loin. « Tu vas te tuer ! »

          « Ah mais c’est… la tête ovale comme une olive verte… c’est Madame de Pompadour ! », affirme Virginie, marchant vers elle avec ses deux bras ouverts. « Madame de Pompadour, wow, j’suis tellement enchantée de vous rencontrer. Et j’approuve de tout ce que vous faites, c’est vraiment l’histoire dont on est témoin, je veux tout savoir sur vous, j’ai déjà l’impression de vous connaître. Je suis tellement désolée pour Alexandrine. »

          « Alexandrine ? », demande estomaquée Madame de Pompadour.

          « Oui, votre fille, elle est morte d’une péritonite voilà une quinzaine de jours, non ? », demande Virginie.

          « Elle est gravement malade, mais elle est toujours vivante, elle est au château… », et alors éclate en sanglots Madame de Pompadour.

          « Peut-être pouvez-vous l’aider ? Vous êtes du futur, vous pouvez guérir sa maladie ? », questionne Louis XV.

          « Benoît, tu te rends compte de ce que ça signifie ? », lance Virginie en se retournant vers lui.

          « Oui, Jérôme Écolan d’Armor au Québec, alors que nous n’avions rien pour prouver sa présence en Nouvelle-France, n’est plus un cas unique. Définitivement l’histoire est différente de nos livres d’histoire », répond Benoît.

          « Mais pas si différente, juste un p’tit peu », continue Virginie. « Ça veut dire que ce n’est pas quelqu’un venu du futur volontairement pour radicalement changer l’histoire, c’est plutôt qu’il doit exister une ou quelques personnes aussi transportées dans le passé en même temps que nous. Mais ils seraient arrivés avant nous, et aurait eu un impact négligeable sur le futur, mais tout de même suffisant pour changer bien des choses. Au Québec surtout, mais certainement aussi en France. Ça prend pas grand-chose pour changer bien des choses. Il va falloir trouver qui du futur est peut-être encore parmi nous sur la Terre, dans notre nouvelle ligne du temps, notre monde parallèle. »

          « Donc l’histoire de vos livres est différente des événements actuels ? », demande le Roi.

          « Oui, mais pas beaucoup différente à mon avis », ajoute Virginie. « Il va falloir faire une étude de comparaison le plus rapidement possible, pour comprendre l’étendue des changements, et peut-être aussi traquer la source de ces changements. Avec toute notre technologie et nos connaissances, on va massivement changer le monde. Mais si un petit groupe se retrouvait dans le passé, une famille disons, sans aucune technologie ou les moyens de reproduire notre monde moderne, ils ne pourraient affecter l’histoire que d’une façon marginale. Mais tout de même avec un impact assez impressionnant, qu’Alexandrine soit encore vivante ! »

          « Mais vous pouvez la sauver ? », se lamente Madame de Pompadour.

          « Louise, Charles, apprêtez-vous à retourner au Saguenay-Lac-St-Jean immédiatement », ordonne Virginie à deux de ses pilotes. « Vous allez emmener Alexandrine et Madame de Pompadour à l’hôpital de Chicoutimi le plus rapidement possible. Le futur de nos relations avec la France en dépend. »

          « Non, non ! », commence Madame de Pompadour.

          « On peut la sauver, mais ça demande une chirurgie la péritonite », affirme Virginie. « Vous allez être là en moins d’une heure. À mon avis, bien que j’y connais rien, dans une dizaine de jours elle ira mieux. Vous êtes chanceux, le meilleur docteur du Québec était à Chicoutimi quand on a été transporté dans le passé. Il est un peu queeny, et vous devez avoir plein de préjugés aujourd’hui à propos de ça, mais il est reconnu dans le monde entier comme un des meilleurs docteurs-chirurgiens, il a pratiquement découvert comment guérir le sida et le cancer. »

          « Queeny ? », demande le Roi. « Comme dans le mot anglais Queen, une Reine ? »

          « Y’é gai, c’est un homosexuel, une vraie drama-queen, très efféminé, mais c’est mon docteur, à mon avis le meilleur docteur au monde. Donc, vous avez pas le choix. Enfin, vous avez le choix, on a plein de docteurs qui peuvent opérer pour une péritonite, j’suis sûre, mais aujourd’hui, considérant la vie d’Alexandrine, la fille de la Marquise de Pompadour, la maîtresse de Louis XV Roi de France, il me faut le meilleur docteur possible. »

          Soudainement tout le monde devient silencieux, comme en état de choc de par ce que Virginie vient d’affirmer. Quand enfin Virginie s’en rend compte, elle se retourne et affirme : « Je suis désolé, devais-je garder sous secret ici à la Cour de Louis XV, ce que tout le monde connaît déjà ? Bon Dieu, sa chambre est juste en-dessous de la tienne Louis, avec un escalier secret qui joint les deux chambres. Si moi-même j’ai pu le lire sur l’Internet, toute la France doit bien le savoir à l’heure actuelle, sauf la Reine peut-être ? Bon, vous voulez sauver Alexandrine ou non ? Dans ce cas-là, sans tarder il faut l’installer dans l’avion, direction le seul hôpital qui peut la sauver dans le monde, l’hôpital de Chicoutimi. »

          Alors le Roi s’avance vers Madame de Pompadour et ils marchent tous les deux un peu plus loin.

          « Tu te sens la force de prendre une de ces machines volantes avec Alexandrine ? » chuchote le Roi.

          « Tu fais confiance à ces étrangers ? Même s’ils parlent français… j’ai vu comment tu la regardais », répond Madame de Pompadour. « Mais s’ils peuvent vraiment sauver la vie d’Alexandrine… »

          « Gardes ! Amenez Alexandrine ici le plus vite possible », s’écrie le Roi.

          « Tu veux l’accompagner ? », demande le Roi à Madame de Pompadour.

          « Je voudrais bien voir qui m’en empêcherait. De plus, je pourrai voir par moi-même qui sont ces gens du futur. »

          « Et tu me feras un rapport, bien », termine Louis XV.

          « J’ai comme l’impression que ça t’arrangerait si nous n’en revenions pas, de cette Nouvelle-France. Oublie pas que je suis plus intelligente que toi Louis, je serai toujours plusieurs longueurs d’avance sur toi. S’il y a un moyen pour moi de voir une opportunité qui me fera sortir victorieuse d’une telle situation, je la prendrai. »

          « Je sais, c’est pourquoi tu es ma maîtresse, et tu sais bien qui si c’était possible, tu serais ma Reine. »

          « Aujourd’hui je me le demande. Mais ça n’a plus d’importance, pour la vie d’Alexandrine, ma fille. »

          À ce moment Alexandrine est amenée et placée dans un jet, ainsi que Madame de Pompadour dans un autre. Pendant ce temps Virginie parle sur son téléphone lumière, à coordonner leur arrivée à l’hôpital de Chicoutimi.

          « Mais qu’est-ce que tu fais ? », demande le Roi.

          « Je suis en train de parler à Pierrette, comme je l’appelle. C’est mon docteur, il s’appelle Pierre. Je m’assure que tout va être prêt pour leur arrivée à Chicoutimi », répond Virginie.

          « Tu peux leur parler avec ça, d’une telle distance ? », questionne le Roi.

          « Oui, tu vois, c’est lui là, on peut le voir sur mon téléphone, c’est en direct. Tu veux lui parler ? Il faut tenir le téléphone en face de toi pour qu’il puisse te voir, il y a une petite caméra ici », affirme Virginie, alors que le Roi lui prend le téléphone des mains.

          « Mais c’est extraordinaire, c’est lui sur cette image, en ce moment même de l’autre côté de l’océan ? Bonjour ! », commence le Roi.

          « Allo ! Qui est ce bouffon, quel accoutrement ! », demande Pierre.

          « Je suis Louis XV, Roi de France ! »

          Un gros rire gras se fait entendre du téléphone, mettant tout le monde mal à l’aise, en particulier Benoît.

          « Un peu de respect quand même ! », lance Benoît, alors que Virginie pose sa main devant sa bouche et doit se retenir de pouffer de rire. « Mais voyons Virginie, tu peux pas faire quelque chose ? »

          « J’suis peut-être leur Première ministre, mais chu pas leur mère. Tous les citoyens et citoyennes sont libres et responsables de leurs actes », confirme Virginie.

          « Eh Louis, es-tu le Louis dont j’ai lu, celui qui s’intéressait davantage aux jeunes damoiseaux du royaume plutôt que les jeunes filles de l’aristocratie ? Si oui il faudrait vraiment arranger une rencontre… », lance le docteur à l’autre bout de la lumière.

          « On m’a dit que tu étais queeny, ou une Reine », répond Louis XV.

          Encore des rires gras de l’autre côté du téléphone.

          « Je deviens ta Reine n’importe quand, Louis », continue Pierre.

          « Est-ce que tu peux sauver Alexandrine ? », demande le Roi.

          « On vient de m’annoncer que je suis le meilleur docteur au monde à l’heure actuelle, Louis. Si j’peux pas sauver Alexine, personne d’autres dans le monde pourra la sauver. »

          « Alexandrine », répète le Roi.

          « Oui, oui, j’suis pas sourd. Écoute, j’ai pas le temps de t’parler, j’ai plusieurs opérations qui m’attendent. Mais on va être prêt quand Alexandrine arrivera dans une heure. Ok ? Je t’embrasse fort, un gros baiser, pis j’prends mes prochaines vacances à Versailles. Savais-tu que les docteurs passent plus de temps en vacances qu’à sauver des vies ? Mon gros pitou, prépare mon arrivée, j’r’viens à Paris avec ton Alexandrine une fois guérie, avec ton Centre Georges-Pompidou ! Enfin, sa mère, or whatever you call your bitch ! »

          « Virginie ! », crie le Roi en lui remettant le téléphone. « Es-tu certaine qu’il va sauver Alexandrine ? Il vient juste de me parler en anglais ! »

          « Pas de panique ! C’est normal au Québec d’utiliser des expressions anglaises aujourd’hui. Louis, ça fait des centaines d’années que les francophones sont une minorité en Amérique, notre langue est remplie d’anglicismes, en France aussi d’ailleurs en 2039. C’est pourquoi on est ici aujourd’hui, pour assurer la suprématie de la France dans le monde dans 385 ans. Bon, ta belle au bois dormant pis sa fille viennent de s’envoler vers le Québec. On va la sauver ta petite Alexandrine, même si c’est pas ta fille. Es-tu prêt à prendre ton propre envol avec moi ? On peut aller n’importe où, mes soldats on refait le plein d’eau, on peut faire le tour du monde une dizaine de fois. On peut même aller dans l’espace. Ça t’intéresse ? »

          « L’espace ? », questionne le Roi.

          « Viens-t-en, laisse-moi t’installer. »

 

18

 

          Peu de temps après l’avion s’envole, Virginie immédiatement monte le plus rapidement possible, le plus haut possible.

          « Ça c’est une vision que jamais un Roi de France était supposé avoir », annonce Virginie dans son microphone. « En bas on peut voir l’hexagonal qu’est la France, à moins qu’en 1754 ça ne soit pas encore un hexagone ? »

          « Extraordinaire. Impensable », commente le Roi.

          « Sa Majesté voudrait-elle voir son Royaume de plus près ? On peut aller survoler toute la France, ou la Chine… »

          « Je voudrais aller le plus haut possible, je veux voir le monde où l’on vit d’une manière globale. »

          « En quelle année vous avez compris que la planète était ronde et qu’elle flottait dans l’espace dans le système solaire, et que l’univers ne tournait pas autour de la Terre ? Ça pourrait être un choc monstrueux pour toi, Louis. L’univers ne tourne pas autour du Roi Soleil. »

          « C’est vieux ce savoir. Le Roi Soleil c’était mon père, Louis XIV. J’ai plus de vision que lui, je mérite le titre bien plus que lui, surtout aujourd’hui, grâce à toi. »

          « Attache ta ceinture de sécurité, on s’en va encore plus haut que la station spatiale internationale maintenant inexistante, notre plus grand défi international du futur. Comme si elle n’avait jamais existée, et pourtant, voici un jet capable d’aller plus haut encore, capable d’offrir une vision de notre planète jamais vue en 1754. Louis, on fait l’histoire aujourd’hui. Ces jets sont vraiment nouveaux, j’ai jamais été aussi haut avant, j’avais jamais été dans l’espace. Le monde est tellement paisible vu de cette hauteur, si seulement ça pouvait toujours être comme ça. Attends, je vais arrêtez tous les moteurs, je vais nous mettre en orbite. Ça va être silencieux. » Elle s’exécute.

          « Mais nous ne retombons pas ? Nous sommes en orbite, comme la lune autour de la Terre ? Quel silence ! Jamais je n’aurais cru. Ça change toute ma perspective du monde dans lequel on vit, de la France, de mon rôle en tant que Roi. »

          « Moi aussi ! Je dois t’avouer que j’avais vraiment peur de nous lancer en orbite autour de la terre. Je pensais pas que ce serait aussi facile, mais l’ordinateur de bord calcule tout. Un ordinateur, c’est une intelligence artificielle. Parfois, souvent, beaucoup plus intelligent que nous autres, humains. C’est une des grandes créations du futur. Si tu veux, je vais tout t’apprendre. »

          « Et je désire apprendre. Explique-moi par quelle magie tu as coupé les moteurs sans que nous retombions, et comment il se fait que nous tournions ainsi autour de la Terre à une vitesse exceptionnelle. C’est ça être en orbite, comme Newton le décrivait ? »

          « Newton ? Non, non. Newton était certes un génie, mais toute sa théorie de la gravité est complètement fausse, comme celle d’Einstein, que tu ne connais pas encore, ça ça viendra dans 150 ans. Aussitôt que l’on prend en ligne de compte la masse dans nos calculs de la gravité on se trompe grandement. Les orbites ne s’expliquent que par la géométrie de l’expansion des planètes et des étoiles, et même l’expansion des systèmes solaires et des galaxies. Rien à voir avec Newton ou Einstein et la masse des objets célestes. D’ailleurs, tous nos programmes spatiaux, nos calculs de trajectoires, avant la venue de la théorie de l’expansion subatomique, c’était surtout les équations de Galilée, Copernic et Kepler, toutes ne considèrent que la géométrie de l’espace, jamais la masse des objets qu’il contient. La lune par exemple, elle est un quart de la grosseur de la Terre, pourtant la gravité à la surface est seulement un sixième celle de la Terre. On sait maintenant en théorie que sur le côté caché de la lune, la gravité doit nécessairement être un tiers celle sur terre. »

          « Tu veux dire que même en 2039 ça n’a pas encore été vérifié ? »

          « Ces choses prennent du temps, notre communauté scientifique était tellement bornée à Newton, Einstein et la théorie de la mécanique quantique, ils n’auraient jamais pu considérer quoi que ce soit d’autres avant que l’on puisse leur apporter des preuves irréfutables, et encore là c’était impossible de leur faire entendre raison. »

          « Donc si je comprends bien, la Terre en bas grossit sans cesse en ce moment, et nous allons suffisamment rapidement pour toujours échapper à cette expansion, comme en une grande spirale ? Sans accélérer ? »

          « Alors même que la Terre accélère dans son expansion. La géométrie se réinitialise à chaque moment, mais tout ça c’est assez compliqué, et d’ailleurs, je travaille encore là-dessus. Je vais bientôt finir d’écrire un livre sur le sujet, mais considérant ce qui vient de nous arriver, je devrai maintenant ajouter plusieurs chapitres. »

          « Tu m’as déjà mentionné plusieurs théories, comment sais-tu que la toute dernière est la bonne ? »

          « Parce qu’elle a réponse à tous nos mystères en physique théorique, même l’anomalie des deux sondes spatiales appelées Pioneer qui ont maintenant quitté le système solaire. On a observé qu’elles semblaient ralentir alors que c’est impossible. Les hypothèses avancées avaient encore une fois à voir avec cette fameuse masse noire que jamais personne n’a su observer ou prouver. Il est clair que la seule façon d’expliquer cette anomalie c’est par l’expansion des orbites des planètes autour du soleil, et donc par l’expansion du système solaire. C’est pourquoi nous ne retombons pas sur la terre sans avoir besoin d’accélérer, notre trajectoire géométrique grandit sans cesse relative à la Terre, à cette hauteur notre vitesse correspond exactement à l’expansion de la planète. »

« Tu m’as déjà perdu. On devrait discuter de choses que je comprends. Pourquoi veux-tu me détrôner, comme m’avertissait Jérôme Écolan d’Armor ? »

          « Je ne sais plus, pour tout t’avouer, Louis », admet Virginie. « J’allais tout révolutionner, apporter une démocratie instantanée sur le monde, après avoir arrêté toutes les guerres. Mais je pense aussi à l’histoire, l’histoire du Québec. Je sais que je peux me faire confiance, pour faire les choses comme il se doit. Mais est-ce que je peux faire confiance à mon successeur, le prochain Premier ministre du Québec l’an prochain ? Est-ce qu’on a le droit de dicter au monde entier ce qui doit être, comment le monde doit vivre ? Tout changer du monde entier pour le meilleur ou pour le pire ? J’ai toujours été contre cette mentalité, d’être une police mondiale, de construire un nouvel ordre mondial. C’est ce que les Américains et les Britanniques ont toujours tenté d’accomplir, et les Nazis d’Allemagne deux fois dans l’histoire. Et la France aussi d’ailleurs, avec Napoléon. »

          « Je vois que ton royaume potentiel s’étend beaucoup plus loin que le mien. »

          « Louis, j’ai vraiment besoin d’aide. Benoît m’aide pas, il me pousse vers une hégémonie québécoise sur le monde. Il voudrait voir la planète entière se plier à la nouvelle puissance mondiale que du jour au lendemain on pourrait offrir à la France. Mais c’est pas correct, c’est pas souhaitable. »

          « Pourquoi pas ? »

          « Pour plusieurs raisons. Il te faudrait comprendre la corruption politique que le monde a souffert depuis aujourd’hui jusqu’en 2039. On dirait que le monde entier a toujours été misérable, que l’on n’a jamais vraiment connu un âge d’or, un âge de la raison. Louis, c’est le monde entier que je veux aider, tous les citoyens et citoyennes du monde, pas juste les Français, et certainement pas juste l’aristocratie. Est-ce que tu t’inquiètes de tes sujets, tes vassaux je pense qu’on les appelle en 1754 ? Est-ce que tu souhaites pas leur bonheur, leur réussite, leur sourire et leur fierté d’être français ? »

          « Euh… »

          « Bon, on redescend, mais on va faire le tour de la Terre, je veux te montrer tous les continents, tous les pays, tout le monde dont nous sommes responsables, de leur futur, de leur bonheur. Ça se limite pas à la France. »

          « Je te trouve très intéressante Virginie, je dois avouer. Je ne croyais pas avoir une telle discussion philosophique aujourd’hui, mais peut-être mieux vaut tard que jamais. »

          « Peut-être que si on travaille ensemble, on pourrait faire de toi le vrai Roi Soleil… »

          « J’aimerais bien… mais je suis Louis le Bien-Aimé. »

          « Vraiment ? Alors ton peuple t’aime bien ? »

          « Il m’aimait beaucoup mieux avant, mais il est peut-être temps de changer certaines choses ? »

          « Inquiète-toi pas à propos de ce que Jérôme t’a dit, j’ai changé d’avis. On va pas t’obliger à prendre un rôle symbolique, ou d’abdiquer et d’instaurer un gouvernement démocratique en France… pour l’instant. On va plutôt t’éduquer sur l’histoire et te convaincre que c’est la seule solution. Et si tu es pas prêt à prendre le saut, j’espère au moins que tu seras prêt à te nommer dernier Roi de France. Après toi la démocratie, la république. Ça sauverait la vie de ton fils, il va être tué à cause de la Révolution française. Tu vas mourir dans 20 ans, tu sais. »

          « Dans 20 ans ? »

          « Je me corrige. Tu allais mourir dans 20 ans de la petite vérole, mais on a un vaccin, tu ne mourras plus dans 20 ans de la petite vérole. »

          « Dans ce cas il est fort possible que cette Révolution française ne survienne jamais ? Si je sais devenir un bon Roi pour mes sujets ? »

          « Ce sera pas assez, ton peuple veut être en contrôle de sa destinée, tes sujets veulent prendre les décisions, en des élections, même si souvent, je l’admets, ça fait pas grand différence que celui au pouvoir soit élu ou non, qu’il soit Roi ou Président de la république. C’est pourquoi j’ai changé d’avis sur toi, Louis. Peut-être que je peux te convaincre d’un certain compromis qui apportera les mêmes résultats. »

          « Tout en me gagnant la guerre contre les Anglais et les Espagnols ? Jérôme m’a fait comprendre que c’était un de vos buts les plus importants ? »

          « Arrêtez les guerres dans le monde, oui. Arrêtez la colonisation du monde, oui, sauf des Amériques, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande. Il nous faut une immigration française énorme envers ces continents et pays. Dans 300 ans ça fera toute la différence. »

          « Eh bien, je ne vois pas pourquoi le Roi de France tenterait d’arrêter un tel projet de nos descendants du futur. Mais je n’ai certainement pas l’intention d’abdiquer mon trône. »

Virginie et Louis XV survolent maintenant le globe en silence jusqu’à ce qu’ils atteignent la région du Saguenay-Lac-St-Jean.

          « Nous sommes juste au-dessus du Québec maintenant. »

          « Tu veux dire la Nouvelle-France ? »

          « Oui, bon, pour nous autres c’est le Québec. Voilà le Lac-St-Jean… si tu regardes sur une carte du monde, c’est un petit point bleu, mais si tu tiens sur la plage, tu vois pas de l’autre côté. Ça donne une bonne perspective de la grandeur de la Terre. On l’appelle une mer intérieure. »

« C’est magnifique. »

« Nous descendons maintenant le Saguenay, je vais te montrer Sainte-Rose-du-Nord, notre nouvelle colline parlementaire. Ah voilà à droite. »

« C’est ton palais présidentiel, ça ? »

« C’est le Parlement québécois, c’est là où tous les politiciens se rencontrent pour prendre toutes les décisions. Je n’ai pas de palais, nous vivons dans une démocratie. On va retourner vers Chicoutimi, on va atterrir directement à l’hôpital où on va retrouver Madame de Pompadour et sa fille. »

« Je les avais complètement oubliées celles-là. »

« J’ai pu observer un portrait gigantesque d’elle une fois au National Gallery de Londres quand j’ai visité mon frère, c’était vraiment impressionnant. »

« Ton frère vit à Londres ? Un portrait de Madame de Pompadour à Londres ? »

« Oui. Et sans doute ce portrait aujourd’hui doit valoir une vraie fortune que même un Roi ne pourrait acheter. »

« Je peux acheter ce que je veux. »

« Les temps ont changés. Mais il est vrai qu’aujourd’hui rien n’a encore changé. »

         

19

 

Hôpital de Chicoutimi

 

L’avion atterri dans le stationnement alors que plusieurs policiers, des membres de la sécurité et des automobiles se dirigent vers l’avion.

 

          « C’est quoi ces machines qui roulent ? », demande le Roi.

          « En France vous les appeler des voitures, au Québec on les appelle plutôt des autos, pour automobiles. C’est notre moyen de transport le plus courant », affirme Virginie.

          « Tout ça me semble un peu trop, je me sens soudainement mal. Tout est tellement différent, exotique, ça me fait peur. Je n’aime pas tellement l’architecture de l’hôpital, ça laisse à désirer votre architecture du futur, mais l’illumination du bâtiment est assez bizarre. J’ai entendu parler de ces lampes à incandescence, elles ont été inventées par l’horloger de Blois Jean Eugène Robert-Houdin. »

          « Mais je connais son nom, c’est le magicien qui a inspiré Houdini ? Je me suis intéressée à la magie. Il aurait donc inventé une lumière avant Thomas Edison ? Pour un de ses trucs de magie ? Je me souviens qu’il s’était intéressé à l’électricité et le magnétisme… enfin bref la lumière n’impressionnera pas le Roi de France autant que ça a intéressé les Amérindiens. »

          « Tu veux dire les Indiens ? Ah mais eux ils n’ont jamais rien vu… »

          « Crois-moi, tu n’as encore rien vu. »

          « Ça reste à voir. »

          « Exactement. »

          À ce moment sort Madame de Pompadour de l’hôpital, ses bras grands ouverts pour souhaiter la bienvenue à son amant le Roi de France. C’est également à cet instant que l’on entend un coup de feu et que ce grand Louis XV s’écroule par terre de par la loi de la gravité de l’expansion subatomique elle-même. Un silence écroulant s’ensuit, alors que personne n’arrive à comprendre ce qui vient de se produire. On aperçoit Virginie regarder les fenêtres de l’hôpital, comme si elle attendait son tour à être frappé d’une balle en plein cœur. Alors les gardes se jettent sur elle pour la protéger et pour couvrir le Roi, alors que le cri strident de Madame de Pompadour en pleurs se fait finalement entendre. Elle repousse les gardes, en criant :

          « Laissez-moi passer, laissez-moi le regarder ! Virginie Tremblay, et moi qui vous faisait confiance, et Louis qui vous faisait confiance, et pendant tout ce temps vous n’aviez aucune intention de tenir vos paroles, de nous convaincre avec le temps de vos idéaux ! Vous ne serez jamais plus les bienvenus en France ! Vous allez maintenant me tuer aussi sans doute, et ma fille, et ça n’a pas d’importance : c’est la guerre, tu m’entends Virginie ? C’est la guerre ! », lance-t-elle alors qu’elle pleure toutes les larmes de son corps, tandis que les docteurs s’affairent déjà à la retirer de là pour tenter de ressusciter le Roi.

          Et soudainement, d’une voix du Roi encore vivant et se tenant à côté de Virginie :

          « Virginie ? Est-ce que ça va ? »

          Virginie revient soudainement à elle, rien des événements qu’elle vient de vivre ne sont encore survenus : « Je viens d’avoir un déjà vu, d’un événement qui à mon avis je devrais être capable de prévenir. Sécurité ! Vite, entourez-nous et rentrons dans l’hôpital immédiatement ! »

          Les gardes de sécurité s’exécutent sans questionner la Première ministre et à l’intérieur ils rencontrent Madame de Pompadour :

          « Qu’est-ce qu’il y a ? Tout va bien ? »

          « Virginie vient d’avoir un pressentiment que quelque chose allait survenir », répondit le Roi.

          « Eh bien ? », demande Madame de Pompadour, se retournant vers Virginie.

          « J’étais certaine qu’on allait nous tirer dessus. Mais maintenant je pense que je suis juste paranoïaque. Mais tout de même. Sécurité ! Je veux que une recherche complète de l’hôpital, cherchez une arme quelconque, commencez par le cinquième étage, les fenêtres qui donnent sur cette entrée. Vérifiez l’identité de tout le monde. Doublez la sécurité autour de la fille de la Marquise de Pompadour. Visionnez l’enregistrement de toutes les caméras en circuit fermé, je veux un rapport complet à chaque 10 minutes. »

          « Très bien », annonce le garde avant de partir.

          « Et maintenant allons voir comment va votre Alexandrine, chère Madame de Pompadour », termine Virginie.

          Dans la chambre d’Alexandrine, Benoît les attendait :

          « Ah Benoît, tu es revenu et tu es déjà ici », constate Virginie.

          « J’ai entendu dire que vous êtes allés sur la lune ? »

          « Juste en orbite autour de la terre », témoigne Virginie. « Tu sais bien que j’attends de ne plus être en politique pour terminer mon avion prototype capable d’aller sur n’importe quelle planète du système solaire. »

          « Cette femme est extraordinaire, si elle n’existait pas il faudrait l’inventer », commente le Louis XV.

          « Louis ! Oublie-moi pas trop rapidement quand même, j’existe encore ! », se lamente Madame de Pompadour alors que Pierre le docteur fait son entrée dans la chambre.

« Pierrette ! », chante Virginie.

          « Virginie, celle qui n’est plus vierge depuis longtemps ! », répond Pierre.

          « Comment sais-tu ça ? », demande Virginie.

          « C’est moi qui a attrapé tes jumeau-jumelle en plein vol quand tu les as expulsés hors de ton ventre à une vitesse phénoménale… tu te souviens pas ? », continue le docteur en riant.

          « Les enfants sont expulsés en plein vol dans le future ? », questionne la Marquise.

          « Dans le cas de Virginie, en moins de dix minutes ses deux enfants étaient sortis en pleine santé… », répond le docteur.

          « Par césarienne », confirme Virginie.

          « César ? », continue Madame de Pompadour.

          « Une césarienne c’est coupé le ventre avec un scalpel, sortir les bébés du ventre et recoudre le tout en un temps trois mouvements. Comme je suis un vrai pro, ça m’a pris moins de dix minutes », se vante Pierre.

          « Mais c’est dégoûtant ! », s’écrie la Marquise.

          « Mais non, c’est la médecine du futur, ma chère Madame de Pompidou. Aucune femme et aucun homme n’est mort des suites d’un accouchement dans cet hôpital depuis des décennies », rajoute le docteur.

          « Les hommes accouchent de bébés dans le futur, mais comment est-ce possible ? », demande le Roi.

          « Mais c’est une opération très simple la transplantation d’un œuf embryonnaire à l’intérieur d’un homme. Par exemple mon mari est enceint à l’heure actuelle, il ne lui reste plus que deux mois avant la naissance de notre premier bébé. »

          « Et moi qui croyais que c’était toi la femme du couple… », blague Virginie.

          « Viens ici ma Virginie que je te squeeze dans mes bras. Tu es tellement politiquement incorrecte pour une politicienne, no wonder tu es devenue notre Première ministre », raconte Pierre.

          « Et cette science de la médecine du futur, ce sont toutes ces lumières et ces bruits ? », questionne le Roi en regardant l’équipement médical entourant Alexandrine.

          « Ah mais Louis je vais t’expliquer comment ça fonctionne », commence Madame de Pompadour. « C’est tout ce que j’ai fait depuis mon arrivée ici, tenter de tout comprendre des procédures et de ce qu’ils appellent des machines. J’ai assisté à l’opération, ce fut un succès, d’ici une semaine Alexandrine sera tout à fait guérie. Par exemple tu peux voir les battements de son cœur, et ici sa ligne de vie. Si cette ligne devient droite, c’est que le patient est mort. Comme tu peux voir cette ligne me montre à chaque moment qu’Alexandrine va bien. Et si je touche les différentes sections de l’image, je peux lire tous les diagnostiques sans besoin d’un médecin… »

          À ce moment entre une infirmière précédée d’un charriot :

          « Votre Majesté Louis XV, Madame de Pompadour, bienvenue au Québec. Thé, café, biscuits ?  »

          « Ah oui, un thé serait bien », demande le Roi.

          « Ah non il faut que tu goûtes à leur café, c’est vraiment exotique le café du futur », affirme la Marquise.

          « Le café d’hôpital c’est certainement très exotique, c’est même imbuvable… », annonce Pierre. « Vraiment on a pas vraiment fait d’efforts pour vous accueillir, mais on va remédier à ça dans les prochains jours, n’est-ce pas Virginie ? »

          « J’ai pas l’habitude de… », balbutie Virginie, « Pierre, il existe des restaurants chics dans la région ? »

          « Il existe un petit restaurant exquis dans une maison en décomposition dans le village de Saint-Nazaire, juste à côté de la pharmacie de mon cousin. Enfin, si Saint-Nazaire a pas été rayé de la carte dans l’attaque. »

          « Saint-Nazaire existe encore », confirme Virginie. « Mais avec le rationnement d’la guerre, va falloir voir ce qu’ils peuvent encore nous servir. Faudrait d’ailleurs que je demande un rapport à ce sujet à mes ministres. C’est ben beau d’aller visiter Versailles et de rencontrer l’aristocratie française, mais j’ai aussi d’autres responsabilités. On a tout de même commencé une guerre mondiale… faudrait que je contacte le Général Néron pour savoir où il en est. J’aurais peut-être pas dû lui donner carte blanche. Il a peut-être oublié qu’il fallait pas tuer personne. On n’est pas les Russes en Amérique, lâcher un paquet de bombes nucléaires sur toutes les grandes ville américaines… je veux même pas un mort ! »

          « Voilà votre café votre Majesté, vous allez voir c’est un mélange assez explosif », annonce l’infirmière. « Il faut boire rapidement et d’un coup pour bien apprécier la saveur de ce café fabriqué au Québec. »

          « Un mélange explosif… », marmonne Virginie. « Non ! Arrêtez ! Il faut pas boire, il faut lancer le café par la fenêtre ! »

          « Trop tard ma chère Virginie… », lance l’infirmière en se retournant. « Vite, j’ai moins d’une minute avant de disparaître. Mon nom est Virginia Tremblay, je suis ta descendante du futur, au moins 200 ans dans le futur. Premièrement je dois avouer que c’est honneur inestimable pour moi de vous rencontrer. Voici une carte mémoire qu’on a sortie d’un musée qui devrait fonctionner avec votre vieille technologie de 2039. Ça va expliquer pourquoi il est nécessaire que Louis XV meure maintenant et que la Marquise de Pompadour devienne Présidente de la nouvelle république française le plus tôt possible. Si on ne montre pas aux autres pays immédiatement un exemple de démocratie qui fonctionne, aucun pays dans le monde développera une démocratie en 200 ans. Oubliez pas que notre histoire sur la carte mémoire ne sera pas votre histoire, je viens de changer votre futur. »

          « Et tu peux quand même retourner dans ton présent ? », demande Virginie.

          « Oh oui, on peut facilement choisir la réalité dans laquelle on évolue, même seulement avec la volonté. Mais avec la technologie c’est plus certain et plus expéditif. On vous donne également tous nos développements technologiques des 200 dernières années sur la carte mémoire, ça va vous donner une bonne longueur d’avance. Vous en aurez besoin parce que garder la paix dans le monde, même avec votre technologie actuelle qui prendra peu de temps à se répandre dans le monde entier, sera pas une chose facile. Vous avez déjà des espions en devenir, leur identité est sur la carte. »

          Soudainement Virginia Tremblay disparait devant tout le monde en un nuage chimique verdâtre. Aussitôt le Roi commence à se plaindre d’un mal alors que le docteur s’apprête à aller vers lui.

          « Non, tout le monde, reculez, éloignez-vous du Roi, il va exploser ! », crie Virginie.

          « On dirait que ses organes intérieurs sont en train de s’agrandir, c’est de la technologie de l’expansion subatomique », propose Benoît.

          « Mon Dieu, qu’est-ce que j’ai fait, j’ai créé un monstre avec mes théories… aucune scrupule dans le futur, ma descendante qui porte mon nom en plus, quelle insulte, c’est vraiment écœurant », se plaint Virginie.

          « Je pense que l’histoire sait très bien que toi, Virginie, aurait jamais été capable d’un tel acte », a juste le temps d’affirmer Benoît alors que l’estomac du Roi Louis XV gonfle et explose partout dans la petite chambre d’hôpital.

         

20

 

Sainte-Rose-Du-Nord

 

          Le lendemain matin Virginie se retrouve devant l’Assemblée nationale du nouveau Parlement québécois, accompagnée de la délégation française et de la Marquise de Pompadour assis près d’elle devant les députés et le Cabinet des ministres. Encore une fois le tout est transmis en direct à la télévision pour la population régionale.

          « Citoyens, citoyennes, députés, ministres, je vais sortir mon français du dimanche parce que ceci sera un discours historique de votre Première ministre. Vous m’avez fait confiance dans le passé, je vous demande de me faire confiance aujourd’hui.

« Vous êtes maintenant au courant des événements d’hier, ça a fait les nouvelles, vous pourrez pas dire qu’on vous cache des choses. Malgré ce qu’affirme l’histoire d’une femme du futur, ma descendante dans 200 ans, que je suis tout de même faible comme Première ministre, et sans doute incapable de mener à bien notre mission pacifique dans le monde, j’ai pas l’intention de changer ma façon de faire ou mon humanité pendant mon mandat, même s’il ne me reste pas grand temps au pouvoir.

« Vous aurez toute la transparence souhaitée de votre gouvernement, et je lis toutes les opinions dans les journaux et sur les blogs de la population, j’ai pas l’intention de faire quoi que ce soit contraire à la volonté générale de la population. Sauf si la majorité devient immorale et sans éthique. Alors je rendrais ma démission en tant que Première ministre et laisserais aux autres le soin de créer cet enfer qui sera certain de suivre une telle inhumanité. En ce qui me concerne, notre histoire n’est pas encore écrite.

          « On m’a suggéré d’arrêter et de mettre en prison une liste d’espions potentiels, surtout des citoyens d’autres pays qui vivent dans la région. Est-ce que l’on peut vraiment les appeler des espions, est-ce que l’on peut leur en vouloir s’ils ne partagent pas notre nationalisme, notre désir d’apporter une paix durable dans le monde, mais tout de même avec le Québec au premier plan ? Aussi je ne pouvais tout de même pas emprisonner des gens qui n’ont encore rien fait, et qui peut-être même ne feront jamais rien. Notre histoire vient de changer de course avec notre visiteur du futur. Eux aussi pourront voir le fruit de leurs actions, toutes les guerres du futur. Depuis ce matin nous avons mis en ligne sur l’Internet notre histoire des prochains 200 ans. C’est juste une version qui n’existera jamais maintenant, pour nous du moins.

          « On me suggère de cacher la technologie du futur, même de supprimer tout savoir sur la théorie de l’expansion subatomique, et d’offrir plutôt à l’humanité les fausses théories de la relativité d’Albert Einstein. Comme si la vraie science qui gouverne notre monde, les vraies lois de la physique théorique et de la nature ainsi que leur potentiel, ne devraient jamais voir la lueur du jour. C’est pas le Vatican icitte, c’est le Québec ! Les années noires du catholicisme romain qui voulait que l’on vive dans une ignorance absolue, c’est loin et enterré dans notre passé. Il va falloir faire confiance à l’humanité, il va falloir partager notre savoir, il va falloir bâtir une démocratie fiable et construire la conscience des peuples.

          « Je propose donc de renvoyer la Marquise de Pompadour en France avec Benoît, l’ex-Président de la République française, pour organiser des élections honnêtes basées sur mon plan électoral actuel que je mets dès maintenant en action. Nous sommes maintenant officiellement, comme en France, en élections. Le vote en France comme dans la région aura lieu dans trois mois. Je propose une nouvelle démocratie pour le monde entier, et mes ministres qui ont lu ce projet de loi sont d’accord avec moi. Rapidement il existe bien des choses qui vont changer.

« Premièrement il n’y aura plus de partis politiques, plus de ligne de parti à suivre pour les députés, chacun vote comme il veut, et non pas comme le chef de parti le dicte. Les députés ne gagneront plus leurs élections juste parce qu’ils font partie d’un parti politique, ils devront gagner de leurs propres mérites. C’est fini également cette chance d’investir des millions dans une campagne électorale pour assurer une victoire, et où seuls les riches peuvent gagner leurs élections. Tous les candidats auront exactement la même visibilité dans les médias et auprès de la population, le tout payé par l’État. On va enfin redonner la chance à n’importe qui d’aller en politique, d’autant plus que personne n’aura le droit à plus d’un seul mandat de cinq ans en politique, même en tant que député. Il faut sans cesse renouveler le monde politique si on veut un vrai changement et éviter la corruption. Ainsi, aucun d’entre nous qui sommes en politique aujourd’hui le seront dans trois mois. De plus, quelqu’un doit avoir habité un comté électoral au moins pendant cinq ans avant de pouvoir se présenter aux élections pour ce comté électoral. Bien qu’aujourd’hui il faille bien revoir à cette division des comtés, il n’existe plus que la région.

« Plus aucune organisation commerciale ou non, ou groupe de pression auront le droit d’aider financièrement les politiciens et d’espérer en retour quoi que ce soit. C’est fini les pots de vin, la corruption politique et les conflits d’intérêts. Il suffit d’étudier la politique américaine et française de 2039 pour constater que la séparation des pouvoirs de Montesquieu n’existe plus, ou du moins que les moyens de la contourner sont devenus un jeu d’enfant. Ça nous a apporté des tyrans qui ont conduit à l’anéantissement des États-Unis, du Canada et du Mexique, et à l’écroulement de l’Union européenne. Il faut bien apprendre de notre passé. Une dernière chose, le leader et les ministres seront décidés après les élections par les députés eux-mêmes, encore une fois sans aucun parti politique.

« Voilà, on verra en pratique comment ça va fonctionner en France et dans la région, on pourra ajuster en conséquences, et inviter le monde entier à suivre notre exemple. J’invite la population à me faire part de son opinion, ce que vous changeriez, vous serez entendus, parce les politiciens du futur ne serviront plus leurs propres intérêts politiques et privés, ils seront à l’écoute de la population qu’ils représentent.

« Et d’après le feedback qu’on a reçu, je constate que la population est d’accord en général sur l’idée d’arrêter les guerres dans le monde sans tuer personne et de faire pression sur le monde pour l’instauration de vraies démocraties durables. Alors de ce pas la délégation française retourne en France avec la Marquise de Pompadour qui sera peut-être ou non la première Présidente de notre première république en France, en espérant que la France ne nous fustigera pas pour la mort de son Roi, misère. La diplomatie qui sera nécessaire… sans la Marquise de Pompadour comme ambassadrice de la nouvelle ère francophone, nous aurions aucune chance, il faut remercier son ambition personnelle confirmée par l’histoire d’un de nos futurs possibles. C’est d’ailleurs un problème majeur ces voyageurs dans le temps qui apparaissent et disparaissent après avoir mené une pagaille incommensurable, il va falloir passer des lois et se protéger contre ça.

« Maintenant je m’en vais diriger avec le Général Néron une campagne importante dans la vallée de l’Ohio, où nous allons empêcher des groupes importants de Français, d’Américains, de Britanniques et d’Amérindiens de s’entre-tuer. Nous allons par tous les moyens à notre disposition empêcher la confrontation en étendant un mur gigantesque entre les deux armées, comme quoi la technologie de l’expansion subatomique peut au moins aussi servir à arrêter les guerres. On va aussi bombarder autour d’eux à bonne distance jusqu’à ce qu’ils comprennent qu’ils n’ont aucune chance et qu’ils doivent arrêter la guerre. C’est à peu près le seul conflit important en ce moment dans le monde. J’espère que ça va suffire à lancer le ton de nos intentions.

« Je vais ensuite moi-même aller rencontrer George Washington pour tenter de lui démontrer comment un futur différent pourrait faire toute la différence dans le monde. Ou au moins pour lui faire comprendre que pour l’instant la guerre de la Conquête et la guerre de Sept ans ne sont plus une possibilité. J’ose espérer que personne du futur va apparaître pour me le faire exploser en pleine face.

« Je me demande comment va réagir George Washington quand je vais lui raconter comment l’histoire s’est souvenue de lui et de ses accomplissements. Et comment son beau grand projet d’une démocratie en Amérique s’est terminé en fiasco de corruption politique, une tyrannie, la plus grande guerre civile jamais vue et le morcèlement de ses États américains en neuf régions différentes pratiquement prêtes pour une nouvelle guerre de territoire, de ressources naturelles épuisées et de suprématie dans le monde.

« J’espère qu’il aura plus de génie et de sens commun que le Président de la région du Panier de Pain en 2039, notre fameux Président George Johnson qui sans le vouloir nous a envoyés dans le passé. Celui-là je suppose qu’il ne serait pas immoral d’empêcher sa naissance ou la montée de sa famille, que dis-je sa dynastie, dans le monde politique américain du futur ? Je puis déjà vous confirmer que si j’en ai la chance, le parti Républicain n’existera en aucun cas et en aucun temps, et la religion ne jouera jamais plus un rôle en politique.

« Notre projet sera pas facile, et d’après ma descendante du futur on a déjà failli à la tâche, voilà pourquoi je propose maintenant des solutions radicales. On nous a donné une nouvelle chance de changer le monde pour le mieux, sans être aussi dictatoriaux que nos descendants semblent être devenus, on va apporter la paix et une démocratie durables dans le monde.

« Je vous l’avais bien dit que ce serait un discours historique, non ? », termine Virginie avec un sourire embarrassé, incertaine, alors que l’Assemblée nationale et sa famille devant la télévision demeurent silencieux, comme encore sous le choc d’un tel exposé. Et alors l’Assemblée nationale spontanément se lève et se met à applaudir sa Première ministre.

 

21

 

Vallée de l’Ohio, 3 juillet 1754

 

Virginie pilote un jet accompagnée du Général Néron sur le siège arrière.

 

          « Voici donc la Vallée de l’Ohio, l’Ohio Country, il fallait bien être le 3 juillet 1754 pour que je visite ce coin de pays », affirme Virginie. « J’arrive même pas à conceptualiser qu’y a neigé dans les derniers jours, en plein juillet. Oh regarde, ça c’est certainement le fort Duquesne, difficile à croire qu’un jour ici sera la ville de Pittsburg. Nommé d’après le Premier ministre Britannique William Pitt. »

          « George Washington a essayé plusieurs fois de reprendre le fort, mais comme il en était incapable, il a décidé de construire le fort Nécessité plus loin, là, tu vois ? », demande le Général Néron.

          « Ah mais c’est misérable comme effort. Pas surprenant que les Français aujourd’hui vont facilement raser ce fort. Et c’est ce que l’on va arrêter aujourd’hui. La capitulation de Washington. »

          « J’ai presque envie de lâcher une bombe sur le fort Nécessité, ce serait un message clair pour Washington. »

          « Je suis d’accord, si on pouvait le faire sans tuer personne, sans tuer Washington lui-même, malheureusement c’est pas le cas. Voilà les armées, mon Dieu, c’est moins une, il était vraiment le temps qu’on arrive. Intéressant, je vois pas de distinction entre les Britanniques et les Américains. »

« C’est la même chose Virginie, les treize colonies américaines sont encore des colonies anglaises jusqu’au 4 juillet 1776, encore 22 ans avant leur déclaration d’indépendance. Je me demande si ce serait pas mieux de laisser les Français gagner cette bataille du fort Nécessité, attendre que Washington signe sa défaite, et ensuite lui parler. Nous serions dans une bien meilleure position. »

          « Ils ont tous vu les avions, ça a peut-être déjà changé bien des choses. Les Français ont jamais entendu parler de nous autres, ils vont penser qu’on est là pour protéger Washington, ils vont y penser à deux fois avant d’attaquer le fort Nécessité. En vérité c’est un échec spectaculaire pour Washington aujourd’hui, il va penser avant la fin de cette journée que sa carrière est terminée. À son retour à Williamsburg, le Gouverneur Dinwiddie va tourner cet échec en victoire pour Washington. La propagande existait déjà en 1754. J’ai pas besoin de l’humiliation et de la capitulation de George Washington, ou de sa confession de meurtre de ce jeune français à la bataille de Jumonville Glen que les Français vont lui faire signer dans quelques heures. J’ai juste besoin qu’il comprenne que sans nous c’est ça qui l’attendait. En fait, comme le Gouverneur Dinwiddie, j’ai besoin d’un George Washington très fort qui sera de notre côté et qui va nous aider dans notre projet de démocratie et de paix. Parce que j’ai pas l’intention d’attendre 1776 pour leur indépendance, et j’ai pas l’intention de l’appeler Lieutenant Washington aujourd’hui, pour moi il est déjà le Président des treize colonies américaines, avec la condition que leur immigration ne va pas s’étendre plus loin que leurs frontières actuelles. »

          « Virginie, c’est du génie, franchement je suis vraiment impressionné. Je vois comment sans toi j’aurais manqué une chance inouïe de tout tourner à notre avantage. Triste que dans trois mois tu ne seras plus notre Première ministre. Je me demande qui d’autres dans la région pourra te remplacer. »

          « Toi peut-être ? Et quand tu me visiteras dans mon hangar où je travaillerai sur mon nouveau vaisseau spatial, tu trouveras toujours une oreille attentive et de bons conseils. »

          « Pourquoi pas ? Mais j’aime mieux demeurer commandant de l’armée si le prochain Premier ministre ne me remplace pas, c’est là mon expertise. Ça m’empêchera pas de toujours te demander conseil. »

          « Bon, aussi bien construire notre mur maintenant pour lancer un clair message aux Français que l’attaque d’aujourd’hui n’aura pas lieu. Après ça Washington va nous accueillir comme ses sauveurs d’une défaite cuisante. Je nous mets en position. »

          Le jet de Virginie passe entre l’armée française et le fort Nécessité et lâche une lignée de bombes chimiques dont le rôle est d’agrandir de façon significative ce qui est déjà au sol. Instantanément un mur gigantesque s’érige entre l’armée française et le fort.

          « Oups, on a mal calculé, c’est beaucoup trop haut ! », annonce Virginie. « C’est quoi ça au milieu ? Il y avait un objet sur le sol, c’est maintenant devenu immense, ça transperce la montagne de bord en bord. »

          « Retournons pour voir », suggère le Général Néron.

          Virginie s’exécute et retourne le jet vers la nouvelle montagne et l’objet mystère qui a été agrandi avec le reste, et s’exclame :

          « Mais c’est une épée… une épée décorative, en or avec des joyaux, comme celle d’un chef d’armée. Et ça traverse la montagne de bord en bord ! »

« Mais c’est fantastique, voilà notre symbole de paix dans le monde pour signifier à tous les peuples que l’on va arrêter toutes les guerres », annonce le Général. « Une épée prisonnière des montagnes que l’on peut instantanément construire pour séparer n’importe quelles armées du monde. Attends, je suis en train de filmer le tout et de prendre des photos. »

          « Tu vas maintenant devenir mon propagandiste ? », questionne Virginie avec le sourire. « En effet, c’est vraiment une bonne coïncidence. Je vais faire un autre survol et après on atterrit dans le fort Nécessité. »

 

22

 

Fort Nécessité, 3 juillet 1754

 

Plusieurs jets atterrissent devant le fort Nécessité, à ce moment les portes du fort s’ouvrent et avancent plusieurs soldats et George Washington.

 

          « Tu as bien mis ton gilet et tes pantalons pare-balles ? », demande le Général.

          « Oui, active le champ magnétique juste au cas où ils viseraient ma tête… », répond Virginie.

          « Ils ont des canons tu sais, tu vois en haut ? On a aucune protection contre ça. »

          « On dirait que déjà en 1754 ils avaient vraiment développé l’art de tuer leur monde… va juste falloir prendre une chance. C’est quand même invitant, non ? George Washington lui-même. Il a pas l’air d’avoir peur de nous autres, exactement comme je pensais, après l’avoir sauvé des Français. »

          Virginie et le Général sortent du jet suivis de plusieurs autres québécois du futur.

          « Virginie ? Virginie Tremblay ? », demande Washington. « Oui, je te reconnais, tu es Virginie Tremblay. »

          « Vous parlez français monsieur le Président Washington ? Vous me connaissez ? Mais comment est-ce possible ? », questionne Virginie.

          « Aujourd’hui la prophétie s’accomplit. J’ai reçu la visite d’un jeune homme qui affirmait ne pas être français voilà des années, mais être un Québécois du futur. Il est resté avec moi pendant cinq ans et m’a enseigné le français. La journée où il est disparu sous mes yeux, il m’a dit qu’au jour de ma plus grande défaite, un jour décisif dans l’histoire de toute l’humanité, la bataille qui allait déclencher une guerre mondiale, la guerre de sept ans, je serais sauvé par toi. Il m’a dit de te tutoyer, j’espère que c’est acceptable ? »

          « Ben sûr, voyons. »

          « Eh bien tu dois me tutoyer toi aussi. Et merci de m’avoir sauvé  la vie. J’avais peur que la prophétie ne s’accomplisse pas.

          « Voyons, t’allais pas mourir aujourd’hui, au contraire, il faut bien que tu crées les États-Unis d’Amérique avant, et que tu deviennes Président. »

« Tu m’appelles le Président Washington, je ne suis que Colonel. Ça aussi il m’a prédit que c’est quelque chose que tu allais affirmer. Je n’ai plus aucune raison de douter maintenant, j’allais mourir aujourd’hui. »

          « Il t’a peut-être menti pour des raisons inconnues. C’est certain que si tu pensais que j’allais te sauver la vie, tu allais être beaucoup plus enclin à suivre mes conseils. À vrai dire sans l’aide de ce Québécois tu aurais été difficile à convaincre, tu hais les Français dans nos livres d’histoire. Mais je pense qu’il disait sans doute la vérité. Votre histoire devient de plus en plus différente de la nôtre, parce qu’il existe maintenant plusieurs voyageurs du futur qui ont visité le passé. Je suis même surprise que les événements clés de l’histoire existent encore, ils ont dû faire attention que notre rencontre d’aujourd’hui se produise. Mais à vrai dire, après aujourd’hui c’est le déluge. L’histoire va à jamais changer. »

          « Entrez, mais entrez donc, vous êtes les bienvenue ici. Nous allons planifier les États-Unis d’Amérique, non ? Une Amérique entièrement bilingue. »

          « Bilingue ? », se demande tout haut le Général Néron.

          « Et pourquoi pas ? », répond Virginie avec un sourire narquois. « J’avais pas l’intention de renvoyer les treize colonies britanniques à la couronne d’Angleterre, quand même. Et mon cher Général Néron, ça aurait pu être pire, il aurait pu dire trilingue. À mon avis l’espagnol dans le futur deviendra peut-être une langue morte. »

          « On peut au moins l’espérer », termine le Général alors qu’ils marchent vers le fort.

          Assis autour d’une table primitive dans une cabane en bois prête à tomber à cause des dernières pluies, Virginie commence à parler :

          « George, tu pensais vraiment que ton fort Nécessité allait faire une différence contre les Français ? Venant d’une telle personnalité, d’une telle légende, vraiment je me serais attendu à mieux. »

          « Le George Washington de ton histoire était peut-être désespéré, mais pas moi. Je savais très bien que ce fort serait inutile, que je n’en avais pas besoin. J’attendais un miracle digne de la Bible, une montagne qui se soulèverait pour me sauver des Français. Et surtout l’épée en or. Si tu savais comment j’ai eu peur de ne pas la placer au bon endroit. Regarde le dessin que Patrice m’a laissé, c’est pas très clair où la montagne allait apparaître. »

          « Patrice qui ? », demande machinalement Virginie alors qu’elle étudie le dessin. « Ah, il a signé, Patrice Tremblay. Un autre de mes descendants sans doute. »

          « Oh oui. Il m’a aussi donné ceci… que j’ai jamais montré à personne avant aujourd’hui », annonce Washington en sortant une tablette électronique d’un sac. « J’ai étudié toute votre histoire, enfin l’histoire de ton descendant, puisque tu me dis qu’elle diffère peut-être de la tienne. Je suis familier avec les paradoxes que le voyage dans le temps peut entraîner. J’ai eu le temps d’étudier tous les sujets importants. »

          « Un ordinateur portatif. Je peux voir ? », demande Virginie. « J’aimerais faire une copie du disque dur, j’aimerais pouvoir étudier comment l’histoire a déjà changé. »

          « Il l’avait prévu que tu allais le demander. Voici une carte mémoire, ça a le même contenu que la tablette. »

          « Charles, prends la carte et transmet les données à Sainte-Rose-Du-Nord. Explique-leur que c’est une autre version de l’histoire que nous devons maintenant comparer à la nôtre et à celle de Virginia qu’on a obtenu à l’hôpital de Chicoutimi. »

          « Bon, eh bien on peut manger ? », demande Washington ?

          « Asseyons-nous », confirme Virginie, alors que tout le monde s’assied et que des soldats apportent des denrées. « C’est tellement bizarre, je pensais arriver ici et devoir me battre pour te faire entendre raison, George. Voilà moins d’un quart d’heure je me demandais comment j’allais te faire comprendre que les grandes corporations américaines, surtout les institutions financières, nous ont complètement déshumanisés avec leur hiérarchies internes déprimantes, tout en nous apportant au gouffre absolu. Je me demandais comment j’allais te faire comprendre que tes idées de démocraties peut-être déjà en germe dans ta tête allaient éventuellement tourner au désastre. Je me disais, comment allons-nous faire pour unilatéralement déclarer un nouveau pays des États-Unis d’Amérique pratiquement instantanément et le faire reconnaître dans le monde entier sans utiliser la force. Mais je vois que nous avons déjà une bonne longueur d’avance ? Que tu es déjà au courant au moins d’une version d’où tant d’idéaux qui ont quand même fonctionnés pendant des centaines d’années vont finalement être anéantis par l’avarice, les extrêmes et la corruption ? »

          « Je suis tout à fait au courant, Patrice m’a déjà offert ses plans, et avec les années j’ai eu le temps des raffiner. Ce n’est pas toi ma chère Virginie qui va me dire ce que nous allons faire, c’est moi qui vais t’expliquer la suite des événements. »

          « Attention George, le Québec s’est pas battu pour sa souveraineté aussi longtemps pour maintenant se faire dicter quoi faire par un président américain, même si ce Président est George Washington lui-même. Vous avez peut-être eu les Premiers ministres canadiens d’Ottawa dans votre poche pendant des années, mais aujourd’hui c’est moi qui va te dire ce qu’on va faire. Même si j’avoue ne pas encore avoir eu le temps d’y penser. »

          « Eh bien ça tombe bien, parce que les plans que j’ai raffinés, ce sont les tiens. Ils sont tirés de tes mémoires que tu as écrits à la fin de ta vie, ce que tu crois avoir été de bonnes idées et d’autres de mauvaises. Ce que tu ferais si tu pouvais retourner dans le temps et tout changer. Eh bien voilà, tu l’as réalisé ce rêve. Voici tes mémoires… », montre Washington sur sa tablette.

          « Wow ! J’ai écrit ça, moi ? Wow ! Et tu l’as lu ? Et ça nous donne toutes les réponses à mes questions, notre marche à suivre ? C’est trop facile, vraiment. Tout de même, il va falloir lire tout ça et présenter notre nouveau plan au Parlement québécois, et aussi à la population. C’est pas moi qui décide, tu sais, je présente le meilleur plan possible, après avoir considéré tous les points de vue du monde, et on passe au vote. Alors George, explique-moi tes raffinements. »

 

23

 

Jonquière, Café l’Envol, 3 août 1754

 

          « Qui pourrait croire que nous sommes en 1754 ? », lance Virginie à Sylvain qui paie la serveuse et remplit leur verre de bière.

« En effet, en tout cas à Jonquière rien n’a changé, sauf que la bière est maintenant faite en région. A semble être meilleure d’ailleurs. »

« C’est l’fun de pouvoir relaxer et d’oublier toute la politique mondiale, mais j’ai l’impression que quelque chose va arriver… », continue Virginie juste au moment où son téléphone sonne. « Eh bien voilà ! Oui allo ? »

« Oui ? Virginie ? C’est Benoît. Tu devrais venir à Sainte Rose du Nord, l’équipe espagnole a découvert quelque chose d’intéressant, une nouvelle crise ! »

« J’t’avec Sylvain à Jonquière, tu peux pas t’en occuper ? C’est quoi l’problème ? Le roi d’Espagne a été assassiné ? »

« Non, il vient de lancer une flotte de navires, d’après les images de nos nouveaux satellites leur destination semble être la Nouvelle-France. »

« C’est grand la Nouvelle-France à notre époque, sois plus précis. »

« Ils montent vers le nord. L’équipe espagnole qui espionnait le port nous affirme qu’ils ont l’intention de venir jusqu’à la région du Saguenay-Lac-St-Jean. »

« Où es-tu, Bagotville ? »

« Non, Sainte-Rose-du-Nord. »

« Bon, j’arrive avec Sylvain. J’imagine que c’était le temps d’une p’tite démonstration de nos pouvoirs », termine Virginie en raccrochant.

« Qu’est-ce qui se passe ? », demande Sylvain.

« Les Espagnols ont pas encore compris qu’ils peuvent pas gagner contre nous. Mais chu pas la Reine Élizabeth, l’Espagne m’inquiète pas. Mais va falloir faire une sortie. »

          « L’Angleterre non plus a pas compris, d’après c’que j’peux comprendre. L’équipe Britannique a aussi indiqué que les Anglais préparait que’que chose. »

          « Mmh… Il faudrait donner une leçon aux deux pays, j’ai déjà une idée. Mais on va d’abord finir notre pichet de bière. Ça doit bien prendre du temps pour ces bateaux-là pour arriver ici ? »

          « Je sais pas, mais si le Titanic était supposé le faire en 10 jours à la vapeur, à voiles y vont bien prendre un mois ? »

          « S’ils ne se perdent pas avant, ou s’ils atteignent pas les monstres à la fin de l’océan. »

          « Tu viens de me donner une idée géniale ! Vite, laisse la bière… »

 

24

 

Milieu de l’Océan Atlantique, sur le pont d’un porte-avion, 5 août 1754

 

          « Tout est en place Madame la Première ministre, il commence à faire noir, la flotte espagnole est presque en vue », annonce le général Néron alors qu’il lui passe les jumelles militaires.

          « Les sous-marins sont près avec leurs charges spéciales et leurs déguisements ? », demande-t-elle, alors qu’elle scanne l’horizon. « Et les écrans géants sur les porte-avions, et les hydravions sont remplis ? »

          « Oui, je vais donner l’ordre de au département des effets spéciaux de lancer la fumée sur des kilomètres et de simuler les orages électriques. Si on commence pas maintenant ils risquent de nous voir et comprendre qu’ils n’ont pas vraiment atteint la fin de l’océan. »

          « Allons-y ! Général, on va prendre un hélicoptère, je veux rien manquer », confirme Virginie alors qu’elle saute aux commandes de l’hélicoptère.

Alors qu’ils s’envolent, déjà les avions ont produit une boucane infernale et les sous-marins ont commencé à lancer leurs charges pour créer des vagues instantanées et impressionnantes. Des caisses de son simulent un orage et des bruits de monstres, tandis que les écrans géants sur les porte-avions projettent des éclairs et des images de fin de l’océan et de fin du monde. Les hydravions survolent les bateaux à voiles et simulent une pluie torrentielle. Les sous-marins déguisés en monstres de toutes sortes font leur apparence près des bateaux, créant une panique jamais vue sur mer.

« Je donnerais n’importe quoi pour voir la tête du capitaine du bateau principal », lance en riant Virginie.

« On commence à épuiser nos ressources, il va falloir passer à la deuxième phase », contrecarre Néron.

« Bon ! Lance les autres avions, averti nos troupes de se protéger, on va tous les assommer avec des ultrasons. Après il va falloir les endormir au gaz. Prépare les bateaux, ils vont pouvoir commencer l’abordage et l’évacuation de tous les Espagnols. Je veux qu’on les laisse endormi partout sur la longueur de la côte de l’Espagne. »

« Ce qu’ils vont rapporter au Roi d’Espagne ! Ils vont avoir de la misère à convaincre leurs forces de reprendre la mer. Un plan magnifique Virginie ! », admet le général.

          Après l’évacuation des bateaux accomplie, aux premières lueurs du jour, les avions s’envolent pour éparpiller les Espagnols sur la côte de l’Espagne. Virginie et le Général Néron survole la grande flotte vide du Roi d’Espagne.

          « Bon, lançons le gaz, on rapetisse le tout à la grosseur de gros bleuets étendus, il faut que tous les bateaux entrent dans un gros sac vert », annonce Virginie.

          Le Général appuie sur un bouton et une canne de gaz tombe près des bateaux, un grand nuage s’épand et la flotte rapetisse à vue d’œil. Lorsque le nuage est dissipé, des bateaux de l’armée approchent pour ramasser les voiliers qui ne ressemblent plus qu’à des jouets.

« Et maintenant ? », demande le Général.

          « On retourne au porte-avion, on prépare une délégation, et on va faire une petite visite au Roi George II de Grande-Bretagne, et son Premier ministre Thomas, le Duc de Newcastle.

 

25

 

Londres, Ancien Palais de Westminster, 6 août 1754

 

          Lors de leur atterrissage devant l’entrée de l’ancien Palais de Westminster, Virginie remarque l’état des lieux :

          « C’est petit l’ancien Palais de Westminster, on va changer tout ça. »

          À l’intérieur notre délégation est reçue par le Premier ministre et le Roi.

          « Salut George II… et Thomas, Duc de… de… Newcastle », ouvre Virginie.

          « Vous êtes la représentante, la Première ministre de ces gens du futur ? Virginie Tremblay ? », demande le Premier ministre.

          « Nous avons pu observer vos objets volants voilà quelques mois », avance le Roi.

          « Oui, c’est vrai, on a survolé Londres. Ça m’a d’ailleurs donné une idée. Mais avant j’ai quelque chose à vous montrer. »

          Virginie prend le sac vert et vide son contenu sur une grande table, toute la flotte espagnole. Le Roi s’avance et prend un des bateaux dans ses mains, intrigué. Virginie sort alors une tablette et leur montre les images prises hier, incluant la réduction des bateaux.

          « Hier durant la nuit on a arrêté la flotte espagnole qui voguait vers le Québec. On a la technologie pour réduire et agrandir des objets de toutes sortes, et ces bateaux sont les vrais en version réduite. Tous les soldats espagnols sont maintenant de retour en Espagne. »

          « En une journée ? Toute cette technologie est fort impressionnante », commence le Premier ministre. 

          « Mais comment le croire ? » continue le Roi. « Nous n’avons que votre parole, et votre magie, ce n’est peut-être qu’une illusion. »

          « Eh bien, justement j’aimerais arranger une démonstration », annonce Virginie alors qu’elle enlève un voile d’une maquette placée sur la table. « Voici une maquette parfaite du Palais de Westminster en 2039. Si vous voulez, on peut vous l’agrandir grandeur nature. C’est not’ cadeau à la couronne, d’autant plus que Londres sans le Big Ben, ce n’est pas vraiment Londres. Il faudra alors évacuer les lieux, ça va prendre moins d’une heure. »

          « Construire un tel palais en une heure ? » demande le Duc de Newcastle.

          « Ce serait toute une démonstration. D’accord, comment procède-t-on ? », déclare le Roi avec un sourire moqueur.

          Après l’évacuation Virginie embarque avec le Roi dans un des avions qui décollent à la verticale, et elle lui laisse la chance d’appuyer sur le bouton qui lance une canne pour réduire ce qui est déjà en place. Devant la panique du Premier ministre qui observe les événements d’une certaine distance, le Général Néron le rassure et l’invite à venir avec l’équipe pour bien placer la maquette et une autre canne de gaz tout près. Une fois en place Virginie annonce au Roi que tout est prêt et que l’équipe a déjà installé une autre canne près de la maquette. Elle l’invite à appuyer le bouton à nouveau et cette fois ils observent un nuage de gaz autour de la maquette. Puis soudainement la maquette s’agrandie pour offrir au tout Londres le nouveau Palais de Westminster, avec le Big Ben.

          « Extraordinaire ! », crie le Premier ministre.

          « Incroyable ! », chante le Roi. « Vous pourriez peut-être me construire un château ? »

          « Oui, bien sûr », enchaîne Virginie. « Redescendons. »

          Une fois en bas, devant le nouveau Palais, le Général Néron remarque qu’il est presque midi, et soudainement le Big Ben sonne sa cloche pour la première fois dans toute l’histoire de l’humanité.

          « Tout est déjà fonctionnel, et c’est même meublé à l’intérieur, du moderne, j’espère que vous aimerez », affirme Virginie en redonnant la tablette électronique au Roi. « Ceci est toute l’histoire du monde du futur, et surtout de la Grande-Bretagne. Autour de 1754-1756 il y quelques guerres importantes et il est important de les éviter. Charles, tu n’en que pour 6 ans à vivre, tu vas mourir d’un anévrisme aortique, mais on peut guérir ça et le prévenir, si tu travailles avec nous sur un projet de paix mondial. »

« Je pense que si vous pouvez partager cette nouvelle technologie, et me construire des châteaux partout, et me sauver la vie… », commente le Roi.

« D’autant plus que votre système politique du futur est déjà en place, vous avez déjà pratiquement une démocratie. Ne reste plus qu’à négocier la situation des colonies. »

« Je pense que nous réussirons à bien nous entendre », termine le Premier ministre.

 

26

 

Village de Val-Jalbert, Lac-St-Jean, 26 septembre 1754

 

En haut de la montagne juste au-dessus des chutes du village de Val-Jalbert, avec une vue superbe sur le Lac-St-Jean, Virginie s’adresse à une foule de journalistes, de citoyens-citoyennes de la région, de grandes personnalités de tous les pays, ainsi que Benoît, la Marquise de Pompadour et George Washington.

 

          « Aujourd’hui est mon dernier jour en tant que Première ministre du Québec, demain auront lieu les élections que nous vous avons promises voilà trois mois. Non seulement au Québec et en France, mais aussi aux États-Unis d’Amérique. J’ai essayé de cacher que j’aimerais bien que la Marquise de Pompadour devienne la première Présidente française, et que George Washington, comme dans notre histoire, devienne le premier Président américain, mais les journalistes m’ont espionnés et vous ont tout raconté. Au Québec vous savez aussi qui est mon préféré, l’ex-Général Néron. Sans ces trois personnes clés de notre nouvelle histoire, rien de ce que nous avons accompli depuis les trois mois de notre arrivée en 1754 aurait été possible. Applaudissons-les.

          « La dernière tâche de ma vie politique, puisque je n’aurai plus le droit d’aller en politique au Québec, est la construction de l’Université du Québec à Val-Jalbert. Derrière-moi, un peu plus loin, se trouve la maquette que vous pouvez apercevoir sur l’écran géant. Dans quelques minutes notre petit modèle inspiré de la Tour de Babel va s’agrandir sous vos yeux et s’étendre aussi haut dans le ciel que notre Parlement à Sainte-Rose-Du-Nord. C’est la première d’une série d’Universités du Québec que nous allons construire dans le monde. Les premières à venir seront aux États-Unis, en France, en Angleterre, en Espagne, en Allemagne, en Italie, en Russie, au Japon et en Chine, pour n’en nommer que quelques-uns, tous nos alliés actuels qui se sont montrés intéressés à notre désir de paix et de vraies démocraties dans le monde.

« Et comme l’architecture de la Tour de Babel l’indique, dans ces universités la langue française ne sera pas plus importante que les autres langues. J’ai compris que finalement la culture française ne va pas disparaître avec le temps, au contraire nous devons célébrer la diversité mondiale sans tenter d’assimiler les peuples et leurs cultures. Cette première université pour le partage de notre savoir et l’éducation de notre histoire afin de conscientiser les peuples aux problèmes de demain, servira surtout à former les professeurs qui iront ensuite enseigner dans les Universités du Québec dans les autres pays. Quand vous verrez l’envergure du bâtiment qui dépassera la hauteur de la plus grande tour même en 2039, vous comprendrez vite que la majeure partie de la population deviendra enseignante. C’est mon dernier cadeau avant ma retraite politique, de l’emploi pour tout le monde. De toute manière, fiers de toutes ces mines d’or et de métaux qui sont maintenant à notre nom, nous sommes suffisamment riches pour offrir notre éducation au monde gratuitement. Et la technologie que nous avons déjà partagée avec nos alliés et que nous partagerons avec tous nos alliés futurs, éliminera pratiquement les famines et la pauvreté dans le monde, tout en sauvant l’environnement. Québécois et Québécoises, il y a de quoi être fiers !

          « On peut y aller, j’appuie le bouton ici, et voilà ! »

          Virginie appuie sur le bouton et aussitôt une Tour de Babel gigantesque s’étend vers le ciel avec pour arrière-plan tout notre petit monde, toute la région, et surtout le majestueux Lac-St-Jean et sa rivière Saguenay.

 

Fin

 

***

 

Roland Michel Tremblay

 

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